Après un important parcours en festival (Angers, Vendôme, Belfort, Pantins, entre autres) et plusieurs distinctions reçues (dont deux prix d’interprétation pour son acteur principal Karim Leklou), le film « Marseille la nuit » de Marie Monge se retrouve aujourd’hui en lice pour le César du meilleur court-métrage. L’occasion de revenir sur cette chronique amère de la vie provinciale, portrait d’une jeunesse en déroute ne sachant plus vers quels horizons se tourner.
La scène d’ouverture annonce d’emblée la couleur : confinés dans l’habitacle exigu d’une cabine téléphonique, deux larrons enchaînent les appels, faisant la promotion virale de concerts et de matchs de foot. Les lascars se prénomment Teddy et Elias, la vingtaine passée, gouailleurs petits bras à l’affût de la moindre arnaque facile. Ainsi, le récit ne nous épargnera pas certains lieux communs rattachés au « film-banlieue » (le deal de drogues et autres trafiques périphériques, un ancrage social difficile et ostracisant). Si le film nous embarque sur des chemins balisés, la réalisatrice sait néanmoins tirer le meilleur des contraintes du genre, s’autorisant même quelques bifurcations bienvenues du côté du film d’action.
« Marseille la nuit » trace l’itinéraire chaotique de Teddy, jeune lascar de Limoges multipliant les petits larcins avec son ami de toujours, Elias. Les deux compères rêvent de réunir assez d’argent pour migrer vers la grande ville, Marseille, eldorado des banlieusards en mal de reconnaissance. Le film déroule le récit d’une « bromance » scorsesienne classique, avec ce couple de malfrats à la petite semaine jouant à des jeux virils, dissimulant un malaise et une frustration qui mèneront à un inéluctable éclatement de violence dès lors qu’une jeune femme, Mona, s’immiscera dans leur petit monde. La jeune femme, électron libre et insaisissable, posera sur ces deux hommes un regard nouveau qui les poussera dans leurs retranchements jusqu’à la séparation finale.
Marie Monge orchestre ainsi une montée en puissance très efficace de la tension entre ses différents protagonistes, culminant dans une séquence de course poursuite dans une gare justifiant à elle seule un dispositif de mise en scène assez convenu dans les deux premiers tiers du film. Si la caméra à l’épaule et ce régime de filmage sont presque devenus une convention dans la production de courts-métrages actuelle, on salue ici son utilisation maîtrisée grâce au travail du chef-opérateur et cadreur Boris Levy.
Mais la qualité principale de « Marseille la nuit » tient dans sa révélation d’un acteur, Karim Leklou, véritable boule de nerfs canalisant l’attention tout le long des quarante minutes que dure le film. L’interprète de Teddy, dont la masse corporelle impressionnante dispute à son regard d’enfant perdu une caractérisation trop hâtive, convainc de bout en bout dans ce rôle de gros nounours capable d’accès de violence. Les deux prix d’interprétation obtenus au festival Premiers Plans d’Angers puis à Côté Court en 2013 ont confirmé l’enthousiasme suscité par cet acteur plus que prometteur, pour qui les portes du long-métrage semblent déjà grandes ouvertes (un second rôle dans « Les Géants » de Bouli Lanners en 2011 et dans le plus récent « Suzanne » de Katell Quillévéré en attestent).
Marie Monge révèle à la fois un comédien et un talent certain de direction d’acteurs avec ce court-métrage. Il y a fort à parier qu’en continuant de creuser des thématiques personnelles et pour peu qu’elle se détache de références un peu pesantes, elle nous réserve de vrais surprises pour la suite.
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Article associé : l’interview de l’équipe du film