Cette année, le Festival Côté Court s’est déroulé en ligne du 17 au 27 juin. Il présentait cinq programmes dont trois compétitions. Voici nos 6 coups de coeur, les films retenus étant issus de différentes sections. 3 films font partie de la compétition “Fiction”, 3 autres font partie des programmes parallèles.
Sole mio de Maxime Roy, en compétition officielle à Côté Court ouvre le bal. Il vient de remporter le Prix de la jeunesse et est aussi sélectionné à notre Festival Format Court décalé en novembre prochain.
Sur la musique éponyme O Sole Mio du chanteur d’opéra Luciano Pavarotti, le court métrage nous entraîne dans une relation père-fils où l’amour a toutes ses chances face à la différence. Le père est sur le point de se faire opérer pour changer de sexe et devenir une femme. Le problème, c’est que la mère, avec laquelle il est séparé depuis quatre ans, n’est absolument pas au courant de cette initiative. Par lâcheté, peut-être, le père n’ose pas le lui dire. Un jour, elle le découvrira, sans qu’il n’ait à le lui dire, chose subtilement amenée en fin de narration, les mots seraient de trop, les gestes et les regards, simplement, nous disent tout. Le film nous entraîne dans une relation intrafamiliale en période de conflit, ou plutôt de désaccord, où le fils se retrouve bloqué entre la volonté de dire la vérité à sa mère et celle de ne pas trahir son père, il est la passerelle entre les deux. La transformation du père vient ajouter un contraste à son métier de chauffagiste qu’il exerçait avec son fils. On oscille toujours entre deux mondes ici, d’une part celui de la mère mise à l’écart, dans l’incompréhension en opposition avec celui du père, vivant sa nouvelle vie. Et d’autre part un monde féminin dans lequel le père s’affirme, notamment avec sa perruque, sa robe ou encore son maquillage, en opposition à son monde d’avant, celui dans lequel il avait une femme et un métier plutôt masculin. L’histoire ici porte en premier lieu sur la tolérance et l’amour, qui subsiste aux changements, peu importe le sexe, l’important étant d’abord de s’aimer soi.
Pour continuer à parler d’amour et de sexualité, revenons sur Miss Chazelles, de Thomas Vernay, en compétition officielle, un court-métrage portant sur une thématique bien connue au cinéma : l’amour impossible.
Mais cette fois-ci, nous ne le découvrons qu’à la fin, et le réalisateur nous tient en haleine tout au long du film ne nous donnant que quelques indices par-ci par-là. Dans une petite commune de la France, à Chazelles en Charente, c’est le jour de l’élection de la Miss du village, illustration parfaite des rêves de gloire, à la Little Miss Sunshine. Deux univers s’affrontent, entre un monde de fantaisie avec les paillettes, les belles robes des deux Miss en compétition, Marie et Clara et leur bandes d’amis respectives, clopes au bec, scooters jetés au sol et langage vulgaire. Le récit se déroule sur fond de douceur avec les routes de Provence dans la nuit et une musique galactique faisant résonner toute la douceur d’une histoire d’amour que dissimule toute cette mascarade. Nous nous retrouvons très souvent face à Clara, plongés dans son regard, nous dévoilant toutes ses émotions et la solitude qu’elle ressent en compagnie de ses amis.
Les deux bandes de potes, ennemis jurés s’affrontent plusieurs fois, créant ainsi une barrière invisible entre les deux jeunes filles. Réussiront-elles à se retrouver malgré les tabous qui les en empêchent ? Ce qui est plus sûr, c’est que les deux Miss, nous offrent un tableau très réussi d’un Disney 2.0, contemporain, avec deux jolies princesses et nul besoin de prince.
Et pour finir côté compétition, un récit plus noir avec Massacre de Maïté Sonnet. Deux jeunes soeurs doivent déménager de leur île favorite, la vie y est devenue trop chère pour leurs parents à cause du tourisme.
Très vite un contraste s’installe entre l’univers girly des filles (maquillage, vidéos tutos beauté et paillettes) et les nombreux symboles, (oiseaux morts, plages désertes) plus sombres glissés tout au long du film, accompagnés d’une musique angoissante. Nous sommes au plus proche de la grande soeur, son visage est très souvent face à la caméra, ce qui nous laisse découvrir ses émotions à travers ses regards incisifs. Ces gros plans sont alternés avec des plans fixes de la nature, de la plage, du paysage, comme pour symboliser le calme avant la tempête. Les touristes débarquant sur l’île sont dévisagés par les soeurs mais aussi par le spectateur, nous sommes partis prenante de l’embuscade en les visualisant de haut en bas, suivant les mouvements de caméra. Ils sont la cause de notre malheur, du départ des jeunes filles et elles vont le leur faire payer. Avec une froideur assez effrayante d’ailleurs. Un mélange de tristesse et de haine poussera les héroïnes à agir, deux émotions parfois si proches, c’est un acte de désespoir.
