Une architecture très ordonnée. Le roulement d’une valise. Un homme d’une quarantaine d’années descend une rue vide et calme en plein jour. Il porte à la main un sac en plastique portant l’inscription : Japan Duty Free.
En retournant au Japon, Motokazu a pensé à acheter un cadeau pour sa mère à l’aéroport. Il semble qu’il n’ait pas eu une minute à lui pour en acheter un pendant ses quinze années passées aux États-Unis. De la fonction qu’il a exercée là-bas ou de celle à laquelle il aspire désormais, nous ne saurons rien. Nous constatons avec lui que le temps a aussi travaillé en son absence : une toile d’araignée, la sonnerie de la maison qui ne marche plus et personne pour lui répondre ou lui ouvrir la porte. Seule une certaine obscurité et le silence l’accueillent lorsqu’il retrouve la clé de la porte d’entrée à l’endroit habituel dans un pot de terre. Et puis, Motokazu revoit sa mère. Morte et seule. À cet instant, « Mou Ikkai » (Encore une fois) aurait pu devenir un film ténébreux à la peine émétique nous laissant à quai. Au contraire, il nous entraîne vers la vie. Et quoi de plus vivace que l’enfance ? Il suffit à Motokazu, dans ce fatras que lui a laissé le décès de sa mère en héritage, de retrouver sous le réfrigérateur une de ces balles de caoutchouc avec lesquelles il jouait, gamin, pour qu’il se décide à partir se promener dans les environs. Là, s’il est devenu étranger à cette ville, au point de rencontrer avec un ancien camarade qu’il ne reconnaît pas, il se rend néanmoins à une fête foraine pour, comme les enfants, participer à un jeu d’adresse où il est possible de gagner d’autres balles de caoutchouc de toutes les couleurs. Mais il n’a plus le coup de main. À côté de lui, un gamin de dix ans est plus adroit et, aussi, plus malin. Survient alors une vieille dame qui, le prenant par la main, l’aide à gagner une partie. Dès lors, Motokazu et la vieille dame deviennent inséparables. A sa hâte de lui faire des cadeaux, nous devinons assez vite qu’elle pourrait être de l’âge de sa propre mère. Puis l’inconnue disparaît. Aussi, à propos de ce que nous avons vu entre Motokazu et cette dame mystérieuse, nous hésitons : l’a-t-il réellement rencontrée ? L’a-t-il vraiment emmenée chez sa mère et aidée à prendre son bain ?
Ces questions n’ont plus aucune d’importance et l’on s’affranchit de toute obsession de vraisemblance. Imaginé ou vécu, devant ce présent recomposé, on prend plaisir avec Motokazu à son attention pour sa mère ainsi qu’à cet hommage qu’il lui rend au travers de cette vieille dame.
Tel un conte que l’on nous dirait afin d’endormir la douleur d’un deuil, « Mou Ikkai » nous suggère que quels que soient les rendez-vous manqués avec les êtres chers, il reste possible de les saluer ; les années passées loin d’eux n’auront pas été vaines. Et lorsque à la fin du film, Motokazu, aveuglé par le soleil, regarde à nouveau le corps de sa mère, c’est par son amour pour elle que nous sommes éblouis.
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« Mou Ikkai » est projeté au Festival de Clermont-Ferrand dans le programme international I11