Retour sur les courts métrages du programme 3 qui, jusqu’à ce jour, est celui qui met le plus à l’honneur le mélange des genres au-delà même de l’animation pure. Entre techniques d’animation classiques et perméabilité avec d’autres disciplines de l’image et du son, le programme est également plus léger que les deux précédents. Les arts y sont sollicités au sens large pour fabriquer des films ingénieux et inattendus.
Ouvert par le film « Trespass » de Paul Wenninger, le programme plonge immédiatement le public dans une atmosphère qui tend vers l’expérimentation. Dans le film, le réalisateur se met en scène dans une chorégraphie en pixilation où le propos principal est de mettre en contexte son corps au milieu d’objets et de les faire intéragir. Ici, on traite de l’art du mouvement. Au-delà de l’animation, c’est le danseur qui imprime la rétine des spectateurs. Ses non-mouvements comme ses mouvements composent une chorégraphie complexe à réaliser : la pixilation impose une staticité de Paul Wenninger sur des temps très longs pour obtenir le rendu souhaité – une impression d’immobilité du personnage dans un monde extrêmement mouvant autour de lui. Tourné en neuf mois, dans cinq pays, ce premier film a nécessité une lourde préparation avant tournage pour un rendu assez bluffant.
Autre film en quelque sorte transdisciplinaire, « The caketrope of Burton’s team » d’Alexandre Dubosc est l’installation artistique filmée d’un gâteau, en pâte à modeler, déposé sur un disque vinyle, sur une platine en mouvement. La rotation de la platine est ici utilisée pour recréer le principe du praxinoscope. Le procédé est intéressant d’autant que le réalisateur travaille autour de ce concept qu’il réutilise et ré-interprète au fil du temps dans un esprit de performance.
La musique et la création musicale se sont également invitées dans le programme avec un clip en 2D, « Zounk! » réalisé par Billy Roisz. Ce film expérimental fait de signaux lumineux colorés et en mouvements soutient la composition musicale et l’interprétation du morceau plus qu’il ne propose une narration propre. Ici, la réalisatrice joue sur l’interaction entre le son, la musique et la vidéo. L’enjeu réside dans le son, dans la fréquence sonore qui influe sur la composition de l’image. Distribué par la fameuse société autrichienne Sixpack (comme «Trespass») spécialisée dans les films expérimentaux, « Zounk! » est une proposition quelque peu horripilante visuellement, presque insoutenable au regard, mais néanmoins particulièrement intéressant du point de vue de la recherche artistique.
Autre thématique récurrente dans les films d’animation mais particulièrement représentée dans ce programme : la figure animale. Hier, dans le programme 2, les êtres humains étaient mis à mal par les réalisateurs, dans ce programme, ce sont clairement les espèces animales qui en prennent pour leur grade. Dans l’angoissant « Peau de chien » de Nicolas Jacquet, un chien va subir les tourments d’une société en crise et pâtir de la cruauté d’un boucher. Dans le graphiquement magnifique « The event » de Julia Pott, un couple de bêtes indéfinissables est plongé dans un monde dont le péril est imminent. Ces héros animaliers ne sont pas sans nous rappeler les fables et contes populaires où les hommes se cachent souvent sous les traits des bêtes, à part peut-être dans le drôle « History of pets » de Kris Genijn où c’est toute l’histoire tragique des petits compagnons domestiques d’une famille qui nous est narrée. Dans ce film, les animaux sont bien dépeints en chair et en os, vivants et mortels, sans plus d’intelligence ou d’intention que les vrais bêtes… souvent drôles dans leurs attitudes.
Enfin, on ne peut pas passer outre l’incroyable « Kick-heart » de Masaaki Yuasa qui a suscité un très fort engouement de la part du public d’Annecy. Concrètement, ce dessin animé japonais, inspiré entre autres du bondage et de shows TV, parle d’une histoire d’amour entre deux catcheurs nippons. Très provocateur, le film fait penser par son esthétique criarde et son rythme saccadé aux dessins animés japonais vus en France dans les années 80. Avec un humour certain, le réalisateur propose une histoire classique dans un milieu qui l’est moins, celle d’un catcheur au grand coeur – qui s’occupe à ses heures perdues d’un orphelinat – qui a pour technique de drague l’utilisation abusive de coups sur le ring.
Le programme 3 de la compétition de courts métrages fait ainsi le grand écart entre des films atypiques dans leur réalisation et des courts métrages techniquement plus classiques mais aux propos décalés. Le coup de coeur du jour va sans concession à une réalisatrice dont nous aurons sûrement l’occasion de reparler, Julia Pott avec « The event » dont l’univers est extrêmement singulier.
Lire aussi : Annecy 2013, le programme 1 des courts métrages en compétition, Annecy 2013, le programme 2 des courts métrages en compétition
À demain, pour les programmes de la compétition 4 et 5 !