On a beau être parti en vacances, l’effet d’un film montré au festival Silhouette, il y a près de trois semaines, n’est pas resté à Paris. Si les films en compétition, les plus suivis, bénéficient des premières pages du catalogue, les programmations clips, hybrides et documentaires sont reléguées aux dernières pages. Et c’est regrettable tant un film comme « 3 Dni Wolności » (3 jours de liberté, page 47) de Lukasz Borowski vaut la peine d’être mis en avant.
Un homme salue ses collègues de travail, prend ses cigarettes, arrange son col, entre dans un bureau. Il se nomme Piotr (Pierre) et a un laisser-passer pour sortir de prison pendant trois jours. Mais avant cela, il doit décliner son identité, faire inspecter ses affaires et être fouillé. À deux postes de contrôle successifs.
Piotr s’avance calmement vers la sortie. À l’extérieur, ses amis l’attendent « de l’autre côté du mur, parmi les vivants ». Piotr est ému, l’air lui semble différent, il se renseigne sur ce qu’est un GPS, une fois installé dans la voiture. Cette permission, c’est la première. Quinze ans qu’il est derrière les barreaux.
Marek, son ami, son ange gardien, l’accompagne pendant ses jours de liberté, le guide, lui explique pourquoi les tickets de caisse sont si petits, lui fait découvrir les tourniquets de métro, l’emmène au restaurant. Chaque minute, chaque instant compte. Piotr enregistre tout, ne lâche pas une miette du regard, s’imprègne de tout ce qu’il voit, les badauds, les filles, les bruits, la liberté, l’insouciance.
Quand Marek demande à Piotr de coucher ses rêves sur papier. Piotr pense naturellement à une maison, à une piscine, à une voiture, à un téléphone portable, à une femme. Mais Marek l’incite à ajuster ses rêves à la réalité : sa peine de prison est loin d’être finie et ses finances ne lui permettent pas de remplir ses espoirs. Pourtant, Piotr voit la vie différemment grâce à son ami et retourne dans sa cellule avec un peu de bonheur dans les poches.
Nous ne saurons rien du crime de Piotr. Il l’évoque en deux mots sans le dévoiler. L’important est ailleurs, il réside dans l’idée de suivre un homme, d’être à ses côtés à l’intérieur et à l’extérieur, de le voir confronté à la société qui l’a envoyé derrière les barreaux. La caméra de Lukasz Borowski, étudiant à l’école d’Andrzej Wadja, est au plus près de son personnage, ne le lâche pas, se tient à bonne distance de ses interrogations à voix haute, de ses regards perdus dans le vide, de sa découverte du nouveau monde et de sa perplexité face au changement. Profondément humain, le film accroche le regard et se construit comme une boucle. Piotr a beau retrouver la liberté pendant 72 heures, il peine à se libérer de ses chaînes et de son étiquette de détenu, fouillé avant et après sa sortie.
J’ai eu l’opportunité de voir ce film au Festival « It´s all true » au Brésil. C’est en effet un film merveilleux, tout le monde dans la salle était en ébullition car Lukasz Borowski nous fait partager la redécouverte de la liberté avec talent et sans aucune narration. Le film tourne encore en Festivals, j’espère pouvoir le revoir.