Le Festival Européen du Film Court de Brest, organisé par l’association Côte Ouest, s’est achevé le 16 novembre dernier. L’équipe de Format Court y était présente et a pu profiter pendant quelques jours d’un festival parmi les plus exigeants et les plus ouverts. Avec plus de 200 films projetés, représentant une trentaine de pays, le festival a enregistré pas loin de 30.000 entrées, avec 300 professionnels invités et une équipe de 200 bénévoles. Des chiffres vertigineux pour une ambiance toujours conviviale !
Cette ambiance est rendue possible tout d’abord par une équipe attentive et accueillante formée, entre autre, pour ne citer qu’eux, de Fabienne Wipf à la direction et de Massimiliano Nardulli à la programmation. Le Quartz, centre culturel de Brest, occupé par le festival pendant six jours, accueille les festivaliers dans une décoration entièrement refaite pour l’occasion.
La cérémonie de clôture festive, suivie d’un lâcher de ballons dorés dans la grande salle et d’un combat de programmateurs (deux programmateurs de festivals se sont affrontés à coups de courts-métrages et ont été départagés à l’applaudimètre) ont conclu ce festival riche en souvenirs d’une manière originale et réjouissante.
Les trois compétitions de films courts
Cette année encore, le festival de Brest a programmé plus de soixante films en compétition, répartis en trois groupes distincts. L’impérissable compétition européenne a proposé 40 films éclectiques représentant presque tous les pays d’Europe, la compétition française, active depuis trois éditions, a présenté 16 premiers films ou films d’école et 9 films expérimentaux ont été exposés dans la toute fraiche compétition OVNI, créée l’année dernière.
Pour la troisième année consécutive, notre équipe a attribué un prix au meilleur court métrage de la compétition européenne. Le jury a longuement débattu autour des films, toujours aussi habiles et novateurs. Les coups de cœur de chacun des membres du jury se sont portés vers des courts assez différents allant de « Discipline » de Christophe M.Saber, comédie satirique sur les débordements des comportements humains à « Stella Maris » de Giacomo Abbruzzese, adaptation onirique d’une vieille légende italienne en passant par « Habana » d’Edouard Salier, film d’anticipation sombre en période de guerre civile à La Havane (un des six films représentant la France dans cette compétition européenne) en passant par « Arena » de Martin Rath, film initiatique situé au fin fond d’un forêt polonaise, ou encore « I’ve been a Sweeper » de Ciarán Dooley, film poétique sur un vieil homme revenant sur sa vie passée lors sa dernière journée sur terre. Mais notre dévolu s’est jeté sur « Nashorn im galopp » d’Erik Schmitt, seul film ayant remporté l’unanimité, nous ayant touché par sa créativité, sa poésie, son rythme et son humour. Après « Prematur » de Gunhild Enger en 2012 et « Misterio » de Chema García Ibarra en 2013, le lauréat bénéficiera d’un dossier en ligne, d’une projection de son film au Studio des Ursulines (Paris, 5ème) et d’un DCP de son prochain film grâce à notre récent partenariat avec le laboratoire Média Solution.
Pour ce qui est de la compétition française, notre préférence est allée au film de Martin Razy, « Sans les gants » qui évoque le passage de l’enfance à l’âge adulte d’un jeune boxeur. Nous avions aussi repéré parmi cette sélection nationale des films originaux comme « Mona », film d’école d’Alexis Barbosa, mettant en scène des robots humanoïdes impliquant un travail presque chorégraphique autour du corps des actrices, ou encore « 15 francs, des fleurs et une culotte », film poétique sur la perte de mémoire dû à la vieillesse et « C’est le ciel qui vous envoie », légère comédie de Pierre Aboujaoude illustrant la rencontre imprévue entre un jeune paysagiste transformé en curé en prévision d’une soirée déguisée et un homme mourant, impeccablement interprété par Michel Galabru.
