Terrains Glissants de François Vogel

Le 33ème Festival de Clermont-Ferrand ouvre cette année une belle fenêtre sur le travail d’un artiste intuitif, François Vogel, avec deux films en projection : « Rébus » dans la programmation rétrospective des 10 ans du Labo, et « Terrains Glissants » en compétition nationale.

Avec « Terrains Glissants », le regard s’ouvre sur une plage qui semble avoir fondu au soleil, point d’entrée d’un voyage initiatique à travers le monde. Des rues de New York à celles de Buenos Aires en passant par les campagnes de l’Anjou, des décors naturels en distorsion permanente glissent et se déforment autour de François Vogel et de son appareil photo jusqu’à en donner le vertige. Les jours et les nuits filent au rythme effréné des heures, la planète tourne, et l’auteur, lui, avance dans l’image, point fixe de l’univers en mouvement, inversant les principes de la gravité. Les précisions métronomiques d’une voix-off qui marque l’espace et le temps contrastent avec des mouvements d’images à 360° où la perception visuelle est bouleversée.

Dans l’univers de François Vogel, tout évolue, se fluidifie et se transforme sans cesse à travers des miroirs déformants pour donner sens à une quête métaphysique d’une très grande esthétique.

Véritable performance visuelle et poétique d’un avant-gardisme insolent, ce court métrage expérimental réalisé en stop motion apporte un regard nouveau dans la technique de composition d’image, peut-être même une révolution du genre.

Xavier Gourdet

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Article associé : l’interview de François Vogel

T comme Terrains Glissants

Fiche technique

Synopsis : Images déformées, temps élastique : TERRAINS GLISSANTS nous offre une vision poétique et singulière de l’Homme sur la planète. Entre carnet de voyage et performance, le film retrace les errements d’un individu guidé par d’étranges voix intérieures.

Genre : Animation expérimentale

Pays : France

Durée : 11’

Année : 2010

Pays : France

Réalisation : François Vogel

Scénario, musique originale, interprétation, animation, effets spéciaux : François Vogel

Son : Mister Yellow, Alain Cure, Bruno Porret

Musique : John Cage

Montage : François Colou

Voix : François Vogel, Hélène Vogel, Stéphanie Daniel

Production : Drosofilms

Article associé : la critique du film

Aki Kaurismäki : « Mes personnages ne sont pas perdus, c’est le reste du monde qui est perdu »

À l’instar de Luc Moullet et Marcel Hanoun, Aki Kaurismäki était l’un des invités du Festival “Est-ce ainsi que les gens vivent…”, consacré à la « Comédie du travail ». Ce festival donnait l’occasion de revenir sur sa “trilogie ouvrière”, initiée par « Shadows in Paradise » (1986), poursuivie avec « La Fille aux allumettes » (1989) et conclue avec « Au loin s’en vont les nuages » (1996). Accompagné de Peter von Bagh, il a également rencontré le public dyonisien lors d’une master-class.

D’origine finlandaise, le cinéaste est un cinéphile passionné et un ardent observateur de la vie sociale en Europe. En 1983, il réalise une remarquable adaptation de « Crime et châtiment » de Dostoïevski, mais ce n’est qu’en 1989 qu’il accède à une reconnaissance internationale avec « Leningrad cowboys go America », en compagnie des membres d’un groupe de rock totalement farfelu. C’est alors qu’il réalise cinq courts-métrages musicaux. Puis, il écrit et réalise « Au loin s’en vont les nuages » (1996), « Juha » (1999) et « L’Homme sans passé » (2002), quelques-uns de ces plus grands films. Notre entretien, à l’image d’Aki Kaurismäki, fonctionne au rythme de l’humeur, des impulsions passagères et des formules bien trouvées. Son verre à la main, il revient sur l’Europe des années 1970, période où se jouent les bases de son travail de cinéaste, à la frontière entre mythologie et modernité.

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Souvent, les lieux où vos personnages prennent des décisions importantes ne sont pas habituels. Il s’agit de voitures, de ports, de cafés… Pourquoi vos personnages passent-ils par exemple tant de temps dans les cafés ?

J’adore rester seul dans un bar. Si mes personnages passent du temps dans les cafés, c’est sans doute parce qu’ils ont soif. Plus sérieusement, ils sont là parce qu’il y a d’autres personnes autour d’eux, parce qu’ils se socialisent. S’ils restaient chez eux, c’est sûr, ça coûterait moins cher au producteur ! Et je pourrais rester chez moi pour tourner dans ce cas. Mais je ne veux pas être ivre chez moi, donc j’emmène boire mes amis dans un bar. Je fais la même chose avec les acteurs. De toute façon, ils sont si pauvres économiquement qu’ils n’ont pas de foyer. À Helsinki, nous vivions plus ou moins dans la rue. Donc le seul endroit où tourner était le bar, endroit où nous passions la majorité de notre temps. Depuis que la loi sur les « bars non-fumeurs » est passée, nous n’y allons plus, alors les histoires sont retournées dans la rue. Je pense que le bar demeure le lieu de vie du peuple, à Paris aussi. Concernant les emplacement que j’utilise dans mes films, j’ai tourné dernièrement dans le port du Havre, en France. Je crois que j’apprécie filmer des lieux où le vent souffle !

Vos premiers films s’inscrivent entre les deux cultures dominantes de l’époque, la culture américaine, avec la série des « Leningrad Cowboys » par exemple, et la culture soviétique comme lorsqu’à la fin de « Shadows in Paradise », le couple fuit vers l’Estonie, dans un bateau marqué du symbole communiste.

En effet, il y a ce symbole sur la cheminée du bateau. Mais, lorsque le film est sorti, tout le monde se moquait des symboles ! Pour moi, c’est une plaisanterie qui consistait à montrer que l’Estonie était un « paradis » pour mes personnages. Et il faut avoir vécu en Finlande dans les années 1970/1980 pour comprendre que partir en Estonie signifiait « faire un choix ». Pour des raisons logistiques, je ne pouvais permettre à mes personnages de les envoyer en Floride ! D’un autre côté, pensez-vous qu’ils puissent être heureux en Floride ? Par ailleurs, en Finlande, on a eu les juke-box, les flippers, l’arrivé du rock-and-roll et les gadgets du « monde merveilleux ». La culture finlandaise a été la plus influencée par celle des États-Unis depuis 1950. Baudelaire, j’ai dû le trouver moi-même. Personne n’en parlait.

