Hurlement d’un Poisson de Sébastien Carfora

Ce film était en 2010 au programme de nombreux festivals en France et à l’étranger, au passage, il y a séduit quelques jurys, notamment pour l’interprétation offerte par Florent Cheippe du personnage de Julien. En ce début d’année 2011, ce petit chef d’œuvre est en compétition nationale à Clermont-Ferrand.

« Hurlement d’un Poisson » est le premier film de Sébastien Carfora. C’est l’histoire de Julien, un jeune poète qui débute sa vie active dans un centre de sondage téléphonique. Le film a été projeté en octobre dernier au festival Paris Court Devant et a remporté le Prix du Public. Le film avait de quoi séduire les cinéphiles de la salle parisienne qui accueillait le festival, Le Cinéma des Cinéastes. Les spectateurs, étant eux-mêmes de potentiels poètes, ont retrouvé dans ce film le métro et la froideur de ses usagers, refermés sur eux-mêmes, dans leur bulle, la tête prise entre leurs écouteurs, possédant chacun leur univers propre.

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Julien regarde les visages de ceux qui, comme lui, attendent sur le quai de métro. Il perçoit alors les larmes qui coulent sous les masques durs et froids de ses semblables. Persuadé que tout le monde est capable de sensibilité, il se met à l’œuvre. Pendant ses heures de travail alimentaire, entre deux questions sur la satisfaction ou la non-satisfaction de ses interlocuteurs téléphoniques, il insère un passage de l’un de ses ouvrages littéraires préférés, éveillant ainsi les émotions qui sommeillent, cachées au fond des âmes. Dans un monde de profit, où les interlocuteurs sont des clients, satisfaits ou insatisfaits, Julien parviendra-t-il à faire entendre son cri au travers du bocal de ses voisins ?

Même si l’ensemble reste sobre, le réalisateur fait preuve d’efficacité dans le traitement de son sujet en n’hésitant pas à grossir volontairement le trait. Grâce à la richesse de la mise en scène et à une direction d’acteur en tout point impeccable, les personnages, à l’exception de Julien, ou presque, semblent tous sortis d’un moule, formatés pour ne laisser paraître aucune humanité. Le résultat relève parfois davantage de l’hyperbole que du réalisme – le propos du film n’en est que mieux perçu – pourtant c’est bien notre monde qu’avec justesse et lucidité Sébastien Carfora dépeint.

Rémy Weber

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« Hurlement d’un Poisson » de Sébastien Carfora est programmé au Festival de Clermont-Ferrand dans le cadre du programme F10

C comme Cuisine

Fiche technique

Synopsis : Quel rapport y a-t-il entre une banane et votre champ de vision ? Comment une boîte de camembert peut-elle modifier votre perception du réel ?

Genre : Expérimental

Pays : France

Année : 2007

Durée : 04’10 »

Réalisation, scénario, image, montage, son, musique, animation, interprétation : François Vogel

Production : Paranoid Projects

Article associé : l’interview de François Vogel

François Vogel : « Tout petit, je regardais le reflet sur la robinetterie. J’ai toujours trouvé fascinant de voir les images qui se déforment »

François Vogel a réalisé une vingtaine de films expérimentaux. Manipulateur d’images qu’il aime tordre et déformer, François Vogel joue avec la perception visuelle dans des univers poétique toujours surprenants. Son dernier film « Terrains Glissants » est en compétition dans la sélection nationale du 33ème Festival du court métrage de Clermont-Ferrand.

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© XG

Pourquoi avez-vous choisi de traiter votre film, « Terrains Glissants », sous la forme d’un road-movie ?

Je travaille dans la publicité, ce qui m’amène à beaucoup voyager. Pendant quatre ans, j’ai emmené avec moi mon propre matériel de tournage et j’ai filmé, au hasard des lieux, des petites scènes avec cette idée de les réunir dans un film sans être certain de la forme que ça allait prendre. Je travaille de façon spontanée, les idées de tournage me viennent sur les lieux où je me trouve. Je me promène, je cogite, et l’inspiration me vient.

Comment se fait-il que vous travaillez quasiment tout seul ?

