Réunies à Strasbourg dans le cadre de GENERATOR 2013, de nombreuses associations dédiées à la création et la diffusion du court-métrage, venues des quatre coins de l’Europe, ont mis en avant différentes manières d’aborder la distribution. Particulièrement originale et active en Pologne et en Europe, la Fondacja Ad Arte (basée à Poznań depuis sa création en 2003) se caractérise par la mise en place de multiples formes de diffusion, en reliant notamment le cinéma à la performance et à la musique. Dirigée par Szymon Stemplewski, la fondation emploie six personnes et travaille avec de nombreux bénévoles. Nous avons rencontré deux membres actifs, Weronika Drzewińska (coordinatrice des projets) et Marcin Łuczaj (coordinateur du cycle « World Shorts » et « Short Waves »), pour mieux identifier leurs objectifs et comprendre ce que peut signifier la distribution des courts-métrages aujourd’hui.
Quels sont les buts de vos actions autours du court-métrage ? Sur quels principes la fondation repose-t-elle ?
Marcin Łuczaj : Nous nous occupons de la promotion du court-métrage dans son ensemble. La promotion signifie évidemment la diffusion mais aussi la mise en place concrète de formules qui donneront à voir les films aux spectateurs dans des contextes précis et cohérents. L’idée est de diffuser les films internationaux en Pologne et de diffuser les films polonais dans les pays étrangers.
Weronika Drzewińska : Ce qui nous intéresse n’est pas le court-métrage au sens restreint. Tous les types de travaux audiovisuels (incluant les clips musicaux) sont diffusés dans les événements que nous organisons ou auxquels nous collaborons. Par exemple, l’événement annuel intitulé Vivisesja a pour objectif de créer des rapports féconds entre la musique et les nouveaux médias. Nous recherchons une alchimie venue de la culture numérique !
M.Ł. : Nous organisons concrètement des résidences mensuelles qui s’organisent autour d’un pays (par exemple autour de la Finlande, dans un programme appelé « Finnish Shorts ») et qui se déplacent dans une quinzaine de villes en Pologne.
W.D. : Avec ces programmes de courts nationaux, notre objectif n’est pas seulement d’inonder les grandes villes mais aussi d’aller dans de plus petites villes. Et puis il ne s’agit pas forcément de projections dans des cinémas; les programmes peuvent être diffusés dans des clubs, des galeries, etc.
M.Ł. : En ce qui concerne la diffusion des films polonais à l’étranger, nous organisons des séances appelées « Short Waves ». Il s’agit d’un programme réunissant les meilleurs courts-métrages polonais récents. Ils voyagent dans vingt pays différents.
W.D. : Pour inaugurer le programme « Short Waves », nous organisons chaque année un festival homonyme à Poznań.
Quels sont les critères de sélection des films ?
M.Ł. : Il faut couvrir le paysage cinématographique d’un pays, donner à voir des films de différents genres et de plusieurs styles. Pour le programme dédié aux films français (« French Shorts »), nous voulions évidemment inclure des drames à la forme classique mais aussi des films plus expérimentaux. Il faut rompre avec les stéréotypes que l’on peut se faire du pays en question.
Selon vous, que signifie « faire la promotion du court-métrage » ?
M.Ł. : D’abord, cela nous incite à nous associer financièrement avec le P.I.S.F. (Polish Film Institute). Grâce à cette relation, nous avons pu élaborer par exemple un focus autour de la Pologne à Reykjavik (Islande). Ensuite, cela signifie étendre notre réseau, nos contacts, pour trouver des manières et des lieux pour diffuser. Nous organisons des « Polish parties » et des concerts où sont diffusés les films.
W.D. : Lorsque l’on parle de promotion, on parle évidemment du public. Or, où que nous allions dans le monde, nous avons un public d’origine polonaise qui est presque acquis. Notre but est de privilégier le public local.
M.Ł. : Nous avons de la chance, car quand on évoque le cinéma polonais en Europe, cela fait appel à l’imaginaire commun. La tradition polonaise du cinéma est très connue à l’étranger, en général les gens connaissent Krzysztof Kieślowski et Roman Polański. Nous ne partons donc pas de rien.
W.D. : Il y a des formes de diffusion qui fonctionnent pour certains pays, mais qui ne fonctionnent pas pour d’autres. Nous essayons donc toujours de trouver des manières spécifiques d’aborder le cinéma polonais dans le pays où l’événement a lieu. Comme l’imaginaire et les attentes du public sont différents, il faut écouter et faire preuve d’adaptation, en trouvant des relais locaux.
Vous occupez-vous également de la production des films ?
M.Ł. : Pas directement. Mais nous aidons les cinéastes en les orientant lorsqu’ils sont à la recherche d’informations et de financements. Par ailleurs, nous mettons en place des programmes d’éducation à l’image.
Le dernier film de Małgorzata Szumowska (réalisatrice de « Elles ») est sélectionné en compétition à la prochaine Berlinale, avec son film « In the name of… ». Est-ce qu’un tel événement vous permet de faire connaître le cinéma polonais à l’étranger et par ricochets d’assurer plus facilement la promotion du court-métrage ?
W.D. : Il ne s’agit pas d’un événement, mais d’un épisode éphémère. Notre travail doit s’inscrire dans le temps.
La création du P.I.S.F. (équivalent polonais du CNC) en 2004 a-t-elle une influence sur la qualité des films et sur la distribution des films polonais ?
M.Ł. : La création de cette institution – aujourd’hui dotée d’un budget très conséquent – a rendu les choses plus démocratiques. Elle offre de nombreuses possibilités pour les auteurs et les diffuseurs. Les grandes idées peuvent enfin être réalisées.
W.D. : Ce qui est intéressant, c’est le fait que le P.I.S.F. met de l’ordre dans l’organisation du financement et de la diffusion. Il est certain que nous sommes désormais privilégiés par rapport à d’autres pays d’Europe de l’Est.
M.Ł. : Une autre institution comme la Krakowska Fundacja Filmowa (équivalent de l’Agence du court-métrage) aide également à la distribution des films en s’occupant, par exemple, d’envoyer les films dans les festivals. Désormais, le système institutionnel et industriel a mieux conscience des méthodes employées en Europe occidentale et possède des contacts précieux. Aussi les institutions peuvent-elles nous suivre pertinemment dans nos démarches.
Propos recueillis par Mathieu Lericq (Strasbourg)
Le site de Fondacja Ad Arte : www.adarte.pl