« Hard to say » est sélectionné au Festival Pointdoc dans la catégorie « Première création ». Ce qui frappe dans ce premier film d’Ana Candela c’est, de prime abord, la sobriété avec laquelle elle met en scène la confession de son protagoniste.
Le dispositif est des plus simples: un homme qui a fait ses armes dans les forces spéciales fait son mea culpa devant la caméra, s’adressant aussi bien à la réalisatrice qu’à une foule anonyme sans visage, parmi laquelle les familles de quelques unes de ses victimes. Sa fascination pour le meurtre, l’engrenage de la violence, la description d’une scène de meurtre dans une école, rien n’est épargné et pourtant l’essentiel est en filigrane. Le parti pris de la réalisatrice est d’évoquer cette violence en contre-pied par le prisme d’une sérénité retrouvée: les scènes en plans fixes dans un parc évoquent la contemplation du personnage regardant son propre destin.
Ces moments de plénitude, le calme apparent du visage de cet homme sont contrebalancés par la difficulté de verbaliser les actes de violence. L’homme parle avec hésitation, bégaye, mais parvient à confier, d’une manière parfois crue, ce qu’il a fait. Le titre du film « Hard to say » témoigne de cette difficulté non pas d’avouer mais de décrire, au sens premier du terme, la violence comme si le sujet prenait ainsi conscience de ses actes pour la première fois. C’est en cela qu’on est bien loin de l’interrogatoire. Les fragments contemplatifs insérés entre les moments de parole vont de pair avec la scène durant laquelle le personnage bétonne un mur, un geste on ne peut plus trivial et nécessaire pour une personne qui doit réapprendre à reconstruire sa vie.
Au fur et à mesure du film, la réalisatrice s’éloigne donc du témoignage convenu, face caméra, et dépasse le stade de la confession pour procéder à une sorte de maïeutique. La parole devient cathartique, elle est une manière, pour ce protagoniste, d’évacuer ses anciens démons. Le dispositif simple mis en place par la réalisatrice permet d’écarter tout jugement. Elle n’épargne pas son sujet, le relançant dès qu’il hésite un peu trop. En ce sens, le film n’est pas un moyen d’excuser cet homme, ni de le rendre sympathique. La réalisatrice ne pose pas de regard tendre sur lui mais tente par un cadre rigide et des effets d’accélération (les nombreux jump cut) de faire « accoucher » les mots.
Merci pour la revue sur mon film. Pourtant, je voulais signaler que, sans porter un regard tendre, comment vous dites, le film explique bien comment on en arrive là. En effet, le sujet, avant de devenir un soldat professionnel a été kidnappé et obligé à se battre à l’âge de 15 ans. Quand on est forcé à tuer d’autres enfants, on meurt de l’intérieur pour pouvoir survivre et après, ce qui était tellement dur à faire devient une addiction. Addiction dans laquelle la plus part de combattants restent coincés à vie, agressifs, violents, drogués…. Pourtant lui il arrive à s’en sortir. J’espère que le film crée -j’ai l’impression qu’il y parvient- de l’empathie, car, si bien on n’excuse rien (ce n’est pas à nous d’excuser quoi que ce soit, d’ailleurs) l’envie de tourner la page et de devenir « quelqu’un de bien » est bien visible. Quand aux jumps cuts, c’était simplement la seule façon de montage possible car à cause du bégaiement (dû aux traumatismes plus aux drogues avec lesquelles on les maintient « en alerte » dans l’armée) il peut mettre parfois une minute à sortir une phrase…Il s’agit donc autant d’un effet de style que d’un besoin « pratique » du montage.
Bonsoir Dounia,
Je viens de tomber sur ton article et le mot d’Ana Candela ci-dessus. Cela m’a donné envie de voir le court, ce que j’ai fait ( avant le 13 février) : Bravo !
Ciao !
Franck