Parmi les 41 films européens sélectionnés cette année au Festival de Brest, se trouvait « Abgestempelt », réalisé par un jeune Autrichien, Michael Rittmannsberger. À l’époque, nous avions découvert et apprécié ce film très rythmé et très bien construit dans le cadre du Prix Format Court remis à Brest. Après l’avoir projeté à notre séance spéciale Brest le mois passé, en présence de Michael Rittmannsberger, nous avons retrouvé celui-ci au Festival d’Aubagne où il présentait son film, en compétition internationale cette fois. Cela fait longtemps que nous souhaitions sortir son interview. La voici, enfin.
Comment as-tu commencé à t’intéresser au cinéma ?
J’ai commence à m’y intéresser assez tard, à l’âge de 20 ans. J’étais plutôt attiré par à la musique. Pendant mes études, j’ai eu un professeur d’allemand, passionné de cinéma, qui nous faisait écrire des critiques de films. Ça m’a incité à m’y intéresser, et je me suis rendu compte que je me laissais vite transporter par les univers de certains films. Je me suis alors spécialisé en cinéma à l’Université de Multimédia de Salzburg. Raconter des histoires par le biais d’images est quelque chose qui m’intéresse très fort. Dans mes films, il n’y a d’ailleurs pas beaucoup de dialogues.
Comment étaient les cours à Salzburg ?
On faisait des films à l’université. C’est sûrement le cas pour beaucoup de réalisateurs mais la plupart de mes connaissances actuelles, je les dois à mon expérience des plateaux,à des petits films. Je travaillais sur les films des autres étudiants, j’expérimentais pas mal de choses.
Qu’est-ce qui était le plus intéressant pendant ces années-là ?
Récemment, j’ai remarqué quelque chose de très important : juste de croire en soi. Au début, quand tu fais un film, tu es celui qui prend des décisions, tout le monde te pose des questions, tu dois savoir ce que tu veux. D’un film à l’autre, j’ai appris à avoir confiance dans mes choix, mes désirs et mes visions.
Les images peuvent être plus importantes que les mots. Tes films marchent beaucoup avec les silences et les regards. Pourquoi ?
Je ne sais pas trop. J’aime l’observation, c’est lié aux films que j’aime, comme ceux de Kubrick et d’Haneke. Dans les films de ce dernier, il n’y a pas beaucoup de dialogues non plus. Le fait de n’avoir que des images m’apparaît comme quelque chose de très astucieux. C’est particulièrement vrai dans « Abgestempelt » , les comédiens ne parlent pas beaucoup, cela permet aux spectateurs de se faire leurs propres interprétations. Un regard, par exemple, peut être lu de différentes manières. Je préfère créer une atmosphère particulière, ne pas expliquer trop les choses, et faire des films très ouverts à l’interprétation, sans mots, comme « Sister ». Sur ce film, je me souviens avoir entendu des interprétations très intéressantes de la part des spectateurs.
Est-ce que le scénario de « Abgestempelt » a été beaucoup réécrit ?
Oui. J’ai passé beaucoup de temps dessus. J’ai commencé à écrire le scénario, je l’ai mis de côté pour d’autres projets, puis, je l’ai repris. Grâce à cela, j’avais une certaine distance qui me permettait de le relire différemment.
Au début, le petit garçon du film ne figurait pas dans le scénario, puis, je l’ai ajouté parce que je voulais bénéficier d’un air innocent sur la situation décrite dans le film. Maintenant, le petit garçon est très présent dans le projet. J’ai fait beaucoup de réécritures qui n’ont rien à voir avec l’interprétation. Les changements ont été faits pour améliorer le scénario.
D’où t’est venue l’idée du film ?