Vous éprouvez une sorte de fascination pour les États-Unis et Hollywood, mais ce sentiment est lié à de la haine. Qu’en est-il ?

J’admire un certain cinéma hollywoodien, seulement jusqu’à 1962. Après quoi, il n’y pas de fascination à avoir. Je pense que c’est de la merde.

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Vous avez tourné vos premiers courts-métrages avec le groupe de rock, les « Leningrad Cowboys ». Ces courts-métrages dessinent un univers noir, inscrit dans la mafia finlandaise, mais posent également un regard ironique sur la hiérarchie entre les « têtes dures » et les « loosers ».

Vous savez, les « courts-métrages » dont vous parlez, ce sont des clips de rock pour le groupe. Ils ont été tournés en 35mm mais ils étaient faits pour la publicité. On les appelle des « courts-métrages » mais ils n’en sont pas. C’est l’époque où MTV est arrivé. Je pense qu’il s’agissait des premiers clips finlandais. A l’époque, ces gars étaient révolutionnaires. Ils étaient sauvages, ils étaient grands. Les groupes de rock avaient juste trois minutes pour montrer toute leur créativité. Il m’arrivait d’être jaloux et de me dire : « Bon sang, qu’est-ce qu’ils sont libres ! ».

Aujourd’hui, les images montrent des gens qui s’entassent en remuant et en bougeant leur corps. Rien n’est transmis au public. Comment se fait-il qu’un travail artistique comme celui-ci soit aussi florissant pendant un an et puis meure d’un coup ? Comment a-t-on pu dépenser tant d’argent pour cela ? La mort soudaine de cette dynamique a été à la hauteur des investissements.

Récemment, vous avez été amené à refaire un film court intitulé « Bico » (2004). Pourquoi êtes-vous revenu à une forme courte ? Et, parallèlement, au documentaire ?

Je l’ai fait pour des raisons privées. Quelqu’un m’a demandé de faire un film sur le village où j’habite, au Portugal. C’était une manière de documenter ce lieu, alors, oui, c’est un documentaire. Il n’est pas très bon. Je dirais qu’il s’agit d’un fragment, quoi que cela signifie. Mais, en général, je me sens à l’aise avec tout ce qui est inférieur à 90 minutes. Au-delà, je me sens dans l’insécurité. La longueur d’un film est liée à la présence des dialogues. S’il y en a beaucoup, les films sont plus longs. Tout ce qui excède 100 minutes est trop long, sauf « Ben-Hur (1959) ». Si les films sont silencieux, ils sont plus courts.

Les personnages de vos films semblent perdus, ils ont l’air de se demander en permanence : « dois-je rester ou dois-je partir ? ». Serait-ce un symptôme du présent ?

Mes personnages ne sont pas perdus, c’est le reste du monde qui est perdu. Fondamentalement, ils ne savent pas où aller. C’est ça, le problème. Ils veulent aller quelque part et ils veulent rester, ils ne savent pas quoi faire. Ils ne sont pas à l’aise où qu’ils soient. Ce sont des personnages plutôt autobiographiques.

La question est compliquée parce que mes personnages ont un certain inconfort qui est de facto dans mon sang, mais je ne fait pas des autoportraits pour autant. J’essaie de décrire les gens mais mon propre inconfort se retrouve dans les personnages. Parce que j’ai toujours aimé partir mais, je ne sais pas où, sauf dans ma tombe. Il n’y a qu’au Japon où je me sens à peu près bien.

Tout comme Alain Resnais, les acteurs que vous choisissez ne changent que très rarement. Kati Outinen a, par exemple, participé en tant qu’actrice à huit de vos films. Pourquoi cette permanence ?

Si les acteurs sont bons, pourquoi en changer ? John Ford aimait travailler avec John Wayne pour cette raison. Il en est de même avec Marcel Carné et Jean Gabin. Lorsque ce sont des acteurs géniaux, un cinéaste ne peut pas s’empêcher d’écrire les rôles pour eux. C’est comme une famille. Mais ça n’est pas une marque de paresse !

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« La Vie de bohème »

Dans vos films, vous n’hésitez pas à faire des citations, à récupérer des formules ou à utiliser des archétypes. Pourquoi aimez-vous tant les citations ?

J’aime les citations parce que je n’ai pas d’idées par moi-même. J’aime Godard lorsqu’il dit : « Lorsque tu voles, vole honnêtement. » Dans « La Vie de bohème » (1992), lorsque le peintre vend toutes ses toiles pour payer les frais d’hôpital à Mimi, Jean-Pierre Léaud — qui joue le bourgeois — dit : « Qui a peint cela ? Becker ? », et le peintre acquiesce. Jusqu’à maintenant, je n’ai trouvé personne qui savait qu’il s’agissait de la dernière image de Montparnasse 19 de Jacques Becker. Donc quand on cite, il faut le faire avec respect. J’ai volé l’image, mais j’ai mentionné à l’intérieur de l’image qu’elle provient de Becker. À ma grande déception, personne ne l’a remarqué. Plus globalement, le cinéma est intéressant parce qu’il est fondé sur une certaine illusion, sur des archétypes, qui sont sans cesse repris, volés. Comme en littérature, tout est fondé sur quelques histoires. Les gens vont au cinéma pour voir ces histoires et ils veulent en connaître les variations.

Vous êtes actuellement l’invité du Festival « La Comédie du travail ». De vos premiers courts-métrages aux « Lumières du Faubourg » (2008), vos films sont centrés autour du travail et des conséquences liées à celui-ci. Pensez-vous que vos films soient « politiques » ?

Vous pouvez faire des films politiques mais c’est ennuyeux. L’idée même de faire un film politique est vouée à l’échec. Les gens vont voir des films pour sortir de la réalité. Il ne veulent pas la rencontrer au cinéma. Dans mes films, il n’y a pas de messages politiques, tout du moins, j’espère qu’il n’y en a pas. Sauf peut-être celui-ci : « Tuez le Capital ! ». C’est sans espoir.

