Rémi St-Michel est réalisateur. Eric K. Boulianne est scénariste, comédien à ses heures. Ils ont travaillé ensemble sur « Petit Frère », une pastille comique québecoise auto-produite, sélectionnée cette année à la Semaine de la Critique. Le film nous a plu pour sa liberté de ton, son énergie et ses bonnes idées visuelles et sonores. Rendez-vous pris avec ses auteurs.
Eric, tu as écrit le scénario de « Petit Frère » et joué dans le film réalisé par Rémi. Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler ensemble ?
Rémi : On est copains dans la vie, on a joué au théâtre et on a fait des courts métrages ensemble. J’aime bien travailler avec Eric car on sait ce qui plait à l’autre.
Eric : La camaraderie, la déconne, la réplique nous lient. On aime bien traiter des choses lourdes et dramatiques avec humour. Les personnages qu’on fabrique sont d’ailleurs “cabochons”, cabotins.
D’habitude, je ne joue pas. Je suis plus scénariste qu’acteur. J’avais envie de me faire un cadeau et de jouer avec Étienne (Galloy). Celui-ci a joué dans une web-série que j’ai écrite, « Le chum de ma mère est un extra-terrestre ». J’aime son naturel, il est bon sur un plateau, il s’amuse, il délire. Je lui ai fait lire l’histoire, j’ai contacté Rémi et on a tourné le film ensemble.
On sent en effet une grande complicité entre les personnages.
R. : Je suis peu intervenu, il n’y avait pas besoin de les prendre dans un coin pour leur parler. Ils savaient ce qu’ils avaient à faire. L’alchimie entre eux se voyait directement à l’image. Je n’avais pas besoin de couper.
E. : Quand j’ai vu le film, j’ai été heureux et fier du travail de Rémi. « Petit Frère », c’est un film qui nous ressemble, dans lequel on s’est laissé aller.
Le film adopte plusieurs partis pris comme le noir et blanc et la musique jazz. Qu’est-ce qui vous a donné envie de l’habiller ainsi ?
R. : Pour le noir et blanc, on avait envie de faire un clin d’oeil à Jarmusch et à Smith. De plus, l’absence de couleurs permettait de créer une distance avec les personnages. Il ne fallait pas juste se focaliser sur leurs conneries mais s’intéresser à la beauté de leur relation. Le noir et blanc offrait un plus, quelque chose de plus direct.
E. : Pour la musique, j’imaginais une note plus hip-hop mais Rémi a opté pour du jazz, ce qui a apporté quelque chose d’encore plus subtil au film.
Quels films avez-vous envie de faire en général ?
E. : Ce qui nous intéresse, c’est de faire des films drôles, touchants, humains.
R. : Il y a une tendance à la lourdeur au Québec. On ne comprend pas, les gens ne sont pourtant pas lourds dans la vie ! On ne trouve pas de comédies fines, subtiles. Maintenant, nous, on a bien envie de faire un thriller comique.
E. : Le cinéma de genre n’existe pas beaucoup dans notre pays. On espère que grâce à Cannes, les producteurs québecois nous feront confiance pour aller dans cette direction.
R. : Je n’ai pas envie de faire des films que je n’ai pas envie de faire. « Petit Frère » nous ressemble. On n’a rien demandé à personne, c’était une grosse fierté de se faire plaisir et d’y arriver.
E. : « Petit Frère » est un film honnête, on s’est écouté. J’espère qu’à l’avenir, on pourra faire des films de façon plus encadrée. On aimerait travailler avec des producteurs car assumer soi-même la production et la distribution de ses propres films réclame beaucoup d’énergie. Malgré tout, j’aime mieux le faire que ne pas faire de films du tout.
R. : Si on avait déposé le projet dans une commission, on aurait attendu un an avec un risque de le voir refusé. C’est pour ça qu’on l’a auto-produit et qu’on l’a tourné en quatre jours, comme on le voulait.
Vous vous intéressez au court métrage ?
R. : C’est le fun. Ça permet de faire des films plus rapidement et d’en faire plein.
E. :Ça permet de travailler son style, de ne pas se poser trop de questions. Il y a moins de pression, de conséquences avec le court qu’avec le long.
R. : C’est sûr qu’on a envie d’aller vers le long en alliant comédie et drame, notre recette favorite.
E. : De toute façon, si tu veux vivre de ce métier, tu dois faire des longs et gagner en visibilité. Le problème, c’est qu’au Québec, les gens ne voient que les films étrangers. Pour eux, les films québecois, même si ils marchent dans les festivals étrangers, sont plombants.
R. : La culture et les artistes sont mal vus et souffrent d’un problème d’image. Pourtant, on n’a pas le choix, on doit continuer à faire des films et raconter nos histoires.
Propos recueillis par Katia Bayer
Article associé : la critique du film
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Pour information, « Petit frère » sera projeté le jeudi 8/1/2015 lors de la séance anniversaire de Format Court, au Studio des Ursulines (Paris, 5ème)