Vite. Il ne nous reste plus qu’une heure avant de découvrir le palmarès de Brest, une heure seulement pour vous révéler nos derniers coups de coeur cinématographiques, rejoignant un focus déjà bien fourni. Avant de vous présenter prochainement « After », un documentaire édifiant sur Auschwitz (compétition européenne n°6), qui mérite un papier à lui tout seul, voici deux films, sans liens apparents, qui donnent à voir et à aimer le cinéma européen, qui font émerger deux auteurs particulièrement pertinents, un italien et un autrichien, et qui comptent au casting des comédiens fabuleux, pas plus haut que quelques pommes.
Tiger Boy de Gabriele Mainetti
Dans ce film italien ultra réussi, un petit garçon de neuf ans, Matteo, se fabrique un masque identique à celui de son héros : « Le Tigre », un lutteur d’une banlieue de Rome. Il se met à le porter et refuse de l’enlever, tout au long de la journée et de la nuit, malgré les demandes réitérées de sa mère. Au même moment, le proviseur de l’école abuse de sa position et s’intéresse de trop près à l’enfant, en lui répétant de ne pas se sentir coupable. Matteo, livré à lui-même, se réfugie dans le monde de la lutte, avec ses figurines, et assiste en cachette à un combat du vrai Tigre, son héros, qu’il acclame lorsque celui-ci domine son adversaire, sur un ring. Le lendemain, lorsque le proviseur croise Matteo à l’école, celui-ci commence à résister à son tour et refuse de le suivre dans son bureau.
Un enfant anonyme que presque personne ne remarque, si ce n’est à cause de son masque. Un monde adulte absent ou oppressant. Des gros plans sur les visages et les yeux. Le désir malsain d’un adulte et la quête de modèle d’un petit homme né après les années 2000. Un caprice qui n’est rien d’autre qu’un appel au secours. Une honte subie et un retournement de situation. Un passé douloureux et un avenir à (se) construire. « Tiger Boy » de Gabriele Mainetti (compétition européenne n°7) vaut tous les détours, autant pour l’interprétation de son petit tigre en puissance (Simone Santini) que pour son image et sa musique très soignées. On a très, très envie que ce film ait un prix ce soir. Jury, si tu nous entends…
Abgestempelt de Michael Rittmannsberger
Autre titre remarquable et remarqué au sein de cette compétition européenne, voici « Abgestempelt » (compétition européenne n°3), un film venant d’Autriche. Dans ce court très, très bien construit, un petit garçon ne comprend pas pourquoi son père, immigré, se fait contrôler à un abribus et pourquoi son sac est fouillé par la police. Lorsqu’il demande à son aîné où est le mal, son père ne dit mot. Surpris, il garde les yeux grands ouverts, ne devinant pas ce qui se joue devant lui. Son étonnement redouble lorsque dans le bus, un jeune homme, à qui son père a sauvé la mise en lui évitant une amende des contrôleurs malveillants, se met à être agressif à l’égard d’eux deux. Pourquoi certains hommes s’en prennent-ils à d’autres ? Qu’ont fait ces derniers de mal pour se voir ainsi réprimander et inquiéter ? A ces questions, l’enfant, trop petit, n’est pas en mesure de répondre. Sauf que son père, embarrassé et abasourdi, ne sait pas quoi lui dire. Car le mal, dans le film de Michael Rittmannsberger, n’est peut-être pas là où le croit…
« Abgestempelt » est un film qui déjoue les clichés scénaristiques et les expectatives du spectateur (la chute n’est pas celle à laquelle on s’attend). Il soulève des questions légitimes, par la bouche d’un enfant, qui s’interroge sur le bien et le mal, sur l’innocence et la culpabilité, mais aussi sur la peur, la passivité et la prise de risques. Mais c’est aussi un film tout en regards, en sensations et en silences, qui mêle une situation fictionnelle à un vécu réaliste, des images de tournage à des images de vidéosurveillance, qui multiplie les gros plans, et qui fonctionne superbement par la relation extrêmement naturelle entre le père et le fils, nouée entre les deux comédiens principaux. Pour toutes ces raisons et parce que la subjectivité l’emporte, ce film, qui n’est que le deuxième de son auteur, est pour l’auteure de ces lignes, LE meilleur film de Brest.
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Article associé : l’interview de Michael Rittmannsberger, réalisateur de « Abgestempelt »