Propos recueillis par Mathieu Lericq

Benoît Forgeard : « J’ai toujours une curiosité pour des choses qui viendraient de mon inconscient, que je vais mettre en avant, quelques fois avec inquiétude »

Chaque nouveau court métrage de Benoit Forgeard donne lieu à de légers voire violents spasmes abdominaux selon les spectateurs. Impossible semble-t-il de rester de marbre face aux propositions de l’animal et à son humour catégorie indéfinissable. Après les brillants « La course nue » (2005) et « Belle île en mer » (2007), le revoilà en forme olympique avec « Respect » et « Coloscopia », le dernier étant en compétition à Clermont. Le film relate l’histoire de Jackie, playmate à succès contrainte de subir une colostomie, opération qui fera d’elle Coloscopia, la playmate à la poche, fantasme ultime de nouveaux lecteurs. L’occasion de rencontrer l’auteur chez lui entre masque d’escrime, peinture de berger allemand et navette spatiale.

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Même venant de votre part, on ne s’attendait pas à un tel sujet. D’où vient l’idée de départ ?

Je n’en sais rien moi même. J’essaye d’avoir une démarche qui me vient de la période où j’étais étudiant aux Beaux Arts. Plutôt que de traiter un thème, j’ai toujours une curiosité pour des choses qui viendraient de mon inconscient et que je vais mettre en avant, quelques fois avec inquiétude, comme c’est le cas avec cette histoire de colostomie. Il m’arrive quasi quotidiennement de faire un exercice de pitching où j’écris des pitchs de trois phrases en essayant de ne pas me censurer, en écrivant n’importe quoi, des choses qui m’amusent quand même. L’histoire de Coloscopia était l’un de ces pitchs. Ca me paraissait complètement abominable. Quand je suis retombé sur ce pitch de playmate à poche ça m’a fait rire mais ça m’a surtout touché. Esthétiquement aussi, le sujet était assez riche dans sa simplicité, un trou dans un corps. Le film parle aussi de désir et de morale.

Dans le film, les lecteurs du magazine développent un fétiche pour la colostomie. Aviez-vous envisagé d’autres fétichismes ?

A priori, je ne sais pas s’il existe. Je ne sais pas si les gens sont fans de … ce genre de choses. On ne peut pas dire que j’ai trouvé beaucoup de choses sur internet. C’est un fétichisme un peu extraordinaire et extravagant et qui contient une part grotesque – dans ce que ça a de tragique d’avoir une colostomie. Cette poche est la dimension grotesque et la farce de la colostomie, et ça m’intéressait.

Quand vous avez présenté l’idée à votre producteur (Emmanuel Chaumet, Ecce films), s’est-il montré réticent ?

A ma grande surprise non. Je me disais que je faisais un truc où je n’en faisais qu’à ma tête et que je serais surpris d’être suivi. D’ailleurs tout au long de la production ça a été simple. C’est aussi pour cette raison que je pense que cette histoire de colostomie doit raconter quelque chose aux gens, les toucher inconsciemment. Je n’ai d’ailleurs toujours pas mis le doigt dessus, c’est le cas de le dire.

L’esthétique du film fait autant appel aux films érotiques des années 70 qu’aux plus récentes télénovelas. Comment sont nés les choix visuels ?

Mon idée de départ était de raconter – à travers l’itinéraire de Jackie qui vient d’une revue érotique classe – l’évolution de l’érotisme aujourd’hui. Quand on regarde les revues ou les films pornographiques, l’érotisme a changé de nature. C’est un peu l’équivalent en sport de ce que pouvait être la gymnastique dans les années 70. Aujourd’hui c’est quelque chose qui est plus dans la force, dans la crudité. Je voulais deux univers dans le film, un univers assez passéiste très doux qui rappelle le magazine Playboy et l’univers de Coco Lapin (nom du magazine dans le film) avec une lumière plus forte, plus blanche et une ambiance plus vidéo, plus rude.

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En cela le personnage de la mère, joué par Christine Boisson, est intéressant. Il est empreint d’une certaine nostalgie liée à son passé. Sa fille lui échappe et ce qu’elle a connu, cette dynastie de playmates, n’est plus.

La mère de Jackie est en effet dépassée par l’érotisme de sa fille et ce nouveau concept qui consiste à prendre des libertés assez folles avec la morale et avec son propre corps. Elle devient tout à coup la voix de la raison alors qu’elle-même était censée incarner la débauche. L’anecdote veut que Christine Boisson a elle-même un passé de playmate.

Votre rythme de travail est assez élevé, est ce un avantage ou un handicap notamment par rapport à la vie des films ?

« Respect » et « Coloscopia » inaugurent un nouveau cycle. « La course nue », « Belle île en mer » et « L’antivirus » étaient des œuvres rassemblées (récemment présentées ensemble dans un même film à sketches), « Respect » et « Coloscopia », je les ai faites dans une volonté d’aller vite par rapport à des choses inconscientes. Comme je suis dans l’optique du long métrage, je ne souhaite pas passer trop de temps sur les courts. Par expérience, les choses peuvent gagner à être cuisinées très rapidement, jusqu’à un certain point bien sûr.

Pouvez-vous nous parler de l’incroyable Darius, votre acteur fétiche, qu’on ne voit d’ailleurs que chez vous ?

Darius, j’ai toujours un rôle pour lui. Il sera dans le long aussi. Au moment de l’écriture, c’est un des seuls pour qui j’écris spécifiquement. J’entends sa voix et ça apporte quelque chose. C’est quelqu’un qui a une forme de grâce et un rythme qui convient à mon univers.

Propos recueillis par Amaury Augé

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« Coloscopia » est projeté au festival de Clermont-Ferrand dans le cadre du programme F6

C comme Coloscopia

Fiche technique

Synopsis : La sublime Jackie Larose, reine du charme et de l’érotisme, subit une opération de l’intestin qui la laisse avec un anus artificiel. Un trou muni d’une poche. A son retour, plutôt que de faire une croix sur son métier, elle affirme son intention de poser nue pour le magazine Coco Lapin. Oh Jackie !… Où nous entraînes-tu ? Dans quel précipice ? Et quelle est cette fièvre dont tu es le premier frisson ?

