« Sevilla » de Bram Schouw est un film sur le voyage, sur le départ. En filmant trois jeunes gens, le réalisateur du film « Impasse » montre des êtres forts de l’amour qui les unit et d’une liberté solaire qui va s’éteindre brusquement.
Il est souvent dit que le voyage importe plus que l’arrivée. Ici, le road trip sera à la fois la cause et la conséquence d’ultimes bouleversements dans les liens qui unissent Boris, sa petite amie et son frère.
C’est le temps de l’amour, le temps des copains, le temps de l’aventure…
Si le film s’ouvre un peu à la façon d’une bluette où tout semble très léger, c’est surtout de l’énergie qui se dégage des premières séquences dont il faut se nourrir. Les personnages sont sur le départ, la voiture est chargée, Boris prend le volant et invite les deux autres au voyage à destination de Séville.
Tout de suite, Schouw pose sa caméra dans la voiture break qui accueille les personnages du film. Les présentations aux spectateurs sont formelles, grâce aux gros plans sur les visages et les corps enceints dans l’automobile. On comprend sans mal qui sont ces trois personnes : les garçons sont frères et la fille, la copine de l’aîné. Pas besoin d’en savoir beaucoup plus pour comprendre que le personnage fort du trio est Boris.
Boris et les autres
Tantôt dans la provocation, tantôt dans la tendresse envers les autres, Boris agit comme le moteur du groupe. C’est lui qui impulse les mouvements. Il est fort de sa liberté qu’il saisit à chaque instant, chaque bouffée d’air qu’il capte le rend plus vivant. À l’image, ce personnage est toujours devant les autres. Schouw le filme avec un léger retrait, en le décadrant un peu comme si cet être était insaisissable. Les deux autres personnages le suivent sans condition. Ils s’accrochent à lui comme à un mentor, il est celui qui sait, celui qui avance, vite, aveuglément.
Les liens entre Boris, sa petite amie et son frère sont forts, intimes. Le réalisateur pose un regard très doux sur ce trio qui fonctionne en tant que tel. Les personnages constituent une réelle unité. Leur complicité semble sans concession : Ils existent ensemble, envers et contre tout. Le réalisateur joue à l’image avec cette force du trio ; lorsque l’un d’entre eux sort du cadre, il le fait entrer de nouveau dans le champ.
De l’aube au crépuscule
Le film est monté avec une alternance entre flashbacks et moment présent. Le réalisateur oppose le voyage initial du trio et un second voyage sans Boris. Le nœud du film, la clé, est dévoilé à peu près au milieu du film: Schouw place une séquence qui agit comme le pivot chronologique entre le premier et le second voyage. Ce moment est celui qui précède le climax. Le réalisateur nous invite dans une longue séquence de fête dans un village français, une pause joyeuse dans le voyage. Dans cette parenthèse enchantée, les personnages flottent hors de toute contrainte. Ensuite, c’est l’accident.
Dans un long mouvement panoramique, on suit les trois personnages dans une funeste marche. Boris provoque une dernière fois les deux autres en les interpelant comme par défi : « Quand était-ce la dernière fois que vous avez fait quelque chose d’inoubliable ? »
« Sevilla » traite du voyage mais également du travail de deuil où ceux qui restent doivent composer avec l’absence. Ici, le frère et la petite amie reproduisent les derniers moments partagés avec Boris comme une façon de tourner la page et de terminer, enfin, le voyage jusqu’à Séville. « Sevilla » est un film qui travaille les codes du road trip et de la tragédie à travers le regard d’un réalisateur qui réussit à capter l’envie de vie de jeunes gens dans un mouvement cinématographique maîtrisé.