À quoi ressemble le monde enfermé dans un handicap ? À celui de quelqu’un qui attend la fin du monde répond le réalisateur Chema García Ibarra. Mieux, ce monde pourrait être le nôtre, le temps des sept minutes de son second court-métrage (après « Protoparticulas »), sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2009 et Méliès d’or au festival de Sitges en 2010.
Un garçon assis sur un banc, un doigt pointé dans un ciel changeant, une porte qui s’ouvre, un jouet filmé en gros plan… Peu d’éléments de ce film font penser à de la science-fiction. Pourtant, la crainte ressentie à l’évocation d’une fin du monde prochaine est réelle.
Le film développe en fait deux univers savamment enchâssés l’un dans l’autre. Le premier décrit la perception du monde par un jeune handicapé. La présence étrange du comédien principal et la simplicité, si ce n’est le dépouillement des éléments qu’il observe, sont là pour nous aider à comprendre ce qu’il ressent, coincé entre l’âge adulte et l’enfance. Le beau noir et blanc et les cadrages inhabituels s’imposent alors d’eux-mêmes pour décrire toute l’étendue des catastrophes touchant une perception malade du monde.
Le second univers est celui révélé par la voix off et le montage très découpé du film. Il s’agit d’une recherche de signes d’une fin du monde prochaine dans la vie courante. « L’Armée des 12 singes », les deux « Terminator » ou encore et surtout le matriciel « La Jetée » ne sont jamais plus vertigineux que sur cet aspect important de la science-fiction évoquant une apocalypse prochaine. Le court-métrage de Chema García Ibarra semble même citer directement celui de Chris Marker au travers de plusieurs séquences fixes décrivant de manière post-apocalyptique des images qui seraient autrement restées banales. Dans les belles inspirations de science-fiction, on retrouve également les images floues et pixellisées empruntées aux postes de télévision des films des années 1980.
Par ce jeu d’échanges de perception donc, le spectateur est comme happé dans l’univers du personnage principal. La simple empathie qu’on pourrait ressentir disparaît et le rapprochement avec sa vision du monde est rendu possible via cet imaginaire de science-fiction et de beaux moments de cinéma.
Article associé : l’interview de Chema García Ibarra et Leonor Diaz
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