En compétition à la Quinzaine des Réalisateurs, le court métrage Wrongs Cops de Quentin Dupieux – premier chapitre d’une série de six petits films sur la police américaine – révèle un Marilyn Manson surprenant et livre une critique désopilante d’une Amérique en quête de sens.
L’entrée en matière de Wrongs Cops rappelle à bien des égards la scène d’ouverture de Rubber, sorti en 2010 : une bande son électro martelée, un montage nerveux, une photographie lumineuse et volontairement surexposée, un flic véreux, des contre-plongées dévoilant les palmiers de la Californie. L’excès est annoncé de manière évidente dès le générique, l’humour aussi. L’intrigue tient en une ligne : l’officier Duke, interprété par Mark Burnham, revend dans la rue de la marijuana dissimulée dans des rats morts. Un jour, il croise la route d’un mélomane, fan de techno, au nom évocateur : David Dolores Frank. Ce dernier, interprété par un Marilyn Manson métamorphosé, est la victime désignée de l’officier qui le contraint à le suivre chez lui, avec le curieux dessein de lui apprendre ce qu’est la vraie musique.
Critique à la fois âpre et légère d’une certaine Amérique, le film met en scène un flic qui ne respecte rien ni personne, qui mâche sans arrêt du chewing-gum, qui fait des deals avec des jeunes de 13 ans, et qui occupe ses journées à faire des rondes dans un quartier résidentiel de Californie, à la recherche de proies faciles. La violence humoristique du film est amenée par les nombreux zoom avant et zoom arrière que Quentin Dupieux manie habilement. Ces mouvements de caméra installent un malaise physique chez le spectateur. Ces effets rappellent également le clip musical que le réalisateur connaît bien : cette esthétique de la nervosité permet à la fois de rendre efficace le récit (notamment dans la scène d’échange des rats contre de l’argent) mais aussi d’annoncer le malaise que provoque la rencontre entre deux êtres visiblement limités.
L’humiliation est au centre du film. Le premier échange entre les deux protagonistes est de ce point de vue évocateur. Le champ contre champ provocateur qui révèle un échange inégal (le flic ne fait que poser des questions – « qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce que tu attends ? Tu tapines ? » – tandis que David Dolorès bredouille tant bien que mal quelque chose) est le reflet parfait d’une méfiance typiquement américaine. A cela, vient s’ajouter évidemment l’ennui profond du flic qui a besoin d’un plus petit que lui pour exulter. Exulter, c’est le mot : à l’intérieur de sa chambre aux allures adolescentes, le flic contraint l’ado à écouter ce qu’il considère comme étant la « vraie » musique, une sorte de soupe auditive qui excite l’homme de loi, désormais affublé d’un caleçon. Le cadre de la caméra demeure stable en position de témoin comme pour mieux montrer l’état extatique et ridicule dans lequel se met le flic qui simule, à l’écoute de sa musique, l’acte sexuel à plusieurs reprises. Drôle de programme que nous réserve Dupieux dans cette scène surréaliste. Après une telle séquence, il est dommage que le film glisse petit à petit vers un autre genre, celui du sitcom comique, lorsque le flic tue par erreur l’un de ses voisins et reprend sa voiture dans l’espoir de se débarrasser du corps, au son de sa techno préférée. La chute aurait méritée d’être plus soignée pour nous donner envie de suivre encore et toujours les personnages tordus que Dupieux prend plaisir à croquer.