« Casus Belli » a tout du film de chevet. Présenté à Venise dans la section Orizzonti et projeté ces jours-ci au 4ème Festival du Film du Golfe, à Dubaï au sein de la compétition internationale, il distille dans sa scène d’ouverture les ingrédients d’une intrigue pas si banale. Un caddie, un supermarché, une jeune femme, des produits à profusion, une voix microphonique, et une file d’attente apparaissent dans les premières minutes de cet opus expérimental grec.
Le travelling latéral l’accompagne, la file d’attente le définit. Dans sept lieux aussi diversifiés que possible (un supermarché, l’entrée d’une boîte de nuit, une église, un musée, un bureau de loto, un distributeur de billets, une caravane distribuant de la nourriture pour les sans abris), une dizaine d’individus font la queue. Filmés la plupart du temps de profil, ils attendent d’avancer dans la file à laquelle ils viennent de se greffer. Leurs visages, attitudes, langages, vêtements, âges diffèrent mais ils obéissent à une loi unique et inéluctable : la première personne de chaque file devient la dernière de la suivante, formant ainsi une chaine humaine continue. Jusqu’à ce qu’un homme, au bout du lien, se rebelle, se retourne et renverse les personnes derrière lui qui s’écroulent les unes après les autres, à cris et à corps, dans son propre plan et dans les précédents.
Dans un mouvement de travelling latéral arrière, la camera suit cet effondrement progressif et extrêmement rapide, revient au début du film et se concentre sur le caddie initial, filant droit devant sur la route, tel un « Rubber »déchaîné et humanisé.
Par le biais de la métaphore, le film croque avec dérision et pertinence la crise économique grecque, le consumérisme globalisé, et l’interaction entre l’individuel et le collectif. L’expression latine du titre se réfère à la violence et à la riposte, ce que Yorgos Zois, ancien assistant de Theo Angelopoulos, met formidablement en scène dans son tout premier film. À Dubai, le film pourrait bien remporter demain une récompense lors de la remise de prix du festival. C’est tout le mal qu’on lui souhaite en tant que pathétique consommateur lambda.
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Article associé : l’interview de Yorgos Zois