Genre : Fiction

Durée : 13’

Pays : France

Année : 2010

Réalisation : Benoit Forgeard

Scénario : Benoit Forgeard

Image : Hervé Lodé

Son : Jean-Baptiste Haehl

Musique : Emiliano Turi , Bettina Kee

Montage : Nicolas Boucher

Interprétation : Caroline Deruas , Darius , Nora Hamzawi , Guillaume Saurrel , Christine Boisson , Francis Van Litsenborgh , Emmanuel Lautréamont

Production : Ecce Films

Article associé : l’interview de Benoit Forgeard

« Cheveu », Prix du meilleur court métrage français 2011

Le Syndicat Français de la Critique de Cinéma et des Films de Télévision a décerné ses prix annuels. Parmi eux, le Prix du meilleur court métrage français a été attribué à « Cheveu »  de Julien Hallard. Pour information, ce prix est décerné depuis 1973 et c’est la Commission du court métrage de la Semaine de la Critique qui propose une sélection de films à l’ensemble des membres du Syndicat.

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D comme Le Dernier Chaperon Rouge

Fiche technique

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Synopsis : Dans la forêt de Perlimpinpin, au milieu de la faune et des animaux, vit le dernier chaperon rouge. Mais il est l’objet de bien des convoitises.

Genre : Fiction

Durée : 26’

Pays : France

Année : 1996

Réalisation : Jan Kounen

Scénario : Jan Kounen, Carlo de Boutiny inspiré de Charles Perrault

Chorégraphie : Philippe Découflé

Image : Tetsuo Nagata

Son : Richard Shou

Musique : Brune Roman, François Roy, Jean-Jancques Hertz

Montage : Philippe Kotlarski

Interprétation : Emmanuelle Béart, Gérald Weingand, Diana Payne-Meyers, Marc Caro, Stéphane Chivot, Alexandra Gonin, Philippe Découflé

Production : La Petite Reine / Tawak Pictures

Article associé : la critique du film

Le Dernier Chaperon Rouge de Jan Kounen

Le 33° Festival du court métrage de Clermont ouvre cette année une programmation spéciale dédiée au thème du conte avec trois séances rétrospectives où figurent entre autres la  « Cendrillon » de Georges Méliès et l’indémodable « Petit Chaperon Rouge » de Tex Avery. Le conte de Charles Perrault est d’ailleurs particulièrement mis à l’honneur puisqu’il inspire pas moins de dix films sur les vingt-quatre projetés. Parmi eux, «Le Dernier Chaperon Rouge » de Jan Kounen, une super production de 26 minutes avec un générique digne d’un long.

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Le Petit Chaperon Rouge version Jan Kounen mêle avec subtilité la naïveté naturelle des contes pour enfants et l’univers fantastique des films d’épouvante. Si l’on retrouve les personnages principaux imaginés par Perrault, l’adaptation du scénario nous transporte dans un monde où des chaperons sortent d’une fusée nucléaire venue du centre de la terre pour tomber nez-à-nez avec un monstre mi-homme mi-machine interprété par l’inquiétant Marc Caro. Le personnage de Mère-Grand devient celui de la vieille femme aux jambes tordues, ancien petit chaperon mutilé qui court après ses rêves de jeunesse pour récupérer les jambes qui la faisait danser. Car le film de Jan Kounen est aussi une comédie musicale où dans une forêt magique, les animaux, les champignons et les minéraux chantent et dansent autour des chaperons dans des mouvements chorégraphiques particulièrement efficaces et parfaitement filmés.

Le dernier chaperon rouge, interprété par Emmanuelle Béart chante avec charme l’innocente vision de l’amour et de l’enfance, alimentant la convoitise de la vieille dame, mais aussi celle du loup. Interprété par un Gérald Weingand plus que convaincant, le loup dévoré de désir amoureux pour ce petit chaperon, est en proie à une lutte intérieure pour tenter en vain d’échapper à sa propre nature. Avec des costumes et des décors bluffants, des mouvements de caméra percutants, des effets spéciaux admirablement orchestrés, «Le Dernier Chaperon Rouge » nous fait pénétrer dans une atmosphère hallucinatoire, à la fois drôle et effrayante, revisitant dans une version pour adultes le conte de notre enfance.

Xavier Gourdet

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Jacques Kermabon. Point de vue critique & forme brève

En novembre, Jacques Kermabon, le souriant rédacteur en chef de Bref (plus de 20 ans au compteur. Respect) faisait partie du Jury officiel de Média 10-10 à Namur. En décembre, on décidait de le rencontrer pour revenir sur l’éditorial de Bref et sur les liens historiques de la revue avec l’Agence du court métrage. En janvier, on se remettait des fastes du Nouvel An, et en février, on profitait d’un focus rouge et dessiné pour sortir l’interview de cet habitué de Clermont-Ferrand.

Interview : Katia Bayer

Image, montage : Cyrille Vaillant

I comme Il Etait Une Fois l’Huile

Fiche technique

Synopsis : Dans le garage d’une maison tranquille, deux enfants fouillent les étagères et renversent par mégarde un bidon d’huile. Une goutte tombe à terre et se métamorphose en Goutix, la mascotte officielle des huiles Méroll, friture et moteur, emmenant les marmots faire un voyage merveilleux dans l’usine en question.

Genre : Animation

Durée : 14’40 »

Année : 2010

Pays : France

Réalisation: Vincent Paronnaud

Scénario : Vincent Paronnaud, Cizo, Frédéric Felder

Son : Denis Vautrin

Musique originale : Olivier Bernet

Voix : Raphaël Lamarque, Fily Keita

Production : Je Suis Bien Content

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Il Etait Une Fois l’Huile de Vincent Paronnaud

Après « Persepolis » et la parenthèse du zombie pastoral («Villemolle 81») et en attendant de futurs projets de longs, Winshluss alias Vincent Paronnaud revient au court métrage d’animation pour le meilleur, avec le film « Il Etait Une Fois l’Huile », produit par la société de production Je Suis Bien Content. Un court métrage qui avait déjà fait les beaux jours de la dernière édition de l’Etrange Festival et qui apporte une touche d’humour noir bienvenue à la sélection Labo de Clermont cette année.