Le côté artistique pur et dur fait que dans mon travail, je fonctionne plus comme un artisan que comme un chef d’équipe, par opposition au cinéma qui réunit des équipes nombreuses. Là, c’est une autre dynamique, c’est plus spontanée. J’ai une idée, je filme là où je suis, je n’ai pas besoin d’ajouter de la lumière. Il y a un côté brut, et un côté retravaillé puisque les images subissent beaucoup de travail en post-production.

Vous vous mettez également souvent en scène. Pour quelle raison ?

C’est plus simple de me filmer moi-même, car je n’aurais pas pu demander à un acteur de me suivre pendant quatre ans pour faire mon dernier film. C’est d’ailleurs pour cela qu’avec mon monteur François Colou, nous avons trouvé plus drôle et plus logique que ce soit moi qui m’occupe également de la voix.

Comment envisagez-vous vos scénarios en amont ?

Dans mes films, il n’y a pas l’idée classique du personnage qu’on suit, donc il n’y a pas de scénario à proprement parlé. J’aime bien faire une sorte de rapprochement avec la littérature car souvent dans le cinéma, on distingue le court métrage et le long métrage, comme on distingue la nouvelle et le roman en littérature. Dans cette distinction, on oublie souvent la poésie. Je suis plus dans le domaine de la poésie, avec une construction, des rythmes, des rimes, un début et une fin, mais pas forcément un personnage qui vit des aventures tout au long d’une histoire.

Dans « Terrains Glissants », votre fil conducteur tourne autour des questions écologiques…

L’idée de départ de « Terrains Glissants » vient d’un court métrage que j’ai fait précédemment. Il s’agissait de considérer les déchets comme des astres en les faisant graviter autour de la caméra comme si elle devenait le centre du monde. Ce film est devenu « Cuisine » mais il ne parle finalement plus du tout de cela. Avec « Terrains Glissants », j’ai repris cette idée d’astre et de gravitation.

Qu’est-ce qui vous intéresse dans la perception visuelle ? Comment l’intégrez-vous dans vos films ?

J’ai toujours été intéressé par la manière dont l’espace est perçu dans l’oeil et devient une image. Tout petit, je regardais le reflet sur la robinetterie. J’ai toujours trouvé fascinant de voir les images qui se déforment. Je m’intéresse beaucoup au rapport à l’image, à une représentation presque mathématique du monde.

Quelle a été votre technique de prise de vue sur le film ?

« Terrains Glissants » à été fait avec un appareil photo qui photographie le reflet de l’espace sur des boules chromées tel que des boules de noël, des ampoules chromées ou des miroirs de surveillance. Ces images déformées donnent une vision panoramique de presque 360°.

Pour la scène de la chambre d’hôtel à New York, j’ai fixé un miroir de surveillance dans un coin de la chambre, puis j’ai photographié en time-lapse, à l’aide de l’intervallomètre. J’ai fait des séquences de prise de vue toutes les dix secondes en réglant l’appareil sur trois expositions différentes, ensuite j’ai laissé tourner pendant 48 heures. Après le tournage, j’ai projeté ces images dans l’espace virtuel de l’ordinateur et je les ai filmés une seconde fois avec une espèce de caméra virtuelle que je modélise en 3D. Quand j’étais plus jeune, je faisais des sténopés. Je fabriquais des appareils photo en expérimentant sur le négatif, en le tordant, en le froissant, en le pliant. Maintenant, je bricole toujours l’appareil photo, mais dans l’ordinateur.

Comment avez-vous abordé l’aspect sonore du film ?

La bande son n’est pas venue tout de suite. J’avais l’idée de cette ambiance métronomique, et au début, je voulais créer comme un orchestre de voix qui se répondaient en mesurant les unité de temps, d’objets, ou de lieux. Finalement, on n’a conservé que trois voix. Pour la musique, je travaille souvent avec Alain Cure qui a fait la musique de « Stretching », des « Trois petits chats » et « Des crabes ». Pour « Terrains Glissants », nous avons essayé de travailler ensemble mais nous n’avions pas la même vision du film au niveau de la bande son. J’ai finalement utilisé une musique existante de John Cage, et j’ai fait moi-même les autres parties.

Quels sont vos projets actuels ?

J’ai encore pas mal de projets de courts métrages, mais je n’ai pas encore pu les travailler. Le temps me manque.

Propos recueillis par Xavier Gourdet

Article associé : la critique du film

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H comme un Hurlement d’un poisson

Fiche technique

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Synopsis : Julien est poète. Il affronte aujourd’hui sa première journée de travail dans un centre de sondages téléphoniques.

