Projeté en première partie de « Koyaanisqatsi » de Godfrey Reggio, lors de la dernière édition de l’Etrange Festival, « The story of Panshin Beka » est l’un des huit segments du film « 8 » réalisé dans le cadre de la campagne Huit Fois Oui visant à promouvoir les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés lors du Sommet du Millénaire au début des années 2000 au Siège des Nations Unies à New York. Ce film traite de l’un des huit objectifs du millénaire, améliorer la santé maternelle.
Emmitouflée dans son hamac, Panshin Beka émerge d’un rêve joyeux et mystérieux, elle se rend compte que l’enfant qu’elle porte est sur le point de naître. Les femmes de la communauté l’aident à accoucher, mais des complications surviennent et obligent son mari à partir chercher de l’aide en pirogue… Comme on l’entend dans le film, « elle pleurait, elles avaient déjà tiré les cheveux de l’enfant. Elle n’arrivaient pas à le sortir, ses os étaient déjà fracturés. A la dernière minute, ils l’emmenèrent à l’hôpital… ».
Le scénario du film s’est construit autour des récits de sages-femmes que Jan Kounen a pu collecter lors de ses différents séjours au sein de la communauté des Shipibos d’Amazonie péruvienne, au bord du fleuve Amazone. Au contact de ce peuple, il s’est imprégné de leur quotidien, de leurs préoccupations et notamment des risques liés à l’accouchement.
Ce film détient en lui à la fois la part lumineuse et la part sombre du cinéma de Jan Kounen. Cela se reflète notamment par l’importance donnée au fleuve dans le film : il est à la fois synonyme de vie et de mort. Le fleuve Amazone est un lien sacré pour les hommes, de par leur histoire et l’organisation de leur vie, mais aussi un terrible obstacle lorsqu’une urgence survient. En un plan, le réalisateur de « Darshan – L’étreinte » rend subtilement compte de cette ambiguïté. Lorsque Panshin Beka souffre sur la pirogue, elle demande à sa grand mère ce qui se passe après la mort, tandis que les rayons du soleil continuent à se refléter avec grâce sur le fleuve.
Pour la petite histoire, ce film a aussi vu le jour à cause d’une promesse. Lors de précédent repérages dans cette communauté, où le réalisateur de « Dobermann » avait trouvé l’inspiration pour son long métrage « Blueberry » et son documentaire « D’Autres Mondes », il avait promis de retourner là-bas filmer la femme qui joue la grand-mère de Panshin Beka. Cette sage-femme et grande guérisseuse entretient une relation privilégiée avec Jan Kounen. Ce film fût l’occasion pour le réalisateur de retrouver à travers elle, sa propre grand-mère décédée lors d’un accouchement.
« Panshin Beka Winoni » mêle habillement témoignages et reconstitution, il recueille avec pudeur les confidences de ces femmes et se fait le témoin de leur tragique situation. Les voix, les mélodies, les visages expriment avec grâce et mélancolie le destin funeste de Panshin Beka. Les premiers plans du film sont une invitation faite au spectateur : les chants poétiques bercent l’oreille, le somptueux noir et blanc captive la rétine et les plans steadicam montrent le chemin, vers d’autres mondes.
Plutôt que de décrire âprement la dure réalité d’un village isolé d’Amazonie, le film propose au spectateur de percevoir le lien sacré que cultive un peuple avec le monde qui l’entoure. Le réalisateur a l’intelligence d’emprunter aux hommes et aux femmes qu’il filme leur langage et leur histoire pour mieux nous faire adopter leur point de vue. On le constate, une énergie particulière émane de ce film, faite d’éclat et de noirceur, de sincérité et de profondeur, ce qui en fait sans doute le film le plus personnel de son auteur.
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Article associé : l’interview de Jan Kounen