Utilisant les dispositifs d’apprentissage ludique de programmes comme C’est Pas Sorcier ou Il Etait Une Fois La Vie, le récit suit deux enfants qui délivrent sans le vouloir le « génie » d’une bouteille d’huile, au fond d’une vieille remise. Mais ce n’est pas n’importe quel génie, puisqu’il s’agit de Goutix, la mascotte officielle des huiles Méroll. Goutte d’huile personnifiée affublée d’un costume improbable, Goutix va emmener ces enfants dans le monde « mervhuileux » des huiles Méroll pour expliquer leurs bienfaits sur, tour à tour, l’écologie, la santé et la société. Commence alors un périple déjanté dans l’univers de Winshluss (bien connu des lecteurs assidus des éditions de BD Les Requins Marteaux), où l’on nous raconte comment Edouard Michel Méroll a eu l’idée de recycler toutes les huiles usagées qui ne servaient plus, y ajouter un agent régénérateur (l’agent X903), et créer des huiles propres, promptes à servir toute la famille : les huiles Méroll.

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Fable satirique incisive et très drôle, le film nous parle de consumérisme décomplexé, de propagande publicitaire et de la politique du global corporating, tout en évitant les écueils propres à ce type d’engagements. Winshluss, aidé de près par Cizo et Frédéric Felder, sait rester pertinent à tout moment, grâce à un subtil équilibre entre un ton noir proche de Roland Topor et René Laloux (la fausse pub en images réelles, le monde fantasmé où l’huile a été interdite, le fameux « cycle de la vie » des huiles), et des fulgurances kitsch du meilleur effet (le petit-déjeuner Méroll, la chanson de fin « La Mérolla »). Bien animé, très inventif dans l’utilisation de plusieurs styles d’animation, « Il Etait Une Fois l’Huile » est peut-être l’une des oeuvres les plus abouties de son auteur.

En témoigne la conclusion post-générique, où nous assistons au départ de Goutix qui croit avoir convaincu les enfants des bienfaits des huiles Méroll ; ceux-ci, après son départ, lâchent cette phrase malheureuse : « il est gentil, mais il est un peu lourd. Et puis, t’as vu son pantalon, bonjour le ringard… ». Les enfants n’ingurgitent que de manière passagère le message « huilé » de Goutix, ils ont juste passé un bon moment et sont déjà à la recherche d’un nouveau  » génie » dans un autre bidon. Les auteurs renvoient à la face des « pro-Méroll » en tous genres leur propre vacuité et le côté éphémère de leurs produits dans le modèle sociétal qu’ils ont créé. Un modèle qui a transformé « nos propres chérubins » en consommateurs accros aux « dérivés du pétrole ».

Julien Savès

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Festival de Clermont-Ferrand 2011

3…2…1, c’est parti. Le Focus Clermont-Ferrand s’ouvre ce mardi 8 février, à 10h33. Retrouvez plusieurs fois par jour nos sujets en phase avec la programmation du festival, via les sections officielles (nationale, internationale, labo) et les programmes parallèles. Bonne lecture & bon festival à ceux qui le suivent.

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Compétition internationale

La critique de « Kawalek Lata » (Un bout d’été) de Marta Minorowicz (Pologne), Grand Prix international

La critique de « Yuri Lennon’s Landing on Alpha 46 » d’Anthony Vouardoux (Suisse), Prix des Médiathèques

L’interview de Banu Akseki, réalisatrice de « Thermes » (Belgique)

L’interview de Benoît Felici, réalisateur de « Unfinished Italy » (Italie, France)

Compétition Labo

La critique de « Big Bang Big Boom » de Blu (Italie), Prix du Public

La critique de « Love & Theft » d’Andreas Hykade (Allemagne)

La critique de « Storyteller » de Nicolas Provost (Belgique)

La critique de « Il Etait Une Fois l’Huile » de Vincent Paronnaud (France)

L’interview de Nicolas Provost, réalisateur de « Storyteller » (Belgique)

L’interview de Jonathan Caouette, réalisateur de « All Flowers in Time » (Etats-Unis), Mention spéciale du Jury Presse

L’interview d’Andrea Martignoni, compositeur de « Big Bang Big Boom » (Italie), Prix du Public

L’interview de Félix Dufour-Laperrière, réalisateur de « Strips » (Québec)

Compétition Nationale

La critique de « Splitting the Atom » d’Edouard Salier

La critique de « Hurlement du Poisson » de Sébastien Carfora, Prix ADAMI d’interprétation masculine

– La critique de « Terrains Glissants » de François Vogel

La critique de « Chair disparue » de Pascal Mieszala

La critique de « Coloscopia » de Benoît Forgeard

L’interview de Blandine Lenoir, réalisatrice de « Monsieur l’Abbé »

L’interview de François Vogel, réalisateur de « Terrains glissants »

L’interview de Benoît Forgeard, réalisateur de « Coloscopia »

Autres

Deux illustrations de Gwendoline Clossais sur les films en compétition

La critique du DVD « 10 ans de Labo »

L’interview de Marc Faye, réalisateur et arrière-petit-fils d’“O’Galop

La critique du DVD Blandine Lenoir : Etre femme

La critique de « Le Dernier Chaperon Rouge » de Jan Kounen

L’interview de Jacques Kermabon, rédacteur en chef de Bref

Festival de Clermont, le 33ème Palmarès

Clermont-Ferrand, le choix international

Clermont, les titres labo

Festival de Clermont-Ferrand, la compét’ nationale

Plus nos anciens sujets en lien avec le festival :

Compétition Internationale

La critique de « Los minutos, las horas » de Janaína Marques Ribeiro (Cuba), Prix Spécial du Jury International

La critique de « Les Journaux de Lipsett de Theodore Ushev » (Canada), Prix du Meilleur Film d’Animation

La critique d’ “Unfinished Italy” de Benoît Felici (Italie)

La critique de « Thermes de Banu Akseki (Belgique)

La critique de « Höstmannen » de Jonas Selberg Augustsén (Suède)

La critique de « Khouya » de Yanis Koussim (Algérie, France)

La critique de « Kwa Heri Mandima » de Robert-Jan Lacombe (Suisse)

La critique de « Nawéwé » d’Ivan Goldschmidt (Belgique)

Compétition Labo

La critique de « All Flowers in Time » de Jonathan Caouette (Canada, Québec, Etats-Unis), Mention spéciale du Jury Presse

La critique de « Stardust » de Nicolas Provost (Belgique)

