Ce samedi 6 juin 2020 se clôturait la 28ème édition du festival franco-belge Le Court en dit long. Une édition un peu spéciale, compte tenu de la situation internationale, qui s’est déroulée entièrement en ligne. C’est ainsi que 34 courts métrages, répartis en 6 programmes à thème, ont été diffusés gratuitement en ligne du 1er juin au 6 juin. Une large sélection dans laquelle Format Court a le plaisir de vous partager ses coups de cœur.
Grand gagnant du festival, Matriochkas de Bérangère McNeese a raflé à la fois le Grand Prix et le Prix d’interprétation féminine attribué à la jeune actrice Héloïse Volle.
Anna, adolescente de 16 ans, vit aux cotés de sa jeune mère Rebecca et de ses petits amis qui s’enchaînent semaine après semaine. C’est sous le soleil ardent du sud de la France qu’Anna, qui n’en est qu’à l’éveil de sa sexualité, tombe alors enceinte. Une grossesse qui résonne aussitôt comme une seconde chance pour sa mère-enfant, qui autant emballée qu’inconsciente des désirs d’Anna, fera pression sur cette dernière.
Si le schéma semble se reproduire de mère en fille, à l’image de ces poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres, Anna rejette ce destin et tente de trouver une échappatoire, aidée par l’un des amants de sa mère. Un homme réservé qui s’inquiète sincèrement du sort d’Anna, sans jamais la juger ou lui imposer sa volonté.
Avec l’excellent trio d’acteurs (Héloïse Volle, Victoire du Bois et Guillaume Duhesme), la comédienne et réalisatrice, Bérangère McNeese remet en cause avec justesse la représentation idyllique qui auréole parfois la maternité. Elle explore cette période de la vie d’une femme de façon plus réaliste et plus terre à terre avec Anna, mais aussi avec Rebecca qui, même en étant mère, reste une femme avec des désirs et son besoin de séduction.
Un film dont l’atmosphère joue aussi considérablement sur l’ambivalence et les contradictions de ses personnages. Notamment, avec Rebecca qui tout en veillant maternellement sur sa fille, cherche à être sa copine et la laisse fumer et boire en sa présence. Autre exemple avec Anna qui est à la fois cette ado véhémente et agressive mais aussi une enfant fragile que l’on aimerait à tout prix protéger.
Un autre court métrage qui a attiré notre attention est le film d’animation La visite de Guillaume Cuisset. Il met en scène une maison qui semble déserte où une multitude d’insectes surgissent de tous les côtés. Mouches, fourmis, cloportes, cafards, vers et araignées grouillent et prolifèrent dans les restes de nourriture oubliés, dans les meubles poussiéreux ainsi que dans chaque recoin. Une invasion à taille réduite qui ne fait que grandir et prendre de l’ampleur jusqu’à cette chute dont l’humour noir ne manque pas de mordant.
Le court métrage provoque volontairement le dégoût de ses spectateurs par ses bestioles et se veut presque choquant par sa fin. Une animation en noir et blanc permettant de mettre en exergue les insectes, qui à mesure que la musique s’accélère, pullulent et augmentent en nombre. Si La visite ne cherche pas tant à être moralisatrice, son objectif reste de marquer les esprits pour mieux transmettre sa leçon de morale, déjà annoncée dans le titre. Arachnophobes et phobiques des insectes, s’abstenir !
Autre court métrage qui nous marqué est celui du réalisateur et comédien brésilien Páris Cannes, Le dragon a deux têtes, présenté dans le programme « Émergence : écoles et ateliers », et ayant reçu la Mention spéciale du jury dans le domaine « Art & Essai ».
Deux frères jumeaux ont fait le choix de quitter tous deux leur pays natal, le Brésil, pour se réfugier en Europe et ainsi assumer sans crainte leur homosexualité. Si l’un vit librement à Bruxelles, le second frère, lui, vit comme immigré clandestin à Berlin et doit demeurer caché aux yeux des autorités. Une situation qui se complique lorsque ce dernier se blesse gravement dans un simple accident. Un évènement alarmant qui coïncide alors avec l’ascension populaire du candidat à la présidentielle brésilienne, profondément intégriste, Jair Bolsonaro.
La géographie dans ce court métrage illustre dans quelle mesure deux êtres en tous points identiques peuvent vivre des réalités différentes et injustes à une même époque. Une injustice géographique qui définit s’il est possible ou non d’assumer pleinement son identité, personnelle autant administrative, que ce soit aussi bien au Brésil qu’en Europe.
Ce qui est tout à fait remarquable dans ce court métrage c’est la façon dont le réalisateur brésilien mélange, avec finesse, fiction et documentaire pour montrer la réalité foncièrement conservatrice et cruelle vis-à-vis des minorités qui se cache derrière l’imaginaire paradisiaque et exotique du Brésil. Le dragon a deux têtes, par un écran divisé en deux, oppose en images la solidarité des deux frères et leur amour infaillible face à la peur et la haine que répandent des hommes comme Bolsonaro.
Toujours dans le programme dédié au thème « Émergence : écoles et ateliers », Format Court a eu un penchant pour Ceci n’est pas une valise, le court métrage de fin d’étude de Lou du Pontavice, lauréat du Prix Coup de Cœur RTBF-La Trois.
Chauffeur de taxi, Guy (Wim Willaert) doit se rendre à Londres en train pour rejoindre sa fille qui se marie dans la journée. Mais une petite fille congolaise, Maïssa, 7 ans, s’est glissée à son insu dans sa valise et cherche aussi à se rendre à tout prix à Londres. D’abord catégorique, puis hésitant, cet homme un peu empoté s’embarque alors de plein cœur dans une aventure qui le dépasse, où s’enchainent des péripéties toujours plus amusantes et insurmontables les unes que les autres.
Une comédie qui, par son humour et par sa légèreté, parvient à contourner avec simplicité la gravité qui est souvent associée au sujet de l’immigration clandestine sans jamais démentir sa dangereuse réalité.
À noter que le lundi 30 novembre, le Festival le Court en dit Long conviera son jury ainsi que ses lauréats au Centre Wallonie-Bruxelles Paris, pour officialiser la remise des prix ainsi que pour proposer la projection des courts métrages primés lors de cette riche compétition virtuelle. Une façon de conclure en beauté cette édition en ligne inédite qui marquera certainement l’histoire du festival !
Marguerite Stopin