Genre : Fiction

Durée : 19’48 »

Pays : France

Année : 2010

Réalisation : Sébastien Carfora

Scénario : Sébastien Carfora

Image : Sylvain Rodriguez

Son : Nicolas Berger, Mathieu Villien

Montage : Stefano Cravero

Décors : Sébastien Birchler

Interprétation : Chloé Berthier, Camille de Sablet, Florent Cheippe

Production : La Luna Productions

Article associé : la critique du film

S comme Storyteller

Fiche technique

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Synopsis : STORYTELLER puise dans le répertoire d’images de l’horizon urbain pour en recomposer les images en y introduisant un effet miroir, générant ainsi un paysage artificiel lissé qui évoque la science-fiction.

Genre : Expérimental

Pays : Belgique

Année : 2010

Durée : 8′

Réalisation : Nicolas Provost

Scénario :  Nicolas Provost

Directeur photographie : Nicolas Provost

Montage : Nicolas Provost

Animation : Nicolas Provost

Montage Son : Nicolas Provost

Production : Nicolas Provost

Articles associés : la critique du film, l’interview de Nicolas Provost

Storyteller de Nicolas Provost

Star belge du court métrage expérimental, Nicolas Provost a été très prolifique en 2010. Trois films réalisés (“Stardust”, “ Storyteller”, “Long Live The New Flesh”), autant d’objets difficiles à identifier, tous différents mais représentatifs d’un réalisateur qui questionne en permanence le cinéma.

Avec « Storyteller », Nicolas Provost revient à ses premières amours, l’emploi de l’effet miroir. Cette technique, plusieurs fois expérimentée par le réalisateur dans ses œuvres les plus courtes, est utilisée pour nourrir une proposition cinématographique simple : se saisir d’un sujet clairement identifié (ici Las Vegas), le déconstruire pour le transformer en un objet artistique autonome, extrait de son contexte naturel.

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Cliquer sur l’image pour voir le film dans son intégralité

Selon cette règle, le film s’articule autour de la ville lumière. L’espace urbain est ici contorsionné, découpé, recomposé. La ville foisonnante et artificielle devient, grâce à ce procédé, l’expression de la poésie de Nicolas Provost. Tout son talent de plasticien s’exprime dans ce court métrage. Il s’amuse avec les images qui deviennent des “matériaux à sculpter.” Les bâtiments monumentaux de Vegas deviennent alors les notes d’une partition visuelle. Ils s’agglomèrent, se fondent littéralement les uns dans les autres et donnent naissance à des formes hypnotiques.

Selon ses propres dires, Provost est parti d’une vision fantasmée de la ville et a travaillé les prises de vues aériennes pour les modeler tels des bijoux. « Storyteller » est une belle composition poétique silencieuse dans laquelle Provost nous offre une fois encore une expérience sensorielle rare. Par la dissolution du lien entre image et son, le film développe une dimension méditative peu commune dans les salles. Le cinéma a toujours évité le silence, Provost ose le mettre au cœur d’une œuvre.

Fanny Barrot

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Article associé : l’interview de Nicolas Provost

Festival du Film Nikon à Clermont-Ferrand : Nikon nous fait du cinéma

Le Festival du Film Nikon profite d’une programmation inédite du 33ème Festival du court métrage de Clermont-Ferrand pour dévoiler aujourd’hui le Prix du Jury de son concours vidéo.

Fin 2010, Nikon ouvre un site internet où les vidéastes sont invités à créer et à mettre en ligne des films HD sur le thème de “Je suis un héros” dans la limite des 140 secondes. Un jury prestigieux composé de Jean-Baptiste Morain, Monsieur Lâm, Michel Abramowicz, Eric Wojcik, et présidé par François Ozon, clôt le concours en présentant les dix films finalistes lors d’une séance spéciale du Festival de Clermont-Ferrand. Le Prix du Public, lui, a déjà été décerné à “Je suis ton héroïne” de Pierre André Le Leuch.