Dans les années 2000, j’étais à Londres dans le cadre d’un programme d’échanges d’étudiants. J’y suis arrivé peu de temps après les attentats dans le métro. La panique était toujours là pour les bagages abandonnés. Cette expérience a fait naître l’idée, mais j’ai commencé à écrire le scénario un an après. Et puis, j’ai réfléchi à la façon dont les choses se passeraient si une personne prévoyant un attentat se retrouvait dans une situation d’humanité, si on lui venait en aide sans qu’elle s’y attende. J’aime penser à ce qui aurait pu se passer dans ce genre de rêve.
Dans ton film, l’enfant demande à plusieurs reprises à son père pourquoi les êtres sont coupables. La faute, la culpabilité, c’est quelque chose qui t’intéresse ?
La question de la culpabilité, de la victime et de son identité, c’est quelque chose qui m’intéresse très fort. Le long-métrage sur lequel je travaille traitera aussi de ça.« Abgestempelt » va dans une direction et puis dans une toute autre, mais cette question le traverse, oui, c’est sûr.
Qui sont tes comédiens ?
L’enfant a fait des photos, mais n’avait jamais fait de cinéma avant. Je crois qu’il a très envie de devenir acteur (rires) ! Sur le plateau, il était absolument génial et très actif ! Je devais parfois négocier avec lui. Il disait qu’il ne le ferait qu’une seule prise alors qu’on devait en faire 2 ou 3 autres !
Sami Loris, le comédien qui joue le rôle du père, est plutôt connu dans les films en langue allemande, il a joué dans des longs. Je l’ai rencontré il y a quelques années, je me suis dit qu’il serait très bon pour ce rôle et c’est ainsi qu’il a participé au projet. D’autres comédiens sont professionnels, celui qui joue l’un des contrôleurs est d’ailleurs Michael Fuith qui avait le rôle principal de « Michael » (réalisé par Markus Schleinzer), un film autrichien qui était en compétition officielle à Cannes il y a deux ans.
Tu as fait deux courts, tu travailles depuis sur un long. Penses-tu que le court t’a suffisamment aidé pour aborder une durée plus longue et un projet plus ambitieux ?
Je pense que c’est le bon moment pour écrire un long. Au début, j’ai toujours pensé au format long et puis, en faisant des courts, j’ai commence à penser au format court. Je suis toujours là-dedans mais je pense à nouveau au long. En fait, je n’ai plus d’idées pour des courts, seulement pour des longs. J’en ai quatre pour des longs, si je refais un court, ce sera entre deux longs car tout cela prendra du temps à se concrétiser.
Dans ton pays, les courts se financent-ils facilement ?
En Autriche, il y a de l’argent pour les courts mais il faut être bien vu du système. On n’a pas eu de financements publics pour monter « Abgestempelt », mais le producteur a reçu de l’argent pour produire un film promotionnel et c’est ce qui a permis de faire mon court. J’ai eu de la chance car cela représentait suffisamment d’argent pour faire le film. Après, on a demandé de l’argent pour la distribution en festival et on l’a eu. Avec les longs, si tu arrives à avoir l’argent une fois, ce n’est pas trop compliqué d’en avoir une deuxième fois, paraît-il. « Abgestempelt » marche bien en festival, il a eu quelques prix. J’espère que cela m’aidera à attirer l’attention des organismes de financement pour avoir un peu d’argent pour mon long.
Pour mon film précédent, « Sister », on a demandé de l’argent, mais on n’en a pas reçu. Mon chef op’ et moi avons réglé les coûts qui étaient assez bas (moins de 2.000 euros). Pour le long, j’aimerais aussi me dire que si personne ne me donne d’argent pour le faire, je pourrais aussi le financer moi-même.
Beaucoup de gens peuvent attendre très longtemps pour trouver un producteur et pour que celui-ci dégote de l’argent. Cela peut prendre deux ans pour y arriver. Personnellement, je suis un peu impatient. Dès que j’ai le scenario, j’ai envie de commencer le casting et de filmer dès que possible. Si ça prend trop de temps, j’essaye de me débrouiller.
Propos recueillis par Katia Bayer
Article associé : Brest. Courts européens & petits comédiens
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