Découvert au Festival de Brive parmi les films en compétition, le moyen-métrage des soeurs Clara et Laura Laperrousaz « Retenir les Ciels » nous emmène dans les steppes et les forêts ensoleillées du Sud de la France pour nous raconter l’été d’un jeune couple et de leur enfant. Cette cellule familiale tente de s’épanouir dans un cadre paradisiaque mais leur harmonie sera progressivement menacée par le surgissement des fantômes d’un passé douloureux.
Les premières images du film nous présentent Luna, petite fille construisant seule des pâtés de sable au bord d’une rivière coulant au milieu d’une immense forêt. La simplicité des gestes et des déplacements de l’enfant, dont les mouvements fluides et aériens de la caméra épousent le rythme avec attention, définissent d’emblée le rapport que les réalisatrices entretiennent avec leurs personnages. Il s’agit pour elles de les accompagner dans leurs déambulations, de les laissés délimiter leurs propres territoires de fiction puis de leur accorder le temps nécessaire à l’exploration de ces territoires. Ainsi, l’isolement de l’enfant dans les premières scènes nous touche autant dans ce qu’il traduit de la démarche des cinéastes que dans ce qu’il annonce du récit à suivre.
L’enjeu dramatique principal de « Retenir les Ciels » tient dans la question du lien, de la connexion. Iris, la jeune mère en attente d’un nouvel enfant, ne peut ignorer le trouble et les peurs qui l’assaillent à l’approche du quatrième anniversaire de sa fille Luna à cause des réminiscences d’un drame familial. L’angoisse qu’elle ressent se meut bientôt en désir de fuite. Elle veut quitter la campagne et abandonner sa fille, brisant ainsi le triangle harmonieux qu’elles formaient avec Ezechiel, son compagnon, qui tout au long du récit luttera pour préserver l’union entre tous les individus.
Le film est construit sur des plages de contemplation, des répétitions de séquences mettant en scène chacun des personnages dans des paysages naturels se substituant à des espaces mentaux. Ainsi, les corps de Luna et d’Ezechiel sont associés aux territoires forestiers et rocailleux invitant aux jeux et à l’exploration tandis que celui d’Iris déambule à plusieurs reprises dans des steppes immenses sous un ciel infini et menaçant, renforçant les sensations d’isolement et d’angoisse qui la caractérise. À chacun son territoire, son espace à investir et à explorer, au risque de briser l’équilibre précaire qui maintient la grâce et retient les ciels au dessus de nos têtes. Et lorsque vers la fin du film, c’est au tour de la petite Luna de s’éloigner du triangle familial le temps d’une escapade dans les rocheuses, on est bouleversé par la beauté d’un geste de cinéma rare et précieux : l’enfant acquiert son indépendance au même titre que les autres personnages et devient un véhicule de fiction à part entière, libre d’ouvrir sa propre parenthèse à l’intérieur du récit.
Utiliser le format du moyen-métrage pour trouver la durée juste, développer les séquences pour permettre aux personnages d’investir le temps et l’espace, donnant ainsi au spectateur l’opportunité d’explorer en profondeur tous les champs du film, témoigne de l’intelligence des soeurs Laperrousaz qui parviennent à imposer leur voix singulière avec cette seule réalisation. La suite se prépare : l’écriture d’un scénario de long-métrage est en cours. Il s’inscrira dans la continuité thématique et formelle de « Retenir les Ciels ».
Bonjour aux réalisatrices. Très envie de voir votre court métrage. De ma Réunion il me sera difficile sans doute de trouver à le visionner. Pouvez vous me dire comment je dois faire??? Très bel article très encourageant pour la suite à toutes les 2. Je vous embrasse et vous félicite. Au plaisir de vous lire.
Anne LAVAUX (ex D’ARMAYAN)