Au total, plus de 300 films amateurs et semi-professionnels participent à cette compétion, témoignant que la créativité vidéo en France se porte bien, et que le positionnement de Nikon sur le marché des appareils photo/vidéo à grand capteur est judicieux. Pour inaugurer le dernier modèle de sa gamme, l’opération marketing est d’envergure mondiale, et un concours similaire est organisé aux Etats-Unis. Mais la version française retient l’attention, car en apportant une réponse technologique et stratégique aux offensives de la concurrence, la célèbre marque japonaise parvient également à associer son nom à celui du cinéma. L’objectif est clair, Nikon repositionne son image en insistant sur les performances vidéos de son dernier produit.

Finalement, c’est bien le dernier épisode d’une bataille technologique et commerciale qui se joue dans une des salles obscures du Festival de Clermont-Ferrand à l’occasion de ce programme spéciale, celle du passage obligé de l’argentique au numérique. Le public cinéphile, lui, pourra toujours choisir d’autres séances.

Xavier Gourdet

Le site du Festival : www.festivalnikon.fr

DVD Blandine Lenoir : Etre femme

Blandine Lenoir est à Clermont-Ferrand pour présenter « Monsieur l’Abbé » en compétition nationale. L’occasion pour nous de revenir sur sa filmographie éditée par la maison d’édition Come and See. Le DVD « Etre femme » présente cinq de ses films plus un bonus. Des portraits de femmes d’aujourd’hui.



Pas de pitié

Aux pays des petites filles, les poupées Betties, sont reines. Dans la classe, elles sont nombreuses à en posséder, elles forment un groupe uni et solidaire. Seulement, Layla, elle, n’est pas assez blonde, pas assez jolie, pas assez comme il faut pour en faire partie aux dires du chef de bande. On le sait, la vengeance est un plat qui se mange froid, celle de Layla sera glaciale et impitoyable. Adapté directement d’un roman de Thierry Lenain, Blandine Lenoir s’amuse à décortiquer le monde fantasmé de l’enfance avec humour et légèreté. Parce que la cinéaste fait partie de cette génération de femmes qui ressent le besoin inconscient de se libérer du carcan rigide et traditionnel dans lequel hommes et femmes sont gentiment confinés, avec « Pas de pitié », elle brise délibérément les rêves trompeurs façonnés de clichés et d’idées reçues.

Dans tes rêves

Quand une banale conversation de serveuses se transforme en un salon philosophique, « Dans tes rêves » aborde l’amour et son reflet, l’espoir d’un idéal et l’amertume des illusions perdues. Première collaboration avec Nanou Garcia à l’écriture et en comédienne exceptionnelle, le film ose se montrer original et touchant, hilarant et jouissif, moderne et réaliste, construit et spontané. Déjà l’on voit pointer l’intérêt de la réalisatrice pour les rapports humains qu’elle caricature avec saveur et intelligence.

Rosa

Si Simone de Beauvoir avait été cinéaste aujourd’hui, elle aurait assurément le doux visage de Blandine Lenoir. On ne naît pas mère, on le devient, ainsi pourrait se présenter le pitch de « Rosa ». Le conflit de la mère et de la femme dans une société qui exclut la maternité de l’épanouissement professionnel, mais surtout le quotidien concret d’une mère à la recherche d’une crèche pour son enfant, Blandine décide de l’aborder sur le ton de l’humour. Un humour de situations, approprié jamais excessif. Mais par dessous le manteau du rire, c’est bien une situation moins risible que dénonce la réalisatrice, celle qui touche la majorité des femmes qui désirent être mères.

Ma culotte

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Dans le cadre de la collection Canal +, « Ecrire pour Christine Boisson », le film de Blandine s’attache une fois encore à montrer la condition féminine dans la société contemporaine. Claire est une femme qui vit seule avec son adolescente de fille. Un soir, où elle boit un peu plus que de raison, elle ramène son amant du soir chez elle. Après tout, sa fille n’est pas là… En pleins ébats, elle sent soudain venir le blocage, celui d’une femme d’âge mûr qui n’ose plus montrer son corps de peur d’être jugée, celui d’une femme qui n’a plus fait l’amour depuis trois ans. Mais Blandine va encore plus loin car ce qui l’intéresse c’est bien de montrer l’ensemble, l’avant et l’après, le crépuscule de la sexualité féminine tout comme son éveil. Ce qu’elle fait avec beaucoup de délicatesse dans une scène d’intimité finale entre une mère et sa fille.

