Au dernier Festival de Cannes, avant la présentation de la Collection Canal + à la Semaine de la Critique, Format Court a eu l’opportunité de rencontrer l’équipe au complet – ou presque – du film « L’Aurore boréale » de Keren Ben Raphaël écrit pour Ana et Hippolyte Girardot et produit par Palikao Films.
Le film raconte l’histoire d’un père sur-protecteur qui va réveiller sa fille en pleine nuit pour aller contempler une aurore boréale. Un peu plus tard, assis dans la voiture au milieu de la forêt, père et fille se retrouvent dans une position légèrement ambiguë en cherchant une paire de lunettes, malheureusement, juste au moment où débarquent deux agents de police. Même si le film porte en lui de nombreux clichés et d’éléments déjà vus, le propos et la mise en scène se révèlent efficaces, ainsi que les comédiens suffisamment bons (mention spéciale au duo comique de flics interprétés par Marc Citti et Jonathan Cohen) pour faire rire le spectateur aux éclats et le toucher ensuite par l’intimité qui transparaît entre père et fille.
Nous avons profité à Cannes de cette rencontre avec la famille Girardot, la réalisatrice Keren Ben Rafaël, la productrice Delphine Benroubi et les scénaristes Élise Benroubi et Rémi Bertrand pour les faire parler de cet exercice de style aux allures de réelle aventure familiale. Ambiance conviviale garantie.
Ana, Hippolyte, pourriez-vous nous raconter, cette aventure, depuis l’invitation à participer au Jeu des sept familles de la part de Canal + jusqu’au choix de collaborer avec Keren Ben Rafaël ?
Ana : On a reçu en même temps la proposition de Canal de participer à ce jeu des sept familles, puis on s’est appelé dans l’heure pour en parler. On a tout de suite été d’accord pour le faire. C’était une expérience qui nous plaisait beaucoup et qui était moins compliquée que si on avait accepté de faire un long-métrage ensemble puisque avant ça, nous n’avions jamais travaillé tous les deux ensemble. (Se tournant vers son père) Non ?
Hippolyte : Objectivement, oui (rires) !
Vous avez reçu beaucoup de scénarios ?
Ana : 40.
Hippolyte : Oui, 40. Qu’on a tous lu.
Et vous connaissiez déjà le travail de Keren auparavant ?
Ana et Hippolyte : Non.
Hippolyte : Mais après, elle nous a montré son film précédent qui s’appelle « I’m Your Man » (ndlr : avec Vincent Macaigne, en compétition au Festival de Clermont-Ferrand en 2012) et qui est très bien. Très belle performance d’acteur.
Comment avez-vous procédé au choix du scénario ? Le principe de la Collection Canal veut que chaque personnalité qui se prête au jeu, émette des envies, des attentes concernant ce que vont écrire les « candidats » pour eux. Avez-vous lu de nombreux projets correspondant à ce que vous attendiez ?
Ana : En réalité, ce qu’on a reçu ne correspondait pas vraiment à nos attentes, ou tout du moins, à ce qu’on avait réellement envie de faire. On a reçu beaucoup de scénarios où on était père et fille, alors que ce n’était pas ce qu’on voulait à la base. Celui de Keren, c’est le premier qui a fait tilt chez tous les deux, donc on s’est dit que c’était celui-là qu’il fallait choisir. Ensuite, on a rencontré toute la fine équipe et on a vraiment trouvé qu’elle comprenait notre humour. Inversement, on comprenait aussi leur humour et leur univers. Qui plus est, elles se sont présentées à trois filles (ndlr : Keren Ben Rafaël, la réalisatrice, Delphine Benroubi, la productrice et Élise Benroubi, une des deux scénaristes) et j’étais ravie de ne travailler qu’avec des filles (rires) !
Hippolyte : Ce qui est intéressant en fait c’est que l’idée qu’on avait c’était de ne justement pas interpréter des rôles père-fille, et les scénarios qu’on a reçu dans ce sens, n’était en réalité pas très pertinent. Par conséquent, à un moment donné, on s’est dit qu’on allait être obligé de passer par cette case. On n’arrivait pas échapper à ce truc là. Après, on s’est dit qu’on allait se diriger vers des choses qui nous faisaient plutôt rire et vers des histoires éloignées de nous. En fait, dans le scénario écrit par Élise et Rémi, on ressent quelque chose de très personnel, c’est un peu autobiographique, avec quelque chose de très censé et de très juste pour moi. Donc, ça valait vraiment le coup de travailler là-dessus avec eux.
Ana : En effet, on l’a adoré et on l’a mis de côté très vite. Pourtant, on a réfléchi : c’était un tournage de nuit…
Hippolyte : … En hiver…
Ana : … En T-shirt alors qu’on était au mois de novembre. Du coup, il nous plaisait, mais pour ces raisons, on l’avait écarté. Puis on est revenu dessus parce qu’on l’appréciait finalement bien plus que les autres.
