Rechercher sur Internet des courts-métrages réalisés par des artistes plasticiens ne permet pas souvent d’en trouver d’aussi faciles accès. Francis Alÿs, artiste belge expatrié au Mexique depuis plusieurs années, en a une opinion différente. Exposé notamment à la Tate Modern à Londres ou encore au Centre Pompidou à Paris, il laisse ses vidéos visualisables en ligne et disponibles en Creative Commons. Pratique qui en dit long sur sa vision du cinéma, proposition volontariste d’obtenir une portée aussi large que possible.
Reel Unreel (2011) de Francis Alÿs. En collaboration avec Julien Devaux et Ajmal Maiwandi. Vidéo, 20 min. Une production du Musée Jenisch Vevey (Suisse)
« Reel Unreel » évoque autant d’allégories que de vérités sur une situation chaotique en Afghanistan. Francis Alÿs rappelle par bribes, une situation, un état. Un fil rouge, incarné par la bobine de film (reel), à travers la capitale de l’Afghanistan qui nous questionne sur ce qu’est le « réel » et « l’irréel » !
Personne ne songe à arrêter ces enfants traversant la ville via des rues parfois délabrées. Quelques curieux par-ci par-là regardent le déroulement du film. Et c’est par celui-ci que l’on découvre la vie, les habitants, les hélicoptères tournoyant, les soldats, le marché de la ville, une roulotte et ses chevaux, une djellaba, des cyclistes, un 4×4 ou encore la police. Comme un visionnage abstrait, une non projection de cette pellicule. C’est une projection de l’état d’un Etat, C’est le « réel » qui est ici présent. La guerre est là, les rues sont sales et la poussière est vivace.
Lorsqu’un brûlot enflamme une partie de la pellicule, les enfants continuent sur leur lancée, et l’on ne peut s’empêcher de penser aux talibans qui brûlèrent, en 2001, les films de la Cinémathèque de Kaboul et qui déclenchèrent un incendie de 2 semaines. Ce passage marque une rupture dans le processus d’enroulage et de déroulage du film. Commence alors dans notre regard de spectateur l’ « unreel », et toutes ses métaphores qui nous viennent alors, les allégories à cette guerre. La vie qui se déroule sous nos yeux est un film implicite. Le film est brûlé, mais il continue de tourner dans sa bobine (reel en anglais). L’unreel, c’est tout ceci, tout ce qui est évoqué en arrière, d’une manière abstraite et que l’on comprend.
Kaboul est une salle de cinéma dans lequel le spectateur, par la course de ces enfants, regardent la vie se dérouler. La bobine de film est métaphore de la vie, la vie est métaphore du film.
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