Pour de vrai

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C’est avec plaisir que l’on retrouve la grandissime Nanou Garcia dans une mise en scène des plus surprenantes. Le monologue d’une femme dont la fille est dans le coma habite les pièces de la maison qu’elle traverse, le regard vide de toute expression. Immédiatement, le spectateur a envie d’en savoir plus, il s’interroge et compatit. Mais croire en cela serait bien ignorer le goût de Blandine Lenoir à surprendre, à transformer le drame en comédie en un regard, en une hésitation, en une répétition. Nanou ne serait-elle donc qu’une comédienne qui répéterait son rôle ? Piégé, le spectateur accueille le changement de comportement de  cette mère qui passe des larmes aux rires avec autant de facilité. Pour la première fois, Lenoir déconstruit la narration cinématographique, posant par là une réflexion intelligente sur l’art de faire un film et de faire vivre les histoires que l’on raconte. Pour de vrai, la cinéaste a du génie.

Bonus : « Avec Marinette »

En plus d’un entretien écrit de la réalisatrice, le DVD propose également « Avec Marinette », le premier court métrage de Blandine Lenoir. D’une facture bien plus dramatique que les autres films, celui-ci demeure parfaitement maîtrisé dans son écriture, sa mise en scène et son interprétation d’acteurs. Dans une Bretagne armoricaine, désolée et sauvage, deux frères envisagent leur avenir différemment. L’un rêve de Paris tandis que l’autre se voit suivre les pas du paternel pêcheur en mer. Baigné dans une narration plus classique et moins rythmée, Blandine explore avec pudeur et réalisme les rapports d’une famille fragile.

Marie Bergeret

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Editions DVD Come and See : « Etre femme »

Article associé : l’interview de Blandine Lenoir

P comme Pas de pitié

Fiche technique

Synopsis : C’est la psychose à l’école : un « serial killer » s’attaque aux poupées B. au nez et à la barbe des enfants et des adultes impuissants. Justice sera faite !

Genre : Fiction

Année : 2001

Durée : 36’

Réalisation : Blandine Lenoir

Scénario : Blandine Lenoir

Image : Antoine Rabaté

Son : Jean-Luc Audy, Olivier Busson

Musique : Bertrand Belin

Montage : François Quiqueré , Francine Lemaitre

Interprétation : Barney Oldfield, Sylvain Duprey, Charlotte Brosseau, Bruno Salvador, Grace Pelletier, Nanou Garcia, Fabien Le Nechet, Adeline Canac, Louise Bonetti, Finnegan Oldfield, Laurence Côte

Production : Balthazar Productions

Articles associés : la critique du DVD « Etre femme », l’interview de Blandine Lenoir

D comme Dans tes rêves

Fiche technique

Synopsis : Trois serveuses à la pause déjeuner.

Genre : Fiction

Année : 2003

Durée : 16’

Réalisation : Blandine Lenoir

Scénario : Blandine Lenoir, Nanou Garcia

Image : Philippe Elusse

Son : Renaud Michel , Jean-Luc Audy , Olivier Busson

Musique : Bertrand Belin

Montage : Frédéric Noël

Interprétation : Frédéric Pierrot, Nanou Garcia, Lila Redouane, Blandine Lenoir

Production : Local Films

Articles associés : la critique du DVD « Etre femme », l’interview de Blandine Lenoir

R comme Rosa

Fiche technique

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Synopsis : « Ma Rosa chérie, c’est pas contre toi, mais tu vois bien : toutes les deux, on travaille pas beaucoup. Alors on va te trouver une dame formidable qui va s’occuper de toi. Ça va bien se passer… »

Genre : Fiction

Année : 2005

Durée : 23’

Réalisation : Blandine Lenoir

Scénario : Blandine Lenoir

Image : Mathias Raaflaub, Mathieu Szpiro

Son : Renaud Michel, Olivier Busson

Musique : Bertrand Belin

Montage : Stéphanie Araud, Frédéric Noël

Interprétation : Lila Redouane, Françoise Thuries, Katia Medici, Nanou Garcia, Blandine Lenoir, Isabelle Gomez, Virginie Lavallée Bélanger, Marie Payen, Frédéric Pierrot

Production : Local Films

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M comme Ma culotte

Fiche technique

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Synopsis : Claire a très envie de faire l’amour avec ce type qu’elle a ramené chez elle. Depuis le temps qu’elle attend ça, un homme… Comment fait-on déjà ?