Hippolyte : Moi, ce qui m’intéressait, c’était d’interpréter le rôle d’une mère juive. Je n’avais jamais joué ce rôle et je trouvais que c’était un must dans les archétypes du cinéma. Dans la littérature aussi, la mère juive représente quelqu’un de très emblématique. Alors, je ne suis pas encore au point et je pense qu’il me manque encore des éléments, mais j’y travaille (rires) !
Élise et Rémi, lorsque vous avez entamé l’écriture du scénario, vous connaissiez déjà Keren et vous aviez pensé à elle comme réalisatrice ?
Rémi : On a commencé par l’écriture tous les deux. Ensuite, c’est notre « jolie production » qui a orienté le scénario vers Keren qui a lu le script déjà écrit.
Élise : En fait, j’étais à l’école avec Keren (ndlr : La Fémis). J’étais en scénario, elle en réalisation, par conséquent, on avait déjà écrit un court-métrage ensemble. Si bien qu’on peut dire que la rencontre n’était pas forcée ! (rires)
Vous aviez déjà écrit ensemble tous les deux ?
Rémi : Oui, on écrit beaucoup ensemble. Là, l’écriture s’est faite rapidement, mais c’était le jeu.
Delphine : Pour résumer toutes ces collaborations, Élise et moi, nous sommes sœurs et nous avons rencontré Keren à La Fémis. D’un autre côté, Élise et Rémi ont écrit plusieurs choses ensemble, dont leur long-métrage, actuellement en développement. Et depuis ce court, Élise et Keren travaillent ensemble sur un long-métrage également. On avait donc déjà tous travaillé ensemble, plus ou moins, et là, on a réuni la famille !
Keren : Oui, c’est comme une famille. D’ailleurs, c’était amusant de penser que pour participer à cette collection autour de la famille, on a réuni Élise et Delphine qui sont sœurs, Hippolyte et Ana, père et fille, et moi, je tourne avec mon mari qui est chef opérateur.
Élise : Et Rémi, c’est un peu « l’adopté » du groupe (rires) ! Plus sérieusement, il est vrai que dès l’annonce du sujet par Canal +, ça nous a interpellés. Ça faisait un bout de temps qu’on souhaitait participer à la Collection, mais sans jamais se lancer ou prendre le temps de le tenter. Puis, lorsque nous avons appris qu’il fallait travailler sur le thème de la famille, ça nous a tous intéressés et motivés.
Combien de jours a duré le tournage ?
Delphine : Trois nuits, en Haute-Normandie puisqu’il s’agit du seul film à avoir été aidé par la région. Celle-ci s’engage à aider un des sept films de la Collection. Après, tout s’est fait très vite puisqu’on a tourné aux alentours du 10 décembre et qu’il fallait avoir livré le film pour janvier 2013. De toutes manières, Keren est une réalisatrice très efficace ; c’est une fonceuse qui sait ce qu’elle veut.
Keren : En même temps, ça a été le résultat de l’émulsion de toute l’équipe réunie sur ce projet. Tout le monde se connaissait déjà, puisqu’on sort presque tous de La Fémis. Par conséquent, ça a été vite, mais ça a d’autant plus enrichi nos relations de travail.
Et Canal + est intervenu dans le processus du film ?
Delphine : Non, pas du tout puisqu’en fait, ils aimaient le film, donc ils nous ont laissé le feu vert.
Cette année, il semble que pour la première fois, la chaîne ait fait un réel effort sur la musique en imposant la présence d’un compositeur sur ses projets.
Delphine : Oui, c’est exact. Pour notre film, c’est Thomas Krameyer qui a fait la musique et qui avait déjà travaillé avec Keren auparavant.
Keren : Oui, comme avec les autres membres de l’équipe, tout a été assez évident au niveau de la collaboration professionnelle et de la recherche de mélodies. Ce qui était intéressant pour moi, ici, et que je n’avais jamais fait avant, c’est que Thomas avait écrit la musique en amont du tournage. En réalité, nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour répéter avec les comédiens avant le tournage, donc bénéficier de la musique en amont a permis de donner un certain ton, une ambiance au film avant qu’il n’existe. Évidemment, Thomas a changé certains détails après, au moment du montage, mais j’avais le principal avant le tournage.
Delphine : Au niveau du son, les ingénieurs du son avaient aussi travaillé en amont du tournage, sur le bruit de l’horloge qu’on voit et qu’on entend au début du film. D’ailleurs, on en avait beaucoup parlé avec Hippolyte avant de la manière dont le père rythmerait son comportement. C’est celui de l’horloge qui s’est imposé.
Keren : Ça a été une manière de gagner du temps puisqu’on n’en avait pas beaucoup au moment du tournage. Commencer à travailler sur certains détails en amont, sur des éléments qui se pensent généralement après, nous a permis de déterminer le caractère du film et de mieux prévoir les imprévus.
Propos recueillis par Camille Monin
Article associé : La Collection Canal 2013 : une histoire de famille !
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