Compétition Nationale

La critique de “La dame au chien” de Damien Manivel, Prix Spécial du Jury

La critique d’”Aglaée” de Rudi Rosenberg, Mention spéciale du Jury National et Prix ADAMI d’interprétation féminine

La critique de “Monsieur l’Abbé” de Blandine Lenoir

La critique de « Coucou-les-Nuages » de Vincent Cardona

La critique de « Petit Tailleur » de Louis Garrel

La critique de « Vasco » de Sébastien Laudenbach

L’interview de Damien Manivel

L’interview de Rudi Rosenberg

L’interview d’Amal Kateb, réalisatrice de « On ne mourra pas », lauréat du Prix France Télévisions

L’interview de Vincent Cardona

L’interview de Sébastien Laudenbach

P comme Le 1er mai à Saint-Nazaire

Fiche technique

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Synopsis : Pendant deux mois, les chantiers de l’Atlantique ont poursuivi une grève grâce au soutien sans faille des commerçants et paysans. Ce 1er mai, tous les syndicats appellent au rassemblement pour la victoire. Une production ORTF censurée, toujours inédite à la télévision.

Réalisation : Marcel Trillat, Hubert Knapp

Genre : Documentaire

Durée : 20’

Année : 1967

Pays : France

Image : Marcel Trillat, Hubert Knapp

Son : Marcel Trillat, Hubert Knapp

Montage : Marcel Trillat, Hubert Knapp

Production : ORTF

Article associé : la critique du film

S comme Le Sabotier du Val de Loire

Fiche technique

sabotier

Synopsis : Jacques Demy évoque ses souvenirs d’enfance à travers le quotidien du couple de sabotier qui l’a accueilli pendant la guerre.

Réalisation : Jacques Demy

Scénario : Jacques Demy

Genre : Documentaire

Durée : 29’

Année : 1955

Pays : France

Image : H. Georges Lendi

Son : Francis Rémoué, Jean-Claude Marchetti

Musique :  Elsa Barraine

Montage : Anne-Marie Cotret

Supervision : Georges Rouquier

Production : La Société Nelle Pathé-Cinéma

Article associé : la critique du film

M comme Misère au Borinage

Fiche technique

misere

Synopsis : « Le Borinage était l’exemple parfait de l’injustice capitaliste… […] Au cours de ces semaines passées dans le Borinage, nous avons vécu très près des mineurs… Le film que nous avions entrepris devenait de plus en plus leur film… Notre vision esthétique subit, elle aussi, le contrecoup de cette réalité… Chaque plan devait dire « j’accuse » et non « je compatis »… » (Joris Ivens ou la Mémoire d’un regard).

Réalisation : Joris Ivens, Henri Storck

Scénario : Joris Ivens, Henri Storck

Genre : Documentaire

Durée : 28’

Année : 1933

Pays : Belgique

Image : Joris Ivens, Henri Storck, François Rent

Montage : Joris Ivens, Henri Storck

Production : EPI, Club de l’écran

Article associé : la critique du film

Le travail, c’est la santé

Nombreux films, tout format confondus, traitent différemment du thème du travail aux 11èmes journées dionysiennes qui s’achèvent aujourd’hui à St-Denis. « Misère au Borinage » « Le Sabotier du Val de Loire » et « Le 1er mai à Saint-Nazaire » sont trois courts qui déclinent ce concept complexe et souvent aliénant situé au cœur de notre société.

Misère au Borinage de Joris Ivens et Henri Storck

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Si le cinéma wallon avait une origine, paradoxalement, il la trouverait sans doute dans ce film réalisé par un Flamand (Storck) et un Néerlandais (Ivens). Dans la lignée du documentaire social dont on fera la réputation bien après, le film de Joris Ivens et d’Henri Storck aborde la réalité ouvrière de front et, tel un pamphlet cinématographique contre le capitalisme montant, il dénonce la misère criante du Borinage en 1932.

Le contenu du film a des airs d’un « J’accuse » et la forme est aussi naturaliste que « Germinal », évoquant les conditions extrêmes dans lesquelles vivaient les mineurs de cette région sauvagement touchée par la crise économique. Des intertitres dénonciateurs et dirigés ne cachant pas leur couleur communiste appuient des images muettes (le film n’a été sonorisé qu’en 1963) laissant découvrir une misère sociale sans nom. Une misère qui sclérose un territoire où se construisent des terrils en guise de cathédrales, où l’ignorance et l’illettrisme font l’apanage d’une masse grouillante et purulente exploitée par une élite dominante. Ouvertement politique, ce documentaire militant a été tourné dans la clandestinité la plus complète et a subi le couperet de la censure avant d’être adulé dans le monde entier. De Paul Meyer, « Déjà s’envole la fleur maigre », à Simon Van Rompay, « Le chant de Geppino » en passant par Patric Jean, « Les Enfants du Borinage, lettre à Henri Storck », la région a inspiré bien des cinéastes qui, le temps d’un film, se font les porte-paroles d’un lieu unique qui reste encore à réinventer.

Le Sabotier du Val de Loire de Jacques Demy

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Loin de toute préoccupation politique, le premier court métrage de Jacques Demy montre déjà l’intérêt du cinéaste pour l’histoire individuelle, celle qui concerne le quotidien des petites gens. En bord de Loire, à La Chapelle Basse-Mer, un sabotier et sa femme (les mêmes qui ont accueilli Demy lors des bombardements de Nantes pendant la Seconde Guerre Mondiale) vivent de leur travail artisanal. Le film s’avère être aussi bien un documentaire sur la fabrication d’un sabot que le témoignage sur la vie d’un vieux couple en milieu rural dans les années 50. Fortement influencé par l’un des maîtres du genre, Georges Rouquier, Demy lui emprunte la narration et le commentaire en voix off qui oriente l’interprétation des images, ancrant ainsi le film dans une tradition plus littéraire et fictive que proprement documentaire. Toutefois, une dimension onirique et philosophique se dégage de ce petit récit par le biais d’une jolie réflexion sur le temps qui passe, et qui le rend universel.

