Rory Waudby-Tolley. Jeune réalisateur & animateur britannique. Issu du Royal College of Art (passé précédemment par l’université de Bournemouth), il a réalisé « Mr Madila, Or The Colour of Nothing », lauréat de notre Prix Format Court lors de la dernière édition du Festival Premiers Plans d’Angers. Ce documentaire animé de grande qualité, confronte, entre réalité et fiction, le réalisateur avec Mr Madila, un guérisseur spirituel dont il possède la carte de visite. En avril dernier, Rory Waudby-Tolley est venu présenter son film à notre séance Format Court au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) grâce au soutien du British Council. Nous en avons profité pour l’interviewer, lui demander de nous croquer un dessin et nous envoyer une vidéo-bonus créée spécialement pour Format Court (tous deux publiés dans cet article).
Pourquoi dessines-tu ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de t’intéresser à l’animation ?
En fait, j’ai toujours aimé dessiné. L’animation me permet plus facilement de faire les choses : j’ai plus de contrôle. Contrairement aux films de fiction, je n’ai pas besoin de trouver d’acteurs ou d’engager une équipe. J’ai commencé mes études à Bournemouth (Royaume-Uni) dans une université plutôt tournée vers l’aspect technique, l’animation 3D, les effets spéciaux et le travail en grand nombre, mais j’étais plus intéressé par le fait de faire mes propres projets, en équipe très réduite. Le Royal College of Art m’a permis de trouver cela.
Pourquoi as-tu à décidé de faire tes études à Bournemouth ?
Au départ, j’étais intéressé par l’aspect technique de l’école, puis j’ai commencé à être plus attiré par le fait d’écrire et de réaliser des films. J’en suis aussi venu à préférer les dessins plus simples aux animations 3D. Je me suis dès lors intéressé au Royal College of Art. J’ai vu beaucoup de films qui y ont été faits comme « The Eagleman Stag » (réalisé par Mikey Please) grâce à des plateformes en ligne comme Vimeo.
Dans tes films, tu parles beaucoup de sujets d’actualité comme la discrimination, par exemple. Fais-tu des films dans le but de mettre en avant ces questions, pour illustrer tes expériences ?
Oui, j’ai toujours été intéressé par ce genre de sujet. En fait, ma mère enseignait l’anglais à des étudiants étrangers et beaucoup de mes amis étaient des réfugiés également. Mon premier film « Merfolk » est parti d’un dessin un peu stupide où j’imaginais des sirènes qui pouvaient se déplacer (sur terre) grâce à leurs fauteuils roulants. Du coup, j’ai fait ce film un peu comme un documentaire animé, mais avec un ton humoristique parce que je pense que les spectateurs sont plus réceptifs à la comédie qu’à quelque chose de sérieux et triste.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de réaliser « Mr Madila », ton film de fin d’études ? Celui-ci se veut une histoire fictive mais il est très ancré dans le réel.
Au départ, j’avais une idée différente de film qui devait être une histoire plus conventionnelle et narrative. Seulement, j’avais gardé cette carte qu’un « guérisseur spirituel » m’avait donné il y a longtemps et je me suis dit qu’il fallait que je fasse mon film là-dessus, à la manière d’un véritable documentaire. Je voulais que le film soit aussi réaliste et convaincant que possible. Par exemple, la carte du guérisseur qui apparaît dans le film est différente sur certains points de celle que l’on m’a donné (j’ai changé le nom et le numéro), mais le slogan du guérisseur et le même que sur la vraie.
« Mr Madila » est à la fois mystique et métaphysique. Peux-tu nous en dire plus là-dessus ?
Je voulais faire un vrai documentaire, mais j’ai réalisé que je n’avais pas beaucoup d’expérience dans ce genre de film. Je voulais aussi mettre un peu de moi-même dans ce projet, j’ai pensé du coup que ce serait plus intéressant et amusant de faire comme si j’avais fait un documentaire sur un documentaire même si ce n’était pas réel, c’était tromper un peu le spectateur de façon amusante. Je pensais que c’était important que tout semble vraiment réel au début du film parce que tout le monde n’est pas habitué à voir de vraies conversations sous forme de dessin animé.
« Mr Madila » est ton dernier film. Comment envisages-tu la suite ?
J’aimerais bien écrire ou réaliser un long métrage un jour. À vrai dire, à Londres, le travail d’animation se fait principalement dans la publicité. Juste avant « Mr Madila » j’ai travaillé sur une publicité que je n’ai pas réalisé, juste animé. Je vais bientôt entamer une résidence d’artistes dans un cabinet d’avocats. Ces derniers ont vu « Mr Madila » et ont paru intéressés et ouverts sur mon travail. Je ne sais pas encore à quoi ça va ressembler, je vais sûrement partir sur l’idée d’un documentaire animé, un peu à la manière de « Mr Madila » : j’interrogerai des membres de l’équipe et j’animerai le résultat.
Tu as un style de dessin bien à toi avec des personnages très expressifs et plein d’humour, des sortes de caricatures aux airs exacerbés et absurdes, qui vont du très mignon au complètement blasé ou névrosé. Pourrais-tu nous en parler ?
En fait, j’aime bien les choses un peu bizarres et chaotiques. Dans mes films, ça m’intéresse qu’il y ait ce genre de climax. Au départ, tout est calme, les gens s’habituent au rythme, puis survient ce petit éclat qui change tout et qui rend tout un peu chaotique, ce qui correspond à mon style de dessin. J’aime la confusion !
Propos recueillis par Gaël Hassani et Katia Bayer. Retranscription : Gaël Hassani
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