L’Odéon Dancing n’est pas une succursale cachée du théâtre de l’Odéon dans le 6e arrondissement de Paris mais un dancing situé en Haute-Garonne où Kathy Sebbah, dont c’est le quatrième court, a installé sa caméra.
Ni tout à fait une boîte, un nightclub ou un bal musette, l’Odéon Dancing serait un peu un mélange de tout cela à la fois, tout comme le film oscille entre fiction et documentaire, cette zone mouvante déjà explorée par la cinéaste dans « MIC Jean Louis » (2006). Car il s’agit bien ici de documenter les après-midi dansants de personnes plus ou moins âgées et d’observer leurs modes de séduction sur ou hors-piste. La cinéaste a choisi de suivre Marcette, la soixantaine, blonde platine, bien apprêtée et un brin novice, entraînée par son amie brune arborant un décolleté plongeant et un maquillage pas vraiment léger. À la façon d’une Madame de Merteuil, c’est elle qui lui glisse à l’oreille les codes à suivre pour être abordée ou aborder, entre deux battements d’éventail. Les hommes sont là, certains déjà en couple et s’exhibant fièrement, d’autres simplement en sueur à la recherche d’une partenaire de danse.
Marcette est finalement invitée à danser par un monsieur qui en l’espace d’un morceau lui propose déjà de se revoir pour dîner mais elle décline poliment l’invitation en retournant s’asseoir sur sa chaise, scrutant la piste et échangeant des regards légèrement gênés avec la gent masculine, caressant nerveusement le foulard en soie accroché à son cou. Les situations peuvent prêter à sourire mais la mise en scène de Kathy Sebbah ne cherche pas à provoquer le rire ou même à moquer gentiment cette boum pour retraités. Au contraire, Sebbah décrit en creux la solitude des corps, le besoin d’être regardé et désiré dans l’espoir d’une rencontre.
Dans cette atmosphère moite et nocturne, l’Odéon Dancing finit par atteindre un instant une dimension quasi lynchéenne et rappelle « Mulholland Drive » et son club Silencio où l’on se jouait de la réalité. Ici aussi, tout est mis en scène, rejoué et planifié. Nos deux héroïnes, la blonde et la brune observent ce ballet de corps vieillissants que l’on désire malgré tout. Dehors, un homme, passablement éméché, saute par dessus la clôture du pré jouxtant le club et se met à courir frénétiquement après un groupe de chevaux blancs. L’image est proche du rêve mais la réalité revient frapper à l’intérieur. Un homme s’écroule, victime d’une crise cardiaque, Marcette assiste à la scène sans rien pouvoir y faire. On pense un instant que l’incident signe la fin de la soirée, mais la musique reprend et les danseurs restent en piste. C’est la dernière de la saison avant la fermeture estivale, alors il n’est pas question de se priver. Kathy Sebbah clôt son carnet de bal par un madison général où chacun tente, tant bien que mal, de rester groupé, en rythme.