Le 1er mai à Saint-Nazaire de Marcel Trillat et Hubert Knapp

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Jamais diffusé à la télévision, le reportage documentaire de Marcel Trillat et Hubert Knapp plonge sa caméra dans les profondeurs du mouvement de grève des ouvriers de Saint-Nazaire de 1967. Tout comme « Misère au Borinage », le film dénonce les conditions de vie d’hommes et de femmes travaillant sans relâche pour un salaire minimum au profit d’une minorité qui s’enrichit. A la différence du film belge, celui-ci réalisé à la fin des années 60 donne directement la parole aux ouvriers. On y sent la dimension solidaire et fraternelle qui a uni les grévistes pendant des mois comme on y perçoit aussi le soulagement d’avoir trouvé un accord avec le patronat. Si le film n’a pas bénéficié de diffusion télévisée, c’est parce que les journalistes, ayant été sommés de donner également, par souci d’équité, la parole aux patrons, ont refusé cette condition, rétorquant qu’ils n’en avaient vu aucun défiler dans les rues pendant le tournage. Dans « Le 1er mai à Saint-Nazaire », le représentant d’un syndicat résume la société capitaliste en une phrase cinglante et parfaite : « Produis, consomme et tais-toi ! « . Le plus effarant, c’est que malgré les plus de 40 ans qui nous sépare de ces évènements, cette phrase reste d’actualité, et les paroles de l’Internationale continuent de résonner comme le souvenir d’un passé résolument révolu.

Marie Bergeret

Consulter les fiches techniques de « Misère au Borinage », « Le Sabotier du Val de Loire » et « Le 1er mai à Saint-Nazaire »

« On ne mourra pas », lauréat du Prix France Télévisions

Pour la deuxième année le prix France Télévisions du court métrage a été remis, lors du 33ème festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, à Amal Kateb pour son film « On ne mourra pas », produit par Les Films au long-cours.

Cette édition 2011 présidée par Zabou Breitman, composée de huit membres : Macha Séry (Le Monde), Danièle Ohayon (France Info), Aude Dassonville (Le Parisien), Anne Cochard (CNC), Valérie Boyer (France2 Cinéma), Daniel Goudineau (France 3 Cinéma), Sophie Gigon (Pôle Fiction France télévisions), Frédéric Prallet-Dujols (Direction des Acquisitions) a décerné 3 mentions spéciales :

– Mention spéciale meilleure comédienne à Sophia Leboutte pour son interprétation dans le court métrage « Thermes » réalisé par Banu Akseki, produit par Frakas Productions, Anonyme Films et Premium Films.

– Mention spéciale meilleur comédien à Julien Bouanich pour son interprétation dans « Monsieur l’Abbé » réalisé par Blandine Lenoir, produit par Local Films.

– Mention spéciale à la réalisatrice Baya Kasmi pour son film « J’aurais pu être une pute », produit par Karé Productions.

Pour cette deuxième édition du prix du court métrage France télévisions, en association avec le journal Le Monde, a été créé Le Prix 2011 des internautes du Monde.fr qui a été décerné au film « Le Piano » réalisé par Lévon Minasian, produit par Boa Films.

Le Prix 2011 « On ne mourra pas » sera diffusé sur France 2 dans l’émission « Histoires Courtes » le dimanche 13 février 2011 en troisième partie de soirée. La réalisatrice Amal Kateb va bénéficier d’un pré achat automatique pour son prochain film ainsi que d’un prix numéraire de 5000 euros en récompense.

Luc Moullet : « C’est en tant que cinéaste que s’élabore mon travail critique, et non pas en tant que critique de cinéma »

Outre son travail de critique de cinéma, Luc Moullet est un cinéaste à part entière. Sa forte personnalité, son jeu sur les répétitions et ses formules truculentes trouvent un écho dans les sujets de société, comme le consumérisme, les conditions de travail et sa déshumanisation, que seule la comédie peut à la fois pointer et détourner. Clown amer, oscillant du burlesque au politique, Luc Moullet nous raconte, dans la seconde partie de notre entretien, comment il est devenu le « poil-à-gratter du cinéma français ».

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Format Court : Comment avez-vous abordé le tournage de votre premier film, Un steak trop cuit ? À l’époque des Cahiers, aviez-vous une expérience des plateaux ?

Luc Moullet : J’ai suivi des tournages un peu accidentellement. Je suis allé sur le tournage du Coup du berger (1956) de Rivette, ou des Espions (1957) de Clouzot, et puis j’ai interviewé des réalisateurs. Je me souviens, par exemple, d’une rencontre avec Richard Fleisher. Il était en train de tourner Crack in the Mirror (1960), dans les studios de Boulogne, avec Irina Demick, Orson Welles et Juliette Gréco, et m’a reçu en interview alors qu’on préparait le plan suivant, ce qui ne se produirait probablement pas de nos jours avec un réalisateur français. Je ne sais pas si ces rencontres m’ont beaucoup servi, mais je voyais un peu comment ça se passait. Ce sont les seuls contacts que j’ai eus avec la prise de vue.

Mon premier film a été un film simple à faire car je m’étais mis dans une bonne situation. Je n’étais pas dépaysé : il se tournait dans mon studio qui n’était pas un studio de prise de vue mais un studio d’appartement. J’étais donc chez moi, entouré de mes meubles et mon frère jouait dans le film. Je ne me suis pas retrouvé en face de figurants d’une super production. Par conséquent, c’était un passage assez aisé, et l’équipe technique était très petite.

La distribution du film a par contre été un petit peu difficile parce que le producteur, Georges de Beauregard, venait de produire Le petit soldat (1963) de Godard qui avait été interdit par la censure. Il est devenu paranoïaque. Comme les dialogues étaient assez grossiers, il était persuadé que le film ne passerait jamais la censure, ce qui m’a bien fait rigoler. Le film a passé à la censure mais il l’avait pris en grippe. Un steak trop cuit avait un côté roturier, moitié rabelaisien, moitié Audiberti ou Queneau. De Beauregard, c’était un noble et ça l’a choqué, alors il l’a un peu mis de côté. J’ai réussi quand même à le faire passer au Festival de Tour, mais c’était assez tendu.

En général, comment vivez-vous la sortie de vos films ? Ces derniers sont-ils bien accueillis ?