Le Festival du Film Court de Brest est aussi l’occasion de présenter des courts-métrages qui ne rentrent pas « dans les cases ». Depuis 2013, les inclassables du festival trouvent leurs places dans la compétition OVNI (Objets Vidéos Non Identifiés), auparavant présentés dans la sélection « Cocotte Minute », une façon de rappeler que le monde de l’imagination est sans frontières et que les extravagances ont encore leur chance dans le décor cinématographique.
Philosophiques, oniriques ou fantasmagoriques, les courts-métrages de la sélection OVNI ont un point commun, la singularité. Apartés délirantes, portraits loufoques, récits engagés ou métaphores surréalistes, les films de la sélection OVNI sont autant d’offrandes pour tous les curieux qui désirent s’évader, apprécier de nouvelles formes narratives et de nouvelles esthétiques.
Cette année, cette sélection comptait 9 courts-métrages de fiction, tous orientés vers une analyse comportementale et/ou psychologique des êtres humains. Les thématiques respectivement traitées dans chacun des films, ont fait apparaitre deux types de trames narratives : les courts-métrages « fictionnels », davantage portés sur la mise en scène d’individus en quête de savoirs (« Fracas » de Kévin Noguès), d’accès à l’extase sexuel (« Prehistoric Cabaret » de Bertrand Mandico), de relations interpersonnelles (« Balança » de Rui Falcao, « 30 minutes par jour » de Samuel Lampaert) ou encore d’identité (« Mona Blonde » de Grazia Tricarico, « Tiny Love » de Victor Vroegindeweij ). De ces fictions, ce sont distingués les courts-métrages « portraits » au sein desquels le spectateur assiste davantage à des scènes de vie comme « suspendues », hors du temps (« Ja Vi Elsker » de Hallvar Witzo, « Proavlio » de Rinio Dragasaki, « La Pasión de Judas » de David Pantaleón).
Les programmes Brest off
Projetés depuis plus de 20 ans, les programmes Brest off sont attendus aussi bien par le public que par les professionnels. Cette 29ème édition a proposé 25 films répartis en 5 programmes. L’idée de ces programmes est de faire la part belle à des films courts rarement vus en festival. Ces films de genre sont en « off » du circuit des festivals généralistes et ne sont montrés généralement que dans les festivals spécialisés.
Cette année, ce fut l’occasion de voir des films d’horreur, des films d’amour, des polars, des films historiques et des films de science-fiction. Nous détaillerons ici le programme « Drôles de frissons », qui nous a plus particulièrement interpellé.
Avec cette projection programmée en soirée, les spectateurs sont venus, tout excités, pour avoir peur. Le début de séance était accompagné de cris et d’applaudissements. Chacun se mettait déjà en condition, se nouant le ventre et attrapant la main de son voisin avant même les premières images des films, faisant ainsi monter progressivement l’ambiance. Avec sept films, les thèmes principaux du genre ont été abordés et les attentes des spectateurs comblées.
Sous une belle esthétique noir et blanc jouant sur les clairs-obscurs, « Ferdinand Knapp » d’Andrea Baldini traite du sujet profond et angoissant de la schizophrénie, cher aux films d’épouvante, en mettant en scène un acteur perdu entre toutes ses facettes. L’interprétation de Dominique Pinon dans le rôle d’un homme rendu fou est remarquable, avec un coup de cœur pour une scène en particulier où son personnage semblant totalement ivre, monte sur une scène pour récupérer son prix et insulte le public avant de s’écrouler en coulisse.
La maladie contagieuse est souvent un point de départ aux films d’horreur. Déjà repéré à Court Métrange, « Cólera » d’Aritz Moreno, est un plan-séquence audacieux de 6 minutes en extérieur dans un décor surréaliste avec beaucoup de personnages et de rebondissements. Il montre le rejet d’un homme malade, pustuleux et contagieux, par la société.
