Parmi les belles surprises du festival Court Métrange 2012 se trouvait « Overture », film de fin d’études réalisé par Dan Sachar. Diplômé du département audiovisuel du Sapir Academic College d’Israël, ce jeune réalisateur nous offre un pur moment de grâce et démontre sa maîtrise du cadre et de la lumière en déclinant de façon subtile cet incontournable thème de la fin du monde qui a tant inspiré la création cinématographique de ces dernières années.
Film apocalyptique sur la destruction progressive de la nature, l’homme qui en est le héros erre dans une forêt sombre et silencieuse. Cet homme au visage singulier, dans un jeu très axé sur le corps et l’intuitif, mène un combat contre le temps et l’oubli dans un monde où tout est voué à disparaître. Filmé sous une pluie torrentielle, l’acteur se livre corps et âme à la préservation de la nature qui l’entoure : il chérit un jeune arbre comme s’il s’agissait de la chose la plus précieuse au monde et l’arrose chaque jour avec soin tandis que la mort d’un vers de terre l’émeut au plus haut point et l’amène à dessiner l’animal dans son carnet de croquis, objet qu’il protège comme la trace d’un monde qui n’est plus, unique moyen de capturer les choses avant qu’elles ne disparaissent à tout jamais.
Quelque chose se trame derrière ces rituels. Quel rôle joue cet homme aux pouvoirs mystérieux dans la disparition progressive des éléments ? « Overture » accorde une place importante aux souvenirs, aux images, et à l’obsession du personnage à préserver le peu de choses qu’il lui reste, comme si les éléments qui constituent ce monde en dépérissement disparaissaient à mesure que l’homme les oublie ou choisit de les ignorer.
Lorsqu’une femme vient à la rencontre de cet être solitaire, elle tente de le convaincre d’agir, de ne pas abandonner. Le titre du film évoque une proposition, une ouverture. S’agit-il d’une ouverture vers un au-delà, un autre monde, une volonté de nous inciter à laisser parler la foi qui sommeille en chacun de nous ? Ici, l’ambiguïté des images et des dialogues laisse place à l’imagination du spectateur. Ce qui fait toute la subtilité d’« Overture », c’est qu’il s’agit en effet d’un récit pensé comme une ouverture, un récit qui laisse place à toutes sortes d’interprétations et offre une échappée onirique au spectateur.
« Ton monde avait ses moments de beauté » déclare cette femme venue d’on ne sait où. Ces moments de beauté et de grâce viennent enrichir le film par petites touches, notamment dans une scène de climax où l’homme retrouve avec horreur son arbre en flammes. Dan Sachar filme cette scène d’une main de maître et crée un plan splendide où la caméra, dans son instabilité, capture la tragédie qui se joue ici. L’arbre, symbole de la vie et de la foi, porte en lui toute l’intensité dramatique de la situation. On pense à « La Route » de Cormac McCarthy, centré sur ces deux personnages en errance dans un monde où tout a disparu, consommé par le feu. La question de la rédemption y est aussi très présente. L’homme a péché, et l’arbre en feu évoque cette scène de rédemption du Christ au Mont des Oliviers avant la crucifixion.
La tension redescend au réveil du personnage après ce moment de crise, laissant place à l’apaisement, à la révélation. L’homme part sans qu’on sache où il va ni pourquoi, pourtant, il semble avoir retrouvé la paix, et au dehors, la pluie a laissé place au soleil. Le film révèle la possible renaissance de l’Homme, évoquant le passage entre deux mondes, et met l’accent sur les sens, à travers un héros qui touche, sent et ressent les choses. Les images se trouvent enrichies par la puissance de la musique composée par Dror Shiman, et le violoncelle de Leat Sabbah.
Mélange de rêverie et de science-fiction, envoutant, « Overture » explore des concepts métaphysiques sans être didactique, sans se dévoiler totalement, à travers une narration et une mise en scène déliées sur un sujet devenu presque banal. Le film ne dévoile ni l’avant ni l’après, mais ouvre les portes de l’imaginaire vers un au-delà dont on a tous un jour tenté de dessiner les contours.