La compétition de films de fin d’études du Festival National du Film d’Animation de Bruz a été l’occasion pour nous de découvrir les talents de demain. Cette compétition a révélé la diversité des médiums et des sensibilités parmi la jeune génération de réalisateurs de films d’animation, avec de l’animation 3D, du dessin et de la peinture animés, ou encore des marionnettes, des figurines et d’autres volumes animés. Les écoles représentées étaient nombreuses cette année avec des écoles comme Supinfocom, l’ENSAD et Emile Cohl très largement représentées. Une fois de plus, ce festival a bien montré que le format court est un espace de recherche et d’expérimentation. Images poétiques, politiques ou hypnotiques, voici quelques exemples qui nous ont interpelés.
La sole, entre l’eau et le sable d’Angèle Chiodo (L’ENSAD)
Sous le regard attendri du public, Angèle Chiodo raconte la lente mutation de la sole et son évolution dans les fonds marins. Fait de bric et de brocs, le film interpelle par l’ingéniosité d’une animation simple mais inventive, pleine de ressources. Parallèlement, alors que la jeune réalisatrice se met en scène en train de réaliser son film, se crée une autre histoire, celle de la relation qui unit cette jeune femme à sa grand-mère, mi-amusée, mi-perplexe face aux expériences saugrenues que mène sa petite fille. « La sole, entre l’eau et le sable » se démarque par son originalité et par l’émotion qu’il dégage, prétextant un cours de science naturelle sur la sole pour évoquer une autre évolution, celle des relations familiales, artistiques et intergénérationnelles. La démarche, non dénouée d’humour et de légèreté, fait appel à notre sensibilité de spectateur, et ouvre les portes d’un monde où l’exploration n’a pas de limite, au-delà des murs de l’appartement dans lequel se déroule le film.
Motha d’Emilie Robin (ENSAD)
Autre film qui nous a pris au dépourvu : « Motha » d’Emilie Robin, subversif et détonnant. Porté par des couleurs roses criardes, tel un bonbon, le film n’a pourtant rien d’une douceur. Il met en scène des personnages « zombifiés », cruels, sous le regard triste de Motha, un jeune garçon traumatisé par le rejet de sa mère et obsédé par la poitrine féminine et le lait auquel il n’a jamais pu gouter. Nourri par une succession de dessins qui rappellent des sitcoms américaines à l’humour acerbe tels que « Family Guy » ou « American Dad », des écritures semblables à des publicités américaines des années 1950, des sons agressifs de téléviseurs et des voix robotisées, « Motha » semble être inspiré des travaux du pop art, évoquant une société gangrénée par la télévision, la dépendance et la surconsommation. Pour info, les dessins ont été réalisés à l’encre de chine, puis animés à l’aide de Photoshop, Flash et After Effect, et le film a remporté la mention spéciale Arte Creative au festival de Bruz.
Caverne de Boris Labbé (EMCA)
La programmation de films de fin d’études de cette année a fait également la part belle aux films expérimentaux, avec notamment deux films de Boris Labbé qui avait déjà obtenu une mention spéciale l’an dernier pour son film « Kyrielle ». Cette année, il a présenté « Cinétique » et « Caverne ». Ce dernier, lauréat du Prix Arte Creative, offre une chorégraphie de formes lumineuses projetées sur des murs. Chaque forme, de même que l’angle de prise de vue, varie en fonction de la musique et évolue au rythme de ses vibrations. Les images projetées évoquent des radiographies, passant d’une forme de squelette à celle d’une mosaïque, et leur enchainement semble dicté par le son caverneux de Zeff in the box, composé par Didier Malherbe. Le film ressemble à une sorte de rituel, à une chorégraphie inquiétante par laquelle il faut se laisser emporter, au risque de se laisser hypnotiser. Une fois de plus, Boris Labbé travaille sur une boucle, une répétition de mouvements où le son joue un rôle fondamental dans la perception des images, et nous invite à effectuer un véritable voyage sensoriel.
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