Genre : Fiction

Année : 2006

Durée : 14’

Réalisation : Blandine Lenoir

Scénario : Nanou Garcia, Blandine Lenoir

Image : Pénélope Pourriat

Son : Dimitri Haulet

Musique : Bertrand Belin

Montage : Frédéric Noël

Interprétation : Anaïs Desmoutiers, Christine Boisson, Davy Apfel, Perkins Lyautey

Production : Local Films

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P comme Pour de vrai

Fiche technique

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Synopsis : Une femme, bouleversée à l’idée de perdre son enfant, erre chez elle, paralysée par son impuissance à sauver sa petite fille dans le coma. Il y a quand même un truc qui cloche dans tout ce désespoir…

Genre : Fiction

Année : 2007

Durée : 12’

Réalisation : Blandine Lenoir

Scénario : Nanou Garcia, Blandine Lenoir

Image : Alexis Kavyrchine

Son : Olivier Busson

Musique : Bertrand Belin

Montage : Frédéric Noël

Interprétation : Bertrand Belin, Anaïs Demoustier, Anita Lemasne, Nanou Garcia

Production : Local Films

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A comme Avec Marinette

Fiche technique

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Synopsis : En Bretagne, une journée dans la vie de deux frères. Franck et Jacky. Franck est soucieux, il doit prendre une décision.

Genre : Fiction

Année : 1999

Durée : 26’

Réalisation : Blandine Lenoir

Scénario : Blandine Lenoir

Image : Philippe Elusse

Son : Olivier Busson

Musique : Bertrand Belin

Montage : Stéphanie Araud

Interprétation : Cyril Roudaut, Patrice Verdeil, Grégory Roudaut, Muriel Mayette, Karen Oubraham

Production : Les Films de la Grande Ourse

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Benoît Felici : « Un être humain, c’est extrêmement compliqué, mais si on le prend avec sincérité, avec simplicité, ça le rend encore plus beau »

Parti d’Angers il y a quelques jours et arrivé à Clermont-Ferrand il y a peu, « Unfinished Italy » transporte un étonnant contenu : ruines, restes, jeunes vestiges, manque, vide, passé récent, peur(s). Le temps d’un film de fin d’études, son auteur, Benoît Felici, traverse la Sicile sauvage, s’arrête dans les cafés comme sur les ponts, dialogue avec le regard, enregistre les lieux sans histoires et les histoires sans lieux. Sa carte postale de l’Italie ne s’envoie pas, elle se voit, et puisque c’est d’authenticité dont il s’agit, notre entretien ne peut prendre ses aises que dans un lieu typique, au nom imprononçable et tendancieux.

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Qu’est-ce qui t’intéresse dans l’idée de filmer des gens, la vie ?

J’adore observer les gens, j’ai toujours fait ça. Depuis que je suis tout petit, j’aime bien regarder et imiter les gens. Ce qui m’a amené vers le documentaire, c’est le côté surréel de la réalité, le côté fascinant de certains personnages qui sont encore plus beaux et forts par le fait qu’ils sont naturels. Je trouve qu’il y a une véritable richesse chez certaines personnes que j’aime puiser, chercher, modeler, ça ne veut pas dire pour autant que je joue avec eux, que je les dirige. C’est une espèce de jeu qui a d’ailleurs beaucoup à voir avec la séduction, l’approche. En réalité, ce qui me plaît beaucoup dans le documentaire, c’est que le réalisateur se met beaucoup en scène. Moi-même, je joue un personnage quand je mets en scène un moment à filmer.

Tu n’es pas obligé de le faire.

Non, mais tu dois créer une tension, savoir approcher les gens pour obtenir une intensité dans le regard, un rythme, une cadence selon ce que tu recherches pour ton film. Le film, je l’ai écrit mais en fait,  il y a eu beaucoup de discussions, d’improvisation. Tu dois pouvoir te poser, voir une situation, improviser, parler deux secondes avec le cameraman pour savoir où on va placer la personne, faire en sorte de la mettre à l’aise et de la rendre la plus vraie possible pour que ce soit réel, sincère, émouvant, et dans certains cas, surréel.

Tu as sillonné la Sicile pendant plusieurs mois avec ton chef op, Bastian Esser. Comment lui as-tu expliqué ce que tu recherchais ?