L.M. : Disons que j’ai une position incertaine, intermédiaire. En général, on me définit comme “le poil à gratter du cinéma français”. Cette différence peut jouer contre vous et puis, au-delà d’un certain stade, jouer en votre faveur parce que vos films se différencient des autres. Mais il y a un premier stade où on se différencie tellement des autres qu’on vous rejette. J’ai gardé une critique espagnole de Brigitte et Brigitte qui disait que c’était “le film le plus débile intellectuellement de toute l’histoire du cinéma”. Je l’ai utilisé pour la promotion du film parce que si vous avez six ou sept bonnes critiques, c’est amusant d’en mettre une comme ça.

J’ai rencontré beaucoup de réticences, j’ai eu pas mal d’adversaires. Mais de manière générale, la réception critique de mes films s’est améliorée avec le temps. Au bout de cinquante ans, les gens s’acclimatent à vous, vous considèrent avec un certain respect. D’ailleurs, j’ai eu des prix pour mes premiers films : Terre noire a reçu le prix du Groupe des Trente, et Brigitte et Brigitte a eu le Prix spécial du Jury du Jeune cinéma.

Quand on voit vos films, on repère une familiarité avec les films muets américains dans le rapport au corps, l’immobilité du visage et la répétition des gestes. Ce qui vous rapproche également de ces cinéastes burlesques, c’est le fait qu’ils utilisent leur propre corps de cinéaste pour élaborer leur comique. Pourquoi utilisez-vous votre propre corps à l’image ?

L.M. : Le cinéma burlesque est une référence pour moi, surtout le cinéma comique américain, d’ailleurs, récemment j’ai fait un article sur Easy street (1917) de Chaplin. En ce qui concerne le corps, il existe un principe selon lequel l’acteur comique ne doit pas rire. Moi-même, j’aime bien faire rire l’audience, celle-ci rit d’autant plus que je ne ris pas. Mais, si ma présence à l’écran est si récurrente, c’était pour des raisons matérielles à la base. Il n’y avait pas de figurants, je pouvais donc jouer quatre ou cinq rôles en étant déguisé. C’était plus économique comme système et ça m’évitait de m’égosiller pour donner des consignes, vu que je ne me parle pas à moi-même, et en même temps, c’était plus facile parce que je n’ai pas de problème de carrière. J’ai rencontré des comédiens qui calculaient les films par rapport aux suivants ou qui comptaient le nombre de répliques. Moi, quand je joue, je n’ai pas peur de prendre des risques.

Quelle est la nature de votre relation avec les acteurs sur le plateau ?

Quand j’ai tourné avec Jean-Pierre Léaud, je lui ai laissé une très grande marge de manœuvre. Ca m’intéressait de voir ce qu’il pouvait donner de lui-même. Souvent quand on fait un film, on parle de la « direction d’acteurs », mais souvent on choisit un acteur, on écrit le scénario pour lui, et ça roule. On ne travaille pas tellement avec lui, on le freine simplement, on voit le mouvement de son jeu à travers le film. Mais, en fait, il y a quatre acteurs qu’on ne dirige pas et un qu’on dirige parce qu’il est mauvais et qu’il a des problèmes. Donc la direction d’acteurs est une forme de rattrapage pour les acteurs qui sont susceptibles d’être un peu défaillants par rapport aux autres.

Dans vos films, les dérives de la société de consommation sont souvent traitées avec humour. Peut-on critiquer en faisant rire ?

L.M. : Je me suis fondé sur l’œuvre de Chaplin, qui a fait des films comiques sur des sujets très dramatiques. Dans Un roi à New York (1957), il traite de la chasse aux sorcières, dans Monsieur Verdoux (1947), d’un tueur en série, dans Le dictateur (1940) et Les Temps Modernes (1936), il fait la critique du taylorisme, dans La ruée vers l’or (1925), il relate une période où des centaines d’hommes sont morts de froid dans le but de trouver de l’or, et il y en a encore beaucoup d’autres comme ça. C’était un principe de base, faire rire avec des choses dramatiques, mais, pour moi, c’est une sorte de défi.

Vous avez toujours eu ce regard très proche du présent et vous continuez à l’avoir. Comment vos films naissent-ils ?

L.M. : J’observe la réalité et je note les choses drôles ou curieuses dans ma tête. J’ai toujours un petit stock d’idées en réserve. Par exemple, j’avais un projet qui s’appelait L’Art du trou, c’était un film sur le trou dans le pantalon, je voulais en faire l’historique, mais ça ne s’est pas fait. C’est en tant que cinéaste que s’élabore mon travail critique, et non pas en tant que critique de cinéma. En tant que critique, je suis essentiellement un laudateur. La critique peut fonctionner avec des mots, mais le mot est toujours plus discutable que l’image. L’image, elle, tord un peu la réalité mais peut frapper visuellement. Un distributeur automatique de baguettes de pain, c’est plus visuel à l’image qu’à l’écrit, n’est-ce pas ? Et bien, voilà, c’est ce que je filme !

Propos recueillis par Katia Bayer et Mathieu Lericq

Articles associés : la première partie de notre entretien avec Luc Moullet, Luc Moullet : le short lui va si bien

M comme The Music of Regret

Fiche technique

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extrait du film et bande annonce du DVD

Synopsis : Une comédie musicale qui assume totalement les codes du genre et revendique sa fantaisie et sa gaieté. Laurie Simmons s’est entourée pour l’occasion de musiciens, de marionnettistes professionnels, de danseurs de la compagnie Alvin Ailey, du cinéaste Ed Lachman et surtout de la comédienne Meryl Streep.

Genre : Fiction

Durée : 40′

Année : 2006

Pays : Etats-Unis

Réalisation : Laurie Simmons

Scénario : Laurie Simmons, Matthew Weinstein

Image : Edward Lachman

Musique : Michael Rohatyn

Montage : Laura Israel

Interprétation : Meryl Streep, Adam Guettel

Production : Double Wide Media, Performa, Salon 94

Article associé : la critique du film

F comme Forst

Fiche technique

Synopsis : Déroulant les atours de la fiction, Connaissance du monde propose un voyage cinématographique onirique et précis entre couleurs et noir et blanc, solitude et nécessité de la rencontre, l’ici et l’ailleurs. Une mise à jour du monde par ses fonds lumineux et sombre.

Genre : Documentaire

Durée : 50′

Année : 2005

Pays : Autriche

Réalisation : Ascan Breuer, Ursula Hansbrauer, Wolfgang Konrad

Scénario : Philippe Fernandez

Production : Karé production

Article associé : la critique du film