Bien avant d’être couverte de lauriers pour ses longs-métrages iconiques « La Leçon du piano », « Un ange à ma table » ou encore « Portrait de femme », la cinéaste néo-zélandaise Jane Campion s’était fait remarquer sur la scène internationale avec son tout premier film, un court métrage au curieux titre de « An Exercise in Discipline – Peel » ou « Peel » tout court. Production australienne datant de 1982, le film a déniché la prestigieuse Palme d’Or pour le meilleur court métrage à Cannes quatre ans plus tard, le début d’une longue histoire d’amour entre la réalisatrice et le festival.
Le récit laconique et minimaliste met en scène un homme, sa sœur et son fils lors d’un road trip. De cette prémisse minimaliste émerge l’épluchure d’une orange comme déclencheur d’un ressort dramatique insoupçonné.
Il se peut que la jeune Campion ait conçu ce film comme un exercice narratif ou de réalisation ; le titre le suggère, tout comme le schéma métafilmique montrant le rapport entre les personnages (rapport également valable dans la vraie vie). Cependant, c’est la maîtrise parfaite du langage cinématographique dans une œuvre aussi précoce qui impressionne. Une mise en scène méticuleuse mettant à nu le conflit triangulaire, la dissonance entre un cadre idyllique et l’autoroute qui le coupe brutalement sur les plans visuel et sonore, une caméra souple et habile qui sait envahir l’espace psychologique des personnages et éplucher l’écorce de l’harmonie familiale illusoire…
Avec ses coupes nettes subites, ses grincements de roues, ses hurlement d’injures, le film accélère imperceptiblement mais sûrement vers une violence qui serait considérée comme déplacée voire inadmissible de nos jours. Le résultat est un moment de tension à couper au couteau, palpable comme la chaleur étouffante de la journée estivale où l’odeur de l’agrume-vedette finit par laisser un goût doux-amer.
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