Au début, c’était assez compliqué. Il ne comprenait pas forcément ce que je voulais, ce qui était absolument normal, moi-même, j’étais en recherche. On a des inspirations, des influences, des origines différentes. Il a dû s’adapter à moi parce qu’il aurait fait un film complètement social, il ne serait resté qu’à un seul endroit si je n’avais pas insisté. Au final, il a compris l’idée que je voulais donner au film. On a passé beaucoup de temps ensemble, il me connait. Un monteur danois, Niels Pagh Andersen, a dit qu’un bon monteur, c’était quelqu’un qui connaissait parfaitement son réalisateur, qui comprenait aisément ce qui se passait dans sa tête. Je pense que pour la caméra, c’est pareil.

Tu es français, d’origine italienne. Est-ce que tu as redoublé de vigilance pour éviter tout cliché sur l’Italie ?

Au bout de trois ans d’études en Italie, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de travailler avec des italiens. Ce qui m’a toujours marqué, c’est leur ouverture d’esprit, leur gentillesse, leur sympathie. Personnellement, à part mes origines, je pense que c’était un défi de ne pas me planter. Il ne fallait pas que je fasse une interprétation de l’Italie qui n’était pas juste et tolérante : je ne voulais pas d’une Italie critique ou caricaturale. On peut faire une carte postale de l’Italie d’aujourd’hui, mais on ne peut pas en faire une sur les gens.

La plus grande partie de mon travail a été d’observer la Sicile, d’essayer de comprendre les Siciliens, le fonctionnement de la mentalité, d’absorber leur rythme, leur vision des choses. Moi, je ne suis pas vraiment italien, je suis français, mais ma famille me pousse à aimer ce pays. Quand mon père m’achète une voiture, c’est une Fiat, pas une Renaud !

Pourquoi as-tu filmé les choses figées, les lieux un peu morts là-bas et pas ailleurs ?

Je pense que le phénomène est italien parce qu’il y a un système économique qui est tourné autour du ciment, du béton. En revanche, que ce soit l’Italie, ce n’est pas super important. Pourquoi construit-on une piscine olympique dans un village de 10.000 habitants ? Pourquoi bâtit-on un stade de polo – un jeu anglais – dans un village italien ? C’est la question de la surmodernité, d’un pays extrêmement pauvre qui découvre le progrès, qui connait un boom économique dans les années 60, qui se met à construire plus qu’il ne faut, comme une espèce de boulimie. Cette question et ces ruines-là ne sont pas spécifiques à l’Italie, mais à notre époque.

« L’amour existe » de Maurice Pialat m’a beaucoup inspiré pendant le tournage. Le film traite de la construction des tours de banlieue dans les années 60, la voix-off parle à un moment de « ces lieux dont le futur a déjà un passé et dont le présent a un éternel goût d’attente ». Quand j’ai entendu ça, je me suis dit que c’était exactement ce qu’étaient ces lieux.

Tu parles de lieux, mais tu parles beaucoup de toi, de tes manques en off. Pourquoi était-ce important pour toi de t’impliquer par la voix ?

La voix-off a plusieurs raisons d’être. A Zelig (école de documentaire à Bolzano), on nous force à nous impliquer personnellement, à sortir du reportage, de l’investigation. Au moment d’approcher les protagonistes, on est dans le dialogue, on donne du sien, on s’ouvre, on s’implique au maximum, on fait sentir à l’autre qu’on est comme lui. C’est une approche beaucoup plus psychologique, sincère, humaine. Et beaucoup plus simple. A l’école, j’ai entendu que les choses les plus difficiles à faire étaient les plus simples. Un être humain, c’est extrêmement compliqué, mais si on le prend avec sincérité, avec simplicité, ça le rend encore plus beau.

« Unfinished Italy » est ton film de fin d’études. Qu’est-ce que tu as le sentiment d’avoir appris à l’école ?

Zelig est une école hyper familiale. On est tous très proches, les professeurs nous connaissent, nous soutiennent. J’ai appris des choses sur moi, mon oeil s’est formé à certains films, mon point de vue sur le documentaire a changé, et les grandes questions que je me posais sont moins floues qu’avant. Ces questions touchent aux thèmes que j’ai pu travailler au sein de l’école, ceux que j’ai choisis pour faire mes films, et qui étaient en rapport avec le temps, le manque, l’abandon, le vide, les ruines et les restes.

