Au point conférence du festival de Clermont-Ferrand, édition 2013, Matthias Zuder nous explique qu’à la suite d’un malentendu, il a dû se plier à la pratique de la médiation. Réflexion sur la violence, son film « Mediation » installe un agresseur et sa victime dans un tête-à-tête surprenant. Mais si le réalisme de l’histoire nous interpelle, il est aussi tout étonnant de constater le soin que prend Matthias Zuder, à l’image de l’agresseur de son propre film, à se livrer le moins possible : le scénario n’est pas de lui et ses réponses lors de cette interview polissent un certain mystère.
Les médiations de ce genre sont-elles courantes en Allemagne ? Depuis quand existent elles ?
Oui, en Autriche et en Allemagne. Le gouvernement et les tribunaux proposent ces médiations pour les délits mineurs afin d’éviter les comparutions au tribunal devant un juge et pour donner à la victime la possibilité d’appréhender au mieux psychologiquement ce qui lui est arrivé. Elles existent depuis une vingtaine d’années et il y en a de plus en plus. C’est supposé être satisfaisant pour la victime et c’est pour cela que ça existe. Tous les cas sont différents. Cela peut échouer comme marcher.
Lorsque l’on repense à certains procès médiatisés, en particulier pour des crimes plus graves, comme la pédophilie, il y a souvent ce moment où les familles de victimes attendent de la Justice qu’elle leur permette de comprendre la raison pour laquelle le pire a été commis.
Je suis d’accord avec vous mais les médiations ne se pratiqueront pas pour des viols, des meurtres ou des crimes tels que la pédophilie.
C’est bien que vous le précisiez. Néanmoins, « Mediation » m’a rappelé le long métrage « L’Homme qui voulait savoir » de George Sluizer. Ce film parle d’un homme qui recherche l’assassin de sa femme dans le but de comprendre la raison pour laquelle le meurtre a eu lieu. Je trouve que votre film a des points communs avec le thème de ce film.
C’est bien le sujet de « Mediation ». Le personnage de Clemens veut connaître l’explication de la violence qu’il a subi et pourquoi elle a eu lieu. Mais, en fait, il n’y a pas de grande explication.
En dehors de votre expérience de la médiation, suite à un malentendu, d’où vient votre intérêt pour cette réflexion sur la violence ? Certains auteurs ou évènements vous-ont ils inspiré ?
L’expérience que j’ai connue de la médiation a suffi pour servir de déclencheur et pour que je m’intéresse à ce sujet même si je n’ai rien lu et que je ne me suis pas documenté dans ce domaine. Avant de me retrouver dans cette situation, j’ignorais même qu’il existait des médiations où une victime pouvait rencontrer son agresseur. C’est une situation très inconfortable à vivre… d’avoir le rôle de l’agresseur.
Une question cliché que j’ai besoin de vous poser : si l’on repense au nazisme, le fait d’être allemand vous a-t-il plus sensibilisé par rapport à la question de la violence ?
C’est une question intéressante à laquelle j’essaie de répondre dans mon dernier film. C’est un grand débat : pourquoi ce passé violent s’est-il produit en Allemagne et non pas dans un autre pays occidental ?. Mais il n’y a pas vraiment de rapport avec l’histoire de « Mediation ». Ça ne va pas aussi loin que ça. Il s’agit ici d’une histoire simple à propos de la violence quotidienne. Si « Mediation » provoque le genre de discussion que nous avons, c’est bien, mais ce n’est pas l’intention du film.
Seulement, lorsque je regarde Clemens, celui-ci me paraît très « actuel » dans sa façon de s’habiller alors que Mario correspond beaucoup à l’image que l’on a eu du stéréotype du jeune Allemand nazi.
C’est un point de vue intéressant et vous n’êtes pas le premier à l’avoir. Il est vrai que j’ai affublé Mario des clichés du jeune néo-nazi. Je suis content que vous ayez perçu ces détails.
Quels sont vos prochains projets ?
J’ai fini un autre film « Aus Dem Auge » qui est un documentaire expérimental sélectionné au festival du Cinéma du Réel. Dans ce documentaire, on se trouve dans un lieu indéterminé qui raconte comment les attitudes fascistes s’établissent. Je ne vous en dis pas davantage car il est nécessaire de le voir. Cela a été tourné dans un endroit abandonné qui est un peu un reflet de la pensée fasciste. Le titre « Aus Dem Auge » ne sera pas traduit car il reflète un contexte historique allemand. Mais en quelques mots, ce titre provient d’un proverbe allemand qui signifie que ce qui vient des yeux, vient de la conscience. L’autre film que j’ai tourné s’appelle « Erbgut » (patrimoine héréditaire en français). Il a été projeté au festival Max Ophüls en Allemagne et j’espère qu’il sera également projeté en France. Il y est question d’un grand-père qui démontre que les actions de son petit-fils ne sont pas meilleures que celles qu’il a pu faire lui-même soixante ans plus tôt (rires). On retrouve donc dans ces deux films certains des thèmes déjà traités dans « Mediation ».
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Le film était programmé au Festival de Clermont-Ferrand dans le cadre du programme international I10