« Valentina », film d’école de Maximilian Feldmann s’est vu attribuer le Prix du Public et une Mention Spéciale lors de la 14ème édition du festival de moyen-métrage de Brive par le jury Format Court. Ce film documentaire de 51 minutes nous plonge dans les yeux d’une petite fille de 10 ans, pour le moins fascinante, qui nous confie son histoire entre lucidité et insouciance. La réalité d’une famille roumaine, quelque part en Macédoine, confrontée à une misère matérielle et financière, que le manque de considération dont elle est victime, détruit à petit feu. Dès lors, l’enjeu du film n’est pas tant de faire un cinéma tire-larmes, mais plutôt de montrer sous divers angles ce que de coutume nous préférons voir de loin ou ne pas voir du tout : la misère des autres.
Maxime Feldmann pose sa caméra au cœur d’une communauté souvent dépréciée et méprisée. Il fait le choix de la montrer dans sa simplicité allant jusqu’aux moments les plus difficiles où la misère n’existe pas seulement en filigrane. Le film alterne habilement entre des scènes du quotidien, tel que le ramassage de bois ou encore la course poursuite après une poule pour en faire le repas tant attendu du soir, et des portraits aux allures photographiques de chaque membre de cette famille. Leurs visages meurtris sont ainsi capturés par des plans rapprochés fixes, presqu’hypnotisants, qu’accompagnent les commentaires parfois drôles parfois touchants de Valentina. Face à la caméra, les regards de ces visages statiques transpercent l’écran, venant se heurter contre nos cœurs ébranlés par leur souffrance tant que par leur joie. Il est ainsi, troublant de voir comment à la simplicité de ce dispositif cinématographique se dégage une efficacité surprenante où les visages et les corps sont sublimés par l’image documentaire.
L’efficacité, on la retrouve aussi dans la manière que Feldman a de tisser son récit, comprenons ce terme au sens de discours. En tant que documentariste, sa subjectivité se lit clairement. Son utilisation du noir et blanc intrigue. Comme si cette absence de couleur était là pour signifier au spectateur, une distinction entre ce que l’on voit – pauvreté – et ce qui transparaît, l’humanité. Et c’est à travers les mots d’une enfant que le réalisateur nous permet de pénétrer dans cette famille laissant derrière nous tous jugements hâtifs. Ce sont au contraire les sentiments qui viennent s’immiscer entre le spectateur et Valentina autant qu’entre cette dernière et sa famille. La fillette fait part, d’ailleurs, à plusieurs reprises de l’amour incommensurable qu’elle éprouve envers sa famille, et ce même lorsqu’elle est contrainte de mendier dans la rue avec sa mère.
Jamais chez Valentina, on ne ressent une once de violence ou même de haine. Il y a chez elle une authenticité profonde dans sa manière de percevoir le monde qui touche. Le réalisateur choisit d’aller chercher dans cette authenticité, des moments intimes sans jamais tomber dans le misérabilisme comme ce moment où dans cette pièce qui sert à la fois de cuisine, de salon et de chambre, chacun des membres de cette grande famille se trouve une place dans une savante organisation.
C’est en cela que le génie de Maximilian Feldman mérite d’être souligné. En faisant le choix d’humaniser ces individus, il cherche à leur redonner une dignité qui ne peut que les magnifier. Il pose sa caméra comme le faisait Vigo à Nice, sur une communauté oubliée et qui pourtant semble jouir d’un bonheur simple, offrant ainsi un cinéma social de qualité sans jamais oublier l’esthétique. Diplômé de la Filmakademie Baden-Württemberg, Feldman a déjà tout des grands cinéastes et offre, plus que du cinéma, un cinéma-vérité.
Pour information, « Valentina » sera projeté à l’occasion de la reprise du palmarès de Brive le lundi 24 avril à 21h au Cinéma l’Archipel (17 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris), précédé de « Madame Saïdi » de Bijan Anquetil et Paul Costes