Il y a un moment un peu étrange dans ce film, celui où le berger, seul à ses heures et à ses moutons perdus, vous demande si vous êtes des astronautes qui vont sur la lune. A partir du moment où on est pris à partie, où le sujet a suffisamment fait  abstraction de la caméra au point de poser des questions directes, est-ce qu’on se sent désemparé ou on se dit que c’est super pour le film ?

Dans ce genre de moment, je ne réponds pas, mais je suis un peu en transe. Cette phrase n’était pas prévue, il l’a sortie. Tout se passe dans le regard que moi, je lui tiens. C’est ça qui est génial : tu composes avec le protagoniste, tu te concentres sur ce qu’il te dit, tu soutiens son regard. Ce n’est que dans les yeux que ça se passe.

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Il n’y a pas un risque de manipulation en jouant ainsi sur le regard ?

Non, c’est là la différence entre le reportage et le documentaire. Il y a un montage, des heures de rushes. Je ne suis pas en train de chercher une info, je suis en train de faire un film. Ce que me raconte le berger, c’est une légende sauf que je le place dans un certain cadre et que je dialogue avec lui. Je ne pense pas que ce soit malhonnête. J’essaye de capter un peu l’aspect poétique d’un lieu, d’une situation, d’une personne. Dans mon école, la plupart des étudiants s’intéressaient au social, aux thèmes sociaux, actuels. « Unfinished Italy » est différent de leurs films.

C’est important d’avoir son style, de se singulariser dans le domaine du documentaire, au-delà du thème, du sujet ?

Plus il y a un auteur derrière un documentaire qui impose son style et son écriture avec son équipe, plus c’est du cinéma.

Dans ce cas, à quel moment sur ce film, as-tu commencé à te dire que tu faisais du cinéma ? Est-ce que ça a eu lieu au fil du voyage, des rencontres, des images ou après, en salle de montage ?

Là où tu te dis que tu fais vraiment du cinéma, c’est quand tu t’es imaginé des plans, des scènes et qu’elles se réalisent ou, mieux encore, qu’elles se réalisent toutes seules. L’un de mes professeurs a coutume de dire que les choses sont déjà là, et c’est vrai. Je ne sais pas pourquoi le berger a dit ça à ce moment-là, mais c’est formidable qu’il l’ait fait car finalement, c’est devenu extrêmement positif pour le film. Ce qui est fascinant dans le documentaire, c’est qu’un énorme problème peut devenir une chance incroyable. C’est pour ça d’ailleurs que je pense que le documentaire est vraiment du cinéma :  il y a une vraie création dans l’équipe, dans l’écriture et dans les événements.

Propos recueillis par Katia Bayer

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« Unfinished Italy » est programmé au Festival de Clermont-Ferrand dans le cadre du programme I13

C comme Chair disparue

Fiche technique


Synopsis : Alors qu’elle s’apprête à profiter de sa retraite en compagnie de Paul, son mari, dans leur petit pavillon de banlieue, Louise assiste plusieurs fois à un phénomène surnaturel : la disparition fugace du corps de Paul. Terrifiée, Louise perd progressivement pied.

Genre : Fiction

Durée : 18′14”

Année : 2010

Pays : France

Réalisation: Pascal Mieszala

Scénario : Pascal Mieszala

Image : Éric Weber

Montage : Emmanuel Jambu

Son : Mathieu Villien

Musique originale : Richard Escola

Interprétation : Denise Aron-Schröpfer, Jean-Yves Gaultier, Jean-Stéphan Richardeau

Production : Les Enragés

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Chair disparue de Pascal Mieszala

Louise, Paul, Louise et Paul, Louise sans Paul… Dans « Chair disparue », Pascal Mieszala poursuit son exploration chez les voyants. Déjà avec L’enfant borne, il abordait le thème d’un personnage qui voit ce que les autres ignorent ou dissimulent. Dans « Chair disparue », le réalisateur s’intéresse à un moment de bascule dans la vie d’un couple de personnes âgées.

Dans ce quasi huis clos, c’est Louise qui va perdre pied, c’est elle qui va, à l’approche d’un événement tragique, être extra-lucide. Elle sent que la disparition de Paul est proche et cette sensation se transforme en quelque chose d’inexplