Le Festival d’Annecy est terminé. Nous revenons aujourd’hui sur les oeuvres les plus marquantes des programmes 4 et 5 des compétitions de courts métrages. Ces derniers programmes ont offert une belle place aux cinématographies de pays peu représentés. On aura ainsi eu la chance de voir un film slovène « Boles » de Spela Cadez, un film estonien « Kolmnurga afaär » d’Andres Tenusaar, le très apprécié « Carne » du colombien Carlos Alberto Gomez Salamanca et le court métrage pictural de l’iranienne Shiva Sadegh Assadi « Bache gorbeh ».
Pas toujours faciles à aborder, ces cinématographies que l’on a peu l’habitude de voir – notamment en festival – offrent un regard singulier sur des thématiques plus ou moins fortes, toujours portées par des esthétiques très maîtrisées.
Dans ces courts métrages, peu de place à l’improvisation : les animateurs cherchent la tenue parfaite de leurs séquences animées. Pour autant, les courts métrages précités ne sont pas dépourvus de sens ni d’intérêt scénaristique. Pour exemple, dans « Boles », on regarde du côté de l’angoisse de la page blanche chez les artistes, pendant que dans « Bache gorbeh » on évoque une histoire de famille et le sentiment d’appartenance.
Du côté des films très attendus de la compétition, l’expérimentation 3D de Théodore Ushev aura conquis définitivement le public. « Gloria Victoria » est sans aucun doute un digne représentant de ce que peut être une recherche artistique construite autour de la technique 3D. Celle-ci est ici utilisée pour porter le propos artistique et ne sert pas le sensationnel comme cela est très souvent le cas. Le travail d’Ushev pour ce film s’est élaboré dès le départ en fonction de ce que pouvait apporter la stéréoscopie à son projet. Très présente, voir exagérée au début du film, la 3D s’affaisse au fur et à mesure, en même temps que les couleurs vives du début virent au noir et blanc. Symboliquement, Ushev décrit ici le mouvement qu’imprime la guerre dans les esprits, les nuances disparaissent au propre comme dans les mentalités des soldats confrontés aux conflits militaires. « Gloria Victoria » est le troisième volet d’une trilogie sur les relations entre l’art et le pouvoir. Après les volets politique et économique, c’est le militaire qui est dépeint avec brio dans ce film.
La place des films documentaires était également à relever dans le programme 5 du festival. Avec trois films aux récits documentaires, ce programme revêtait une touche de réel un peu oubliée dans le reste de la sélection compétitive.
Avec « Marcel, king of Tervuren », l’Américain Tom Schroeder signe un court métrage francophone très original. Basé sur le récit d’une femme, le film parle de la cruelle histoire d’un coq aimé de ses maîtres mais confronté à d’incroyables problèmes animaliers. Graphiquement, le réalisateur oscille entre des images dessinées et de la rotoscopie très fidèle au traits de l’animal. Pour autant, il s’octroie la possibilité récurrente d’un dessin abstrait dans les mouvements guerriers du coq quand celui-ci affronte ses démons. Poétique et décalé, le film est suffisamment atypique pour susciter un intérêt fort. Documentaire aussi, « Recycled » du Chinois Lei Lei propose un film fait à partir de 3.000 photographies issues d’une zone de recyclage de la banlieue de Pékin. On y voit des personnes poser devant des monuments, des scènes de la vie quotidienne reproduites quasiment à l’identique par différents individus à différentes époques. Touchant à l’immuabilité de la chose sociale et aux rituels touristiques et photographiques souvent gentiment moqués des Chinois en vacances, le film agit comme une jolie balade documentaire, sans dialogue ni commentaire.
Enfin, l’inattendu « Carne » signé par le colombien Carlos Alberto Gomez Salamanca regarde du côté de l’expérimentation visuelle en travaillant conjointement photographie et peinture. Rapportant un souvenir de son enfance, le réalisateur propose une oeuvre grave en noir et blanc qui parle d’un sacrifice animal.
D’une façon beaucoup plus légère, les sélections ont ouvert une petite place aux blagues les plus courtes mais aussi les meilleures. Sans les dévoiler, nous retiendrons dans le programme 5 le charmant « Not over » du Japonais Toru Hayai tout en images de synthèse qui invite au voyage – rapide (1’30) – dans les grands espaces naturels en compagnie d’un ours en peluche pour qui l’enjeu n’est pas seulement de se balader dans la nature.
Relevons également une petite perle. Le film du Polonais Tomasz Popakul « Ziegenort » est une belle proposition de film narratif aux accents fantastiques troublants. De prime abord assez classique, avec un trait proche des romans graphiques, le réalisateur nous embarque dans son univers étrange, instaurant une ambiance doucereuse qui laisse au fur et à mesure la place à une étrangeté plus franche. Du nom du village d’enfance du réalisateur, « Ziegenort » est la jolie découverte de ces deux programmes.
En 5 programmes et 57 films en compétition, la sélection 2013 des courts métrages d’Annecy a tenu toutes ses promesses tant en terme de diversité que de qualité des oeuvres. Chaque film trouve sa place, chaque réalisateur pose son point de vue sur une idée, une thématique et le talent technique des animateurs sublime les propos. Plus ou moins narratifs, traditionnels ou expérimentaux, les films d’animation nous ont fait voyager mentalement et géographiquement dans des sphères pas toujours connues ni même reconnues, mais très souvent sensationnelles et sensorielles.
Lire aussi : Annecy 2013, le programme 1 des courts métrages en compétition, le programme 2 des courts métrages en compétition, le programme 3 des courts métrages en compétition