Puisqu’un programme sur les films d’horreur sans fantômes ou morts-vivants aurait été incomplet à Brest, ceux-ci sont présents dans trois films programmés. Dans « Breathe » de Toby Meakins, nous retiendrons le procédé utilisé pour représenter le fantôme lié au souffle de deux garçons le faisant apparaître et disparaître comme de la poussière qui s’envolerait. La respiration étant la chose la plus difficile à gérer et contrôler, ce film est une belle métaphore de la mort impossible à contrôler mais aussi de l’admiration que l’on peut lui porter car elle y est représentée par une belle jeune fille sexuellement attirante.
« A vif » de Guillaume Foresti est un film mélancolique sur le deuil. Il nous montre un homme qui ne veut pas réaliser que sa compagne est décédée. Il partage alors sa vie avec un fantôme qui lui semble très réel mais qui lui fait perdre son système sensoriel.
Le décor de « Ghost train » de Lee Cronin, également vu à Villeurbanne, est une fête foraine abandonnée depuis bien longtemps, avec tout ce qu’elle a d’effrayant ; les mots train et fantôme étant à prendre au sens propre. Ce court est un film d’horreur pur et dur où culpabilité et morts-vivants viennent hanter les vivants.
Enfin, parce qu’un film de genre, avec des codes bien définis, se parodie aisément, « Entre ange et démon » de Pascal Forney est la touche finale humoristique bienvenue auprès du public après 1h15 de frissons.
Le jeune public à Côte Ouest
Tout au long de l’année scolaire, l’association Côte Ouest fait un travail autour du jeune public en proposant des séances de courts-métrages, des ateliers et des accompagnements de groupes scolaires en festival. L’association se donne pour mission de promouvoir le court-métrage pour tous et de sensibiliser le public dès le plus jeune âge aux images. La programmation jeune public pendant le festival est à la fois la consécration et le point de départ du travail de l’année. Cinq programmes de films courts européens ont été proposés aux plus jeunes cette année.
La séance « Question de jeunesse » est le point de départ d’un programme jeune public créé par le festival et destiné à tourner cette année auprès des scolaires. Mise en place il y a quatre ans en partenariat avec le Ministère de la jeunesse et des sports et l’UFFEJ (Union Française du Film pour l’Enfance et la Jeunesse) pour le public lycéen, elle regroupe cinq films courts autour de la jeunesse et propose aux spectateurs de rencontrer et discuter avec l’un des réalisateurs présents et avec Violaine Guilloux, responsable jeune public du festival.
Après avoir laissé cinq minutes aux lycéens pour discuter entre eux des films qu’ils venaient de voir, la parole leur a été donnée. Ils ont perçu un lien fort entre les quatre premiers films (« 37°4S » d’Adriano Valerio, « 7 minutes in heaven » de Michiel Ten Horn, « No Kaddish in Carmarthen » de Jesse Armstrong et « El fin del mundo sera en Brasil » de Sergi Portabella) présentant des duos ou groupes de jeunes de leur âge, isolés du monde des adultes. Ils ont aussi distingué « Aïssa » de Clément Trehin-Lalanne qui les a interpellés. Film militant sur la condition des jeunes immigrés en France et l’austérité de l’administration française à leurs égards, il a soulevé de nombreuses questions auprès des jeunes spectateurs lors de la rencontre avec son réalisateur.
Les cinq films mettent en scène des adolescents auxquels les spectateurs peuvent s’identifier, leur montrant des histoires de jeunes aux problématiques à la fois proches et éloignées des leurs, les ouvrant ainsi à un monde qui leur est étranger et avec lequel ils peuvent alors dialoguer. Pour les quatre premiers films, les jeunes ont assez justement souligné le sujet principal comme étant la recherche de personnalité chez l’adolescent ainsi que leurs sentiments et leurs relations. Ce thème est universel, chacun des films se renvoie l’un à l’autre, même s’ils se situent dans des univers très différents.
Cette année encore le festival de Brest nous a conquis par la variété et la qualité des films présentés, la complémentarité des sélections, l’ouverture à tous les publics. L’année prochaine sera celle de la maturité, ce sera la trentième édition de l’événement. En attendant, retrouvez des films issus de la programmation brestoise lors de notre séance de mars 2015 au Studio des Ursulines, à Paris.