« Je suis moi-même paradis et enfer. » Omar Khayyàm
Primé entre autres au festival de Bristol et lauréat du prix Format Court du meilleur film d’école au festival Anima 2013 (Bruxelles), « I Am Tom Moody » d’Ainslie Henderson est un conte touchant sur les rêves brisés et la confrontation avec ses démons intérieurs.
Tom Moody est un musicien frustré, victime de ses nombreux complexes et de son manque de confiance. C’est que, malgré son grand enthousiasme artistique et un certain talent, une partie de lui l’empêche de se laisser aller. Jusqu’au moment où cette oppression devient intenable et qu’il est obligé de faire face à ses souvenirs d’enfance, là où réside le nœud même de ses problèmes. Cette introspection lui permettra de dépasser, ou du moins d’identifier, la source de ses craintes et d’oser réaliser son potentiel en tant que musicien. Derrière le voile de la prétendue banalité de son enfance, le personnage en pâte à modeler aux yeux écarquillés évoque tout de même des blessures qui ont laissé des traces : la liaison de sa mère avec le glacier du quartier, et l’intransigeance d’un père dominant et impitoyable à l’égard du talent musical limité de ses fils.
La figure du frère semble être une préoccupation récurrente chez l’élève du Edinburgh College of Art en son début de carrière. Dans sa première animation « It’s About Spending Time Together », le réalisateur présentait ses excuses à son frère pour un acte de cruauté commis des décennies auparavant, lorsqu’ils étaient enfants. Ce même petit frère, on le retrouve dans « I Am Tom Moody » sous la forme de Steve Moody, accompagnateur de Tom au synthé. Sans vouloir chercher des éléments autobiographiques dans ces récits (on y retrouve l’allusion aux problèmes de couple entre les parents), on ressent cette volonté thérapeutique de la part du réalisateur de revivre les recoins parfois douloureux de la mémoire, par le biais de l’animation, pour les surmonter, comme le font le frère contrit de « It’s About Spending Time Together » et le protagoniste de « I Am Tom Moody ».
L’animation est un art que Henderson maîtrise manifestement déjà bien, au vu de son travail de stop-motion soigné. Pour représenter la lutte de Tom Moody avec son « autre » néfaste, il choisit de montrer un rapport quasi schizophrénique entre le personnage adulte et le personnage enfant ; cette dualité est doublée dans les voix off superposées. Par l’équilibre très juste que le réalisateur a trouvé entre humour et émotion, entre candeur et expressivité, il dote son film d’une dimension universelle, et ce malgré le côté très personnel et très intime du récit.
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Article associé : l’interview d’Ainslie Henderson