Notre rubrique « Le film de la semaine » accueille un nouveau titre animé choisi par Michèle Driguez, la sélectionneuse des courts-métrages du Festival Cinemed, consacré au cinéma méditerranéen à Montpellier. Son choix porte sur « O’Moro » de Christophe Calissoni et Eva Offredo, l’un de ses films préférés en animation.
O’Moro de Christophe Calissoni et Eva Offredo, 11’50’’, France, 2009, Je Suis Bien Content Production
Synopsis : Naples, fin des années cinquante. Un carabinier, colosse taciturne que son chef surnomme O’Moro, “Le Maure”, a pour mission d’arrêter la racaille de la ville. Un matin, sur le port, la rencontre d’une gitane va changer le cours de sa vie.
Pourquoi « O’Moro » ? Difficile de répondre en quelques lignes vu l’extrême richesse d’un film dont je n’arrive pas à me lasser, que je re-découvre à chaque fois. D’abord parce qu’il a le — trop ? — rare avantage d’être disponible légalement sur Internet, une des demandes de Format Court pour choisir le court métrage de sa rubrique « Le film de la semaine »… Mais aussi et surtout parce que c’est un petit bijou solaire, minutieusement ciselé qui nous offre en moins de 12 minutes un véritable concentré de Méditerranée.
Dans la lumière de Naples des années 50, « O’Moro » est une animation magnifique, colorée et poétique, inspirée des Naïfs mais aussi de Van Gogh. La technique est traditionnelle — pantins en papier découpé — avec un incroyable sens du détail pour rendre la vie grouillante et joyeuse du petit peuple, des hauteurs de la ville jusqu’à la splendeur de sa baie.
Grâce à une bande son très travaillée, « O’Moro » est aussi un film musical. Musique des langues et des accents d’abord : O’Moro c’est le Maure en napolitain, qui se mêle à l’italien, l’espagnol, l’arabe et l’anglais des touristes. Le Maure, si noir de peau, est brigadier sous les ordres d’une vieille baderne raciste et ridicule qui fait la chasse aux illégaux, mais il ne rêve que d’une chose : retourner au pays par le désert d’où il vient. Douleur de l’exil, solitude, nostalgie portée par le luth qui le console. Musique toujours avec les chansons des Gitans, gens du voyage, trop différents eux aussi, donc éternels suspects : « O’Sarracino », le Sarrasin, joueur de guitare, « Zingarella », la Gitane, danseuse et diseuse de bonne aventure. Dans un final sous les étoiles où fusionnent l’arabo-andalou et le flamenco, ils finiront par célébrer ensemble une Méditerranée vibrante et vivante où les corps « étrangers » dansent et chantent la vie, libres de toute répression morale ou policière. D’une actualité toujours aussi brûlante…
Michèle Driguez