En décembre 2014, Format Court remettait son quatrième et dernier prix au festival du film de Vendôme, ce dernier ayant annoncé sa fermeture définitive en janvier 2015. Après « Pour la France » en 2013, « Le Monde à l’envers » en 2012 et « La Maladie blanche » en 2011, « Tourisme International », moyen-métrage d’une cinquantaine de minutes de Marie Voignier primé par notre jury, est l’une des dernières belles découvertes cinématographiques que la riche programmation de ce festival aura offertes.
Marie Voignier, cinéaste et vidéaste, ne rapporte pas de ses voyages des films de vacances banaux et dignes d’intérêt uniquement pour ses propres souvenirs. Bien au contraire. De son séjour en Corée du Nord, elle propose un documentaire militant et novateur, tant sur la forme que sur le fond. « Tourisme International » n’est pas un film de touriste mais un film sur le tourisme dans un pays en dictature. Le tourisme individuel en totale autonomie y étant interdit, les étrangers sont obligés de passer par une agence spécialisée pour organiser leur circuit et être accompagnés par un guide de l’État tout au long de leur voyage. Par l’intermédiaire de ce guide, le gouvernement peut alors transmettre l’image qu’il le souhaite de son pays. Marie Voignier a visité la Corée du Nord parmi l’un de ces groupes et livre un témoignage poignant, évidemment contraire à la majestueuse image du pays que les guides ont essayé de décrire.
Par un choix de montage, pas des plus simples mais des plus percutants, la réalisatrice critique les faits du gouvernement avec une justesse implacable. En effet, elle a décidé de couper le son et de ne postsynchroniser que les sons d’ambiance, oubliant ainsi volontairement les voix des guides. Ce procédé dérangeant souligne l’absence de sens réel de leurs propos et permet au spectateur de se concentrer uniquement sur l’arrière-plan. Seulement, quelques cartons le guident pour expliquer le contexte de la visite, mais la neutralité des cadrages et l’absence de commentaires de la part de la réalisatrice le laissent libre d’analyser lui-même les images et de tirer ses propres conclusions sur les conditions de voyage en Corée du Nord. Le film n’est probablement pas tourné intégralement en caméra cachée mais certaines images, régulièrement filmées à la taille, le sont certainement. Ces plans témoignent de la détermination de Marie Voignier à filmer, même lorsqu’elle ne devait pas en avoir la permission.
Il faut bien sur s’accrocher pour tenir presque une heure devant de tels longs plans fixes sans voix mais le propos de Marie Voigner est tellement saisissant que l’on ne peut qu’être captivé et sortir de ce moyen-métrage avec un nouveau regard sur notre époque et en particulier sur la Corée du Nord.