Au-dessus de la ville, on voit un oiseau
Incroyable plongée dans un territoire fantastique, le film d’écoles d’Arash Nassiri s’attache à transposer une certaine image de Téhéran dans le paysage urbain de Los Angeles créant ainsi une utopie cinématographique des plus envoûtantes.
Et si l’Iran n’avait pas connu la Révolution islamique? Et si le modèle américain que l’on projetait sur tous les murs de la ville dans les années 70 avait gagné la capitale iranienne, quel visage offrirait-elle aujourd’hui aux yeux du monde ? Autant de questions qui resteront sans réponse puisque l’Histoire en a décidé autrement. Il n’empêche que dans son film « Tehran-Geles », Arash Nassir, issu du Studio des arts contemporains Le Fresnoy, né en Iran et ayant grandi en France, a imaginé une ville à la croisée des chemins, un univers improbable qui répondrait au fantasme démiurgique de création d’une nouvelle Persepolis.
Aussi, dans ce court métrage expérimental, incruste-t-il des enseignes de la capitale iranienne sur les gratte-ciel de la Cité des Anges. Des témoignages téléphoniques d’hommes et de femmes commentant leur quotidien d’avant la Révolution contrastent avec les images aériennes qui évoquent une réalité contemporaine. Des arrestations par la police du Shah en passant par la mode vestimentaire, les souvenirs renvoient à un mode de vie disparu. On devine que ces personnes ont fui leur pays après la Révolution pour venir s’installer à Los-Angeles où l’on retrouve la plus grande communauté iranienne du monde.
Le résultat est curieux et la démarche reste interpellante à plusieurs niveaux. Car loin d’être anecdotique, elle est au contraire une réflexion intelligente sur la manière de s’approprier le passé révolu de son pays d’origine et de lui imaginer un futur illusoire. Le jeune réalisateur exprime par là son attachement à ses racines tout en questionnant les bouleversements provoqués dans la société iranienne depuis la Révolution de 1979.
Il crée volontairement un décalage entre la fiction d’une réalité revisitée et la réalité des commentaires et joue habilement avec la notion de frontière et de territoire, tellement ancrés dans la mémoire de tout apatride. Avec cette projection futuriste où la musique de Flavien Berger pousse à s’enfoncer dans les abysses labyrinthiques d’une ville inexistante, Arash Nassiri signe ici une exploration vertigineuse et hypnotique de l’âme exilée.