Body and Soul de Matthieu Bron

Triple témoignage saisissant de personnalités extraordinaires, « Body and Soul » est une des plus belles découvertes de la compétition internationale du festival Millenium cette année. Le réalisateur Matthieu Bron livre un film éloquent sur la place de la personne handicapée dans la société et, à partir du contexte particulier du Mozambique, relève de tristes constats universels.

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Matthieu Bron a suivi Victoria, Vasco et Mariana durant trois ans à Maputo, capitale de son pays adoptif. Sa caméra accompagne les protagonistes dans leur vie quotidienne, où ils sont constamment confrontés à des stéréotypes, à des discriminations et au fatalisme liés à leur invalidité présumée.

Alors que Victoria, amputée d’un bras, s’instruit à l’université et travaille pour des associations de femmes handicapées, Mariana, qui manque des deux jambes, est une véritable tornade effervescente, un aimant social qui sait charmer tout son entourage. Vasco quant à lui est déterminé de réussir en tant que cordonnier même si la polio a grièvement réduit l’usage de ses membres inférieurs. Trois vies différentes mais trois voix qui se rejoignent dans leur volonté de dépasser les attitudes affigeantes envers leur handicap. Munis d’une capacité à se poser des questions parfois difficiles, souvent douloureuses et toujours sans réponses, ils font tous les jours le choix délibéré de ne pas prendre à cœur ces paroles et comportements décourageants et de continuer à vivre en société avec toute la dignité qui leur est due.

Cette dignité, Bron la montre avec le plus grand respect et la responsabilité de quelqu’un qui a tissé de vrais liens personnels avec ses protagonistes, d’un artiste qui est loin de porter un regard paternaliste par rapport à son sujet (ce qui serait par ailleurs inacceptable mais hélas ô combien immanquable lorsqu’il s’agit de vouloir exprimer la voix d’une minorité ou d’un groupe « subalterne » sur quelque base que ce soit).

Cette dignité, le réalisateur choisit de la mettre en avant entièrement à travers les protagonistes eux-mêmes, leurs paroles et leurs actions. Il arrive à trouver le juste milieu entre objectivité et empathie, deux ingrédients essentiels au genre du réel, grâce à sa démarche hautement humaniste. Celle-ci trouve sa parfaite expression à deux moments clefs du film : le défilé des femmes handicapées organisé par Victoria (à laquelle participe également Mariana) et un spectacle de danse collective qui regroupent tous les trois. Deux séquences filmées avec la distance nécessaire pour équilibrer leur portée émotionnelle.

En évitant de sombrer dans le misérabilisme potentiel lié à un sujet aussi fort, Matthieu Bron témoigne incontestablement, avec « Body and Soul », de sa maîtrise du genre documentaire, tout en rendant dignement hommage à trois personnes exceptionnelles.

Adi Chesson

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