Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie mais son évolution par temps de crise. – Berthold Brecht
Encouragé ou plutôt enflammé par l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour des présidentielles françaises de 2002, Jean-Gabriel Périot s’est offert un joli cadeau d’anniversaire en réalisant un court métrage dynamique et dérangeant sur les excès de l’image dans les médias. Dix ans plus tard, le film rappelle à l’ordre la conscience politique et sociale avec une effrayante pertinence.
Avec une rapidité de montage vertigineuse aux limites de la persistance rétinienne, le vidéaste français déploie une fantasmagorie d’images de toutes sortes : iconographie chrétienne, art classique, art pop, images d’archive de politiques, de propagande, de société civile et de guerre, du cinéma, de la pornographie, de la publicité, ainsi que des photographies de famille du réalisateur lui-même (le titre du film représente également son anniversaire). Dix minutes « d’agression » visuelle rythmée par une bande son tout aussi agitée.
Malgré la vitesse de son défilement, chaque plan, lourd en connotation, évoque une réflexion d’ordre social, politique, religieux… Entre société de consommation matérielle et culturelle, décadence morale et spirituelle, chute de la vérité moderniste, éclatement de la vision postmoderniste, tout semble figurer dans ce kaléidoscope bizarre que l’on ose à peine appeler un film, tellement il s’affirme contre les codes reconnaissables du septième art.
Pour ce qu’il est du message politique lié au jour fatidique cité dans le titre, celui-ci apparaît en filigrane de cette panoplie de clichés se présentant comme un état des lieux de la civilisation moderne jusque là. La réponse personnelle qu’apporte Périot à un événement collectif a toute sa pertinence aujourd’hui, au moment où les valeurs fondamentales de la République – Liberté, Egalité et Fraternité – risquent pour beaucoup de s’inverser. Deux présidentielles plus tard, force est de constater que le sujet de consternation pour le réalisateur n’est plus le même, mais s’est déplacé vers la fille Le Pen, et son discours nationaliste de droite qui n’est qu’une prolongation de celui de son père. Mais on le sait bien, l’histoire ne cesse de se répéter : les détracteurs d’un certain « Napoléon du XXIème siècle » ont crié deux fois (en vain ?) aux dangers d’extrémisme prôné par sa soif du pouvoir. De même, « 21.04.02 » devra sans doute être revu en 2017 face à la potentielle réalisation du cauchemar de son auteur – la percée du nationalisme.
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Article associé : l’interview de Jean-Gabriel Périot
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