Pour revenir à un thème plus joyeux, découvrons une animation, de la section Panorama, mettant en avant de nouvelles créations contemporaines. Montagne, de Louise Cailliez, est un court de 18 minutes, il met en scène trois adolescents partis camper à la montagne.
À première vue, c’est un beau séjour qui se profile, mais très vite, l’ambiance se gâte, le temps s’agite, il pleut et les garçons ne semblent pas s’apprécier tant que ça.
L’histoire porte sur des amitiés, celles de deux copains qui se jalousent la place du meilleur ami avec le troisième. Le garçon tant convoité est placé sur un piédestal, au centre de toutes les attentions, et il en joue. L’un réclame une amitié exclusive tandis que l’autre, un peu d’attention, mais au final, ils ont tous les deux la même peur, celle de l’abandon. C’est dans une explosion de couleurs, un langage parfois vulgaire, et la mélodie de la pluie que Louise Cailliez entraîne le spectateur dans un périple moins fun que prévu. La narration du film ainsi que les dialogues des personnages nous plongent doucement dans une atmosphère sombre, toujours en contraste avec les dessins très colorés, à la manière d’un coloriage dont est fait le court-métrage.
Parlons maintenant poésie, avec Ailleurs, de Théo Gottlieb, de la programmation “Carte blanche de Dominique Frot”. La comédienne, a composé une sélection de 5 courts-métrages, elle a choisi des films reflétant la vie et sa lenteur, des films qui se cherchent, comme chaque être humain se cherche sans savoir où il va réellement.
Ailleurs a ce quelque chose de lent, de réfléchi et aussi d’inachevé, ce qui n’enlève rien à la beauté de ce film. Il s’impose comme un souffle doux et amer, la lumière est apaisante et un jeu d’ombres vient s’additionner à la mélodie du piano qui résonne tout au long du court.
L’histoire porte sur deux soeurs et leur mère, elles vivent loin de l’effervescence de la ville, pour leur mère c’est l’occasion de développer leurs dons. Charly a un don, elle sait mettre en lévitation des objets, mais Romy, elle, tarde à découvrir le sien. Et peut-être aurait-elle préféré ne pas en avoir finalement.
Tout en voix off, raconté par Romy, à la voix douce et cassée, elle nous fait découvrir à travers ses mots, une ôde à la mère, décrite tel un guide, c’est celle qui nous pousse à trouver notre voix. Il est fort probable de devoir se séparer de la mère pour prendre son envol, et ce film nous le raconte, de manière très poétique.
Notre 6ème coup de coeur, tout en restant dans un univers très sensible, porte sur 1998-2018, de Sigrid Bouaziz est un court métrage tiré du journal intime de la réalisatrice et actrice. À l’époque, elle n’a que 13 ans et s’adresse à sa meilleure amie, Sarah, qui ne lui répond pas, ce qui nous laisse penser que c’est une amitié à sens unique ou du moins qui l’est devenu.
La caméra nous promène dans une propriété du sud, en province, sûrement dans la maison de la jeune fille, pendant qu’elle lit ses lettres, en voix off. La nature a une place importante ici, le chant des cigales accompagne ses paroles.
Dans ses lettres, Sigrid se remémore les moments passés avec Sarah, alternant description du quotidien, allant de l’olivier visible à l’écran et récit de ses émotions. Dans un langage courant, criant de sincérité, la réalisatrice nous dévoile ses blessures, sans artifice. Le monologue résonne comme un poème à la fois doux et nostalgique. Dans cette narration autobiographique on retrouve des photographies datant de son enfance venant se coller à des gros plans sur des arbres ou des fleurs. Le zoom et le zoom arrière sont utilisés sur ces captations de la flore, ce qui lui donne un aspect sauvage et parfois même, inquiétant. C’est d’ailleurs ce que retranscrivent les mots de la jeune fille, à travers ses lettres, on ressent énormément d’amour pour son amie mais aussi beaucoup d’inquiétude quant au silence de celle-ci. Ce qu’on voit à l’image nous apparaît toujours comme les restes d’une vie passée, sans personnage, seulement les pièces de la maison, les objets qui traînent, comme si les personnes avaient disparu, laissant un vide immense. Le spectateur prend alors toute la place qu’il veut, s’identifie ou bien se laisse bercer par les mots et les paysage qui défilent.
Pendant 25 minutes Sigrid Bouaziz nous convie dans son intimité, le film démarre sur le portail de la maison s’ouvrant pour nous, et se termine sur une fenêtre grande ouverte, nous laissant découvrir le jardin au-dehors, nous incitant à continuer de rêver.