La fin du monde a beau être annoncée pour le 21 décembre 2012, la vision apocalyptique de « Peau de chien » a été présentée avec quelques semaines d’avance au Festival du Film de Vendôme. Noir, glaçant et fascinant, le dernier film d’animation de Nicolas Jacquet est aussi sans conteste son plus réussi. Cerise sur le gâteau, il est disponible dans son intégralité.
Déjà vingt ans que Nicolas Jacquet réalise des courts métrages, son premier film « Sérénade » remonte à 1992. « Peau de chien » est le dixième court d’une carrière menée à un rythme assez lent mais continu, le cinéaste travaillant en grande partie seul. Mêlant prises de vues réelles et papiers découpés, « Peau de chien » est aussi son film le plus narratif et le plus abouti à ce jour, faisant notamment l’usage de dialogues pour la première fois.
L’action du film se situe au cœur d’une petite ville de province où la crise fait rage. Les denrées alimentaires se font rares et ne sont vendues que sur présentation de papiers d’identité. Un chien affamé vole un chapelet de saucisses sur l’étal du boucher alors que les habitants attendent leur tour dans la rue. Poursuivi par l’artisan charcutier, couteau à la main et mine patibulaire, il est contraint d’abandonner son butin et se cache sous le corps d’un homme qui vient d’être assassiné. Dissimulé sous son manteau, il rejoint l’appartement du défunt où il se transforme petit à petit en humain.
Le corps chez ce cinéaste est un élément omniprésent. Ici, déformé, monstrueux, nu et animal il fascine. Sa transformation inquiétante vient autant rappeler le fantastique de Cronenberg dans « La Mouche » que le conte inquiétant de Nicolas Gogol, « Le nez » – où un homme découvre que son nez a disparu et le croise dans Saint-Pétersbourg, vêtu d’un uniforme de conseiller d’État. La technique du papier découpé vient accentuer les mouvements désynchronisés du visage et du corps donnant aux personnages, tous très travaillés, une allure inquiétante. La ville quasi désertique, grise et brumeuse semble être aux mains de voyous, commerçants ou tenanciers de bar sans scrupules et animés par le goût de la délation.
Récit d’une grande noirceur sur la capacité d’une société du « chacun pour soi » à passer rapidement du côté de la violence, « Peau de chien » n’est certes pas un film optimiste mais il dégage paradoxalement une poésie propre à son auteur.
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Article associé : l’interview de Nicolas Jacquet
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