Fondée en 2002, la maison Lowave propose un véritable point de vue sur le cinéma expérimental et la vidéo contemporaine. Si aujourd’hui, elle a développé de multiples activités autour de ces genres, le label continue à éditer des DVD qui demeurent des socles solides pour la diffusion de films innovants trop peu vus par les publics. La collection « Human Frames » fait partie de ces projets ambitieux portés par Lowave qui font la part belle aux artistes internationaux, mêlant avec une déconcertante facilité l’art vidéo, le cinéma, et plus largement l’image animée sous toutes ses formes à un fil conducteur des plus difficiles à travailler : les émotions humaines. Ce vaste terrain d’expérimentation, ceint dans une collection de 10 DVD soit 77 films issus des productions européennes et asiatiques, peut être considéré comme l’objet matérialisant symboliquement une sorte d’aboutissement de 10 ans de recherches autour de l’art contemporain.
Basé sur la théorie de la santé d’Hippocrate, l’humoralisme, la collection « Human Frames » se construit autour de l’idée que les différentes personnalités humaines proviennent d’un mélange subtil de liquides (les humeurs). Dans la théorie médicale comme dans les films, chaque individu arrive avec ses propres humeurs et compose avec celles-ci dans la vie et dans ce qu’il absorbe comme émotions externes, ici les films. Dans « Human Frames », chacun trouvera sa sensibilité tantôt flattée tantôt bousculée par des images, aussi sensibles que sensorielles, qui troublent notre perception et nos préjugés sur les 10 grandes thématiques abordées : la joie, le désir, la folie, le fanatisme, la peur, la colère, l’isolation, la mélancolie, l’empathie envers les choses (concept japonais du mono no aware) et l’impermanence (concept bouddhiste).
Au détour de ces films, il est bon de rappeler que plusieurs d’entre eux ont eu de belles carrières en festival de cinéma. Pour n’en citer que quelques uns, voici ceux que nous avons pu revoir avec une forte émotion : « Strips » de Felix Dufour-Laperrière dans Desire, « Eut-elle été criminelle » de Jean-Gabriel Périot dans Fanatiscism ou encore « Copy shop » de Virgil Widrich dans Madness. Mais la collection propose également des oeuvres a la diffusion publique plus confidentielle, plus centrée sur les expositions d’art vidéo comme les très percutants « Disco » de Raed Yassin dans Desire ou « False Friends » de Sylvia Schedelbauer dans Fear qui explorent chacun la mémoire et le trouble du souvenir.
Dans ce beau coffret (unique en son genre), on peut picorer quelques films de chaque DVD, visionner consciencieusement chacun d’entre eux humeur par humeur et décanter après chaque DVD, ou encore visionner la collection dans son entièreté, chaque expérience demeurant unique. Quoi qu’il en soit, on ne ressort pas tout à fait serein d’un visionnage de tout ou d’un fragment de « Human Frames », l’esprit vagabondant facilement entre malaise, tension, relâchement et passion pour, peut-être, finalement se recentrer sur lui-même en constatant qu’il fait définitivement partie d’un tout universel, l’humanité.
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