Le Festival Off-Courts de Trouville qui vient de se terminer vendredi a un côté « double-face » assez étonnant qui en fait un rendez-vous unique parmi la longue liste de festivals français. La preuve par deux.
Le Labo de création : les Kino
Si vous ne vous êtes jamais rendus à Trouville, en réalité, vous ne pouvez vous rendre compte de l’ébullition qu’il s’y passe. Les gens qu’on y croise ne sont pas ceux que l’on rencontre habituellement dans les autres festivals. Tout simplement parce que là-bas, on pense, on fabrique, on agit… en d’autres termes, on créé sur place.
Off-Courts existe depuis 14 ans et cela fait 11 ans que le Labo Kino y prend ses aises. Le principe : une équipe de professionnels de l’audiovisuel (ou non) se forme, elle développe une histoire et a 48 heures pour faire un film de 5 minutes maximum qui sera projeté dans la foulée, au Kino Kabaret.
D’après les « Kinoïtes » les plus assidus, Off-Courts n’est pas forcément le festival le plus spécialisé pour pratiquer le kino, le Canada, grand précurseur de ce courant, étant apparemment le haut lieu de ces rassemblements créatifs. Néanmoins, le festival de Trouville propose un fonctionnement assez intéressant qui attire chaque année plus d’adeptes. Certains viennent pour la première fois, d’autres ne loupent le festival sous aucun prétexte depuis le début des Labo Kino. Le rendez-vous est international : on y croise des participants de pas moins de 20 pays différents !
Tout est organisé de manière scrupuleuse et ce qui ressemble de loin à un jeu est réellement pris au sérieux par tous ceux qui y participent, aussi bien par le staff que par les apprentis-cinéastes. Après une réunion d’information où chacun parle de ce qu’il sait faire et propose ce qu’il souhaite faire, les équipes passent au « magasin » où ils empruntent du matériel réparti en trois départements : les caméras, la lumière et le son. Tout est à disposition des Kinoïtes pour réaliser leur film, grâce à des partenariats noués avec de nombreux prestataires. Pendant ce temps, les comédiens passent en loge pour être maquillés, habillés, voire totalement déguisés. Puis, les équipes partent tourner un peu partout dans la ville, en faisant parfois appel à la participation des commerçants ou en profitant simplement de la plage. Lorsque les rushes sont dans la boîte, elles s’empressent de se rendre à la salle de post-production où sont mis à leur disposition des ordinateurs pourvus du logiciel Adobe Première, des stations d’étalonnage et deux studios son afin de monter leur film dans les conditions les plus professionnelles possibles. Enfin, deux groupes de musique en résidence au festival (cette année, Groënland et Uberko) composent les bandes originales des films. Autrement dit, toutes les étapes de fabrication d’un film sont respectées et une fois terminés, les courts-métrages sont projetés lors des soirées Kino-Kabaret dans une ambiance des plus festives. L’animateur québécois de la soirée y est pour beaucoup, faisant sensation, vêtu d’un collant en lycra et d’une perruque blonde !
Bien évidemment, les films ont quelques faiblesses, dues en partie à leur fabrication dans l’ »urgence ». Mais il faut bien reconnaître que la plupart des résultats sont complètement bluffants. Ingéniosité, diversité, créativité et solidarité sont au rendez-vous pour près de 70 films réalisés sur une semaine de festival.
Les rencontres professionnelles
Il y a sept ans, Audrey Billard qui faisait alors plutôt partie de l’équipe d’organisation a décidé de créer un Marché du Film au festival. Off-Courts s’est donc ajouté aux quatre autres festivals (Clermont-Ferrand, Cannes, Brest et Aix-en-Provence) qui possèdent également un marché, ce qui a attiré de ce fait les professionnels à Trouville.
Comme dans la plupart des marchés, un catalogue des films, des postes de visionnage et une toute petite salle de projection sont mis à disposition des distributeurs et diffuseurs. L’originalité réside dans le fait que ce marché se situe, le temps du festival, dans la discothèque du Casino de Trouville !
Programmé à un moment stratégique dans l’année (pile 6 mois après/avant Clermont-Ferrand, le plus important), le Marché de Trouville remporte un succès auprès des professionnels. Côté acheteurs, on a ainsi pu recenser cette année la présence d’une dizaine de diffuseurs venus des quatre coins du monde, d’une dizaine de distributeurs principalement français et canadiens, de quelques responsables de nouveaux médias européens et des représentants des institutions françaises.
Autre rendez-vous professionnel à prendre en compte durant cette édition : une table ronde organisée autour des coproductions européennes et/ou francophones. Les intervenants tels qu’Alexandre Charlet (producteur aux Films du Cygne et président du Pôle courts-métrages chez Unifrance), Christophe Taudière (responsable des achats et pré-achats sur France 2), Valentine Roulet (responsable du Service de la création du CNC), Sandra Dahlie-Goyer (productrice et fondatrice du volet québécois d’Off-Courts) ont par conséquent débattu durant deux heures à propos des initiatives prises ou à prendre entre les acteurs des différents territoires pour faire face à l’augmentation des coûts et la baisse des financements.
Loin d’être dénuée d’intérêt, cette table ronde s’est centrée sur une problématique sur laquelle il est utile de se pencher à l’heure où il est de plus en plus compliqué de produire des courts-métrages. Malheureusement, de part et d’autre, les discours, souvent fort négatifs, n’ont suggéré aucune solution, ni même ouvert de réelles portes. Off-Courts, de son côté, prétend ne pas en rester là avec cette problématique et compte bien rouvrir le débats lors la prochaine édition.
Dernier moment important pour les professionnels du court : la mise en place d’un nouveau prix d’une valeur de 30.000€ à destination des jeunes producteurs, grâce à un nouveau partenariat (et pas des moindres) entre le Festival Off-Courts et France Télévisions. Toute l’équipe de France TV était donc au complet mardi soir dernier à la mairie de Trouville avec Samuel Pratt (coordinateur général du festival) pour annoncer le lancement de ce nouveau prix et en donner les critères d’éligibilité. Ce prix du jeune producteur s’adresse à des producteurs possédant une structure créée depuis moins de 6 ans et ayant un film sélectionné en compétition française à Off-Courts. Il sera décerné lors de la prochaine édition et servira de tremplin aux jeunes acteurs du court-métrage.