Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes et récompensé par une Mention Spéciale du Jury, « 37°4S » d’Adriano Valerio est un film insulaire et poétique presque hors du temps. Nés sur une île au beau milieu de l’océan, Anne et Nick ont 16 ans et sont en couple, ils se connaissent depuis toujours, comme tout le monde sur l’île. Tout est parfait entre eux mais aujourd’hui Anne veut partir…
Dans ce film court, l’histoire du couple d’adolescent est littéralement portée voire transportée par l’île et par tout ce qu’implique la vie insulaire. À Tristan Da Cunha, le quotidien est déterminé par les éléments naturels, l’océan, le vent, le volcan. Chaque habitant connaît l’île par cœur. Vivre sur l’île, c’est inconditionnellement avoir confiance en cet espace ceint d’un océan sans fin et accepter d’organiser sa vie dans une communauté d’individus réduite (il n’y a que 270 habitants sur l’île). Ce postulat de départ transforme inévitablement ce qui pourrait être une histoire anodine d’adolescents en un questionnement qui remet profondément en cause l’idéal de vie des personnages, car quitter Tristan Da Cunha c’est laisser derrière soit un mode de vie singulier pour gagner un espace forcément extrêmement lointain.
Le réalisateur pose principalement son regard sur Nick, jeune homme pour qui la vie ne s’entend que sur Tristan. Il sait tout de cet endroit et croyait également tout savoir de sa compagne Anne. À l’opposé, celle-ci aspire au grand départ, vers l’Angleterre. Cela Nick ne le comprend pas et la conception même de cette idée rend à ses yeux Anne « bizarre ». Adriano Valerio interroge ici la notion d’appartenance : pourquoi Nick est-il tellement attaché à son île et pourquoi Anne veut elle si fortement s’en défaire ? Quelles sont leurs motivations intimes ? Ils ont le même âge, vivent la même vie depuis leur naissance et pourtant, quelque chose se passe à ce moment-là de leur existence et les oppose. Nick est en proie au doute quant au départ mais également au retour imaginé d’Anne sur l’île.
Dans « 37°4S », la réalisation joue subtilement avec les personnages qui sont tantôt perdus dans un plan large où la nature semble les intégrer en elle telle une matrice, tantôt enserrés ensemble dans le cadre, très proches, ils composent alors une entité qui leur est propre. Ces variations d’échelles portent en elles les mouvements qui s’opèrent intellectuellement chez les personnages qui s’interrogent sur leur propre attachement.
La fragilité de ce couple qui se questionne, c’est aussi celle des images. On passe à plusieurs occurrences d’une image nette et hyper réaliste à un flou dans lequel les personnages sont mouvants, s’évaporant presque. Le travail est ici presque tactile, on perçoit la matière de la brume humide qui plane sur l’île et qui fait écho à la ouate mentale qui perturbe l’esprit de Nick. Tout est sensible. Le travail sur le son de Nathalie Lamothe et Justine Tribout ainsi que la musique de Romain Trouillet concourent également à faire de « 37°4S » une expérience sensorielle intense comme peut l’être la vie sur Tristan Da Cunha.
Si ce court métrage paraît assez classique dans le thème abordé, il se dégage ici une atmosphère inédite liée au caractère insulaire du film. Les éléments comme les sensibilités semblent plus denses, plus fortes. Adriano Valerio réussit à nous transmettre avec beaucoup de délicatesse et de subtilité les émotions de ces personnages en proie à des questionnements intimes et pour autant universels.
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Article associé : l’interview du réalisateur
Enfin un blog qui s’intéresse à ce film ! J’ai eu du mal à trouver un article, une critique. Vous mettez bien en lumière l’atmosphère du film et allez au-delà de la première impression qu’on peut avoir lorsqu’on l’aborde. Merci à vous.