Davy Chou présentait il y a un an son premier long-métrage, Diamond Island, lauréat du Prix SACD à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2016. Très justement encensé par la presse, son film n’est pas passé inaperçu dans le milieu et est sorti récemment en DVD chez Doriane Films.
Le film doit son titre au nom de l’île éponyme, au large de Phnom Penh au Cambodge, où est située son histoire. Diamond Island est en pleine transition urbanistique, le pouvoir est donné aux promoteurs immobiliers qui sont en train d’y construire « le Cambodge du futur », une sorte de paradis capitaliste ultra moderne pour riches. Bora, 18 ans, quitte sa famille pour cette île où le travail d’ouvrier sur les chantiers de construction est florissant. Loin de ses repères, il se lie à un groupe de jeunes dans la même situation et découvre les joies et les travers de la vie d’adulte.
Le dernier court-métrage de Davy Chou (Cambodia 2099, chroniqué sur Format Court et à retrouver parmi les bonus du DVD) avait déjà pour décor Diamond Island et pour personnages deux jeunes rêveurs. Dans ce film, les deux amis se racontaient littéralement leurs rêves respectifs. L’un cauchemardait au passé, l’autre rêvait au futur. Le premier fuyait un monde de répression. Le second voyageait dans le futur vers un monde probablement meilleur. En attendant, ils étaient bloqués dans un présent qui ne semblait pas leur correspondre.
Diamond Island, comme Cambodia 2099, aborde deux sujets qui s’imbriquent l’un dans l’autre, créant alors un film au genre hybride, quelque part entre le drame social et le film d’apprentissage. Sur fond d’une certaine violence économique – témoignant de la situation de nombreux hommes séparés de leur famille pour aller travailler à la construction d’une ville destinée à la bourgeoisie cambodgienne – on nous montre des jeunes qui s’amusent, draguent, discutent,… grandissent tout simplement.
Diamond Island paraît être un décor de cinéma, tellement tout semble faux. Cette sensation d’artificialité est surement aussi accentuée par des images aux couleurs saturées, rappelant l’univers virtuel des jeux vidéos ou des vidéos promotionnelles (comme celle au début du film décrivant ce que sera Diamond Island : « un paradis de la modernité »). Davy Chou a choisi de faire beaucoup de plans larges qui rappellent sans cesse que l’histoire anodine de ces jeunes en post-adolescence prend place dans cette situation particulière. Leurs préoccupations, en apparence celles de tous les jeunes de leur âge – séduire, se divertir, rêver – sont forcément influencées par l’environnement économique dans lequel ils évoluent. Ils vivent dans une promesse qui, même si elle sera pas tenue un jour, ne leur est de toute façon pas destinée. Comme dans Cambodia 2099, ces jeunes vivent une période de transition dans laquelle ils sont transportés entre passé et futur, à l’image de ces chantiers encore en cours mais qui paraissent pourtant être déjà des ruines. Le pont qui sépare Phnom Penh de l’île de Diamond Island représente en quelque sorte ce passage du passé au futur.
Davy Chou, franco-cambodgien, apporte avec ces deux films un regard distancié sur le projet de Diamond Island. Il n’en fait certainement pas l’éloge, sans pour autant en faire une critique directe. Notre regard d’européen face à ce projet est forcément touché par l’innocence d’une jeunesse manipulée par ce qui nous semble être un mensonge évident mais qui, sans le recul que permet Davy Chou avec son film, ne l’est pas forcément.
Pour aller plus loin dans la réflexion sur le film, le DVD propose deux interviews données par Davy Chou, au moment de la présentation du film à Cannes et au Festival du Film Francophone de Namur, dans lesquelles il revient sur ses intentions et son processus de création, autant sur Diamond Island que sur Cambodia 2099. On y retrouve également deux vidéos suivant la sortie du film à Cannes et au Cambodge ainsi que les premiers castings des acteurs et les musiques du film pour prolonger l’expérience cinématographique.
Diamand Island de Davy Chou : film & bonus (court-métrage, interviews, castings, scènes musicales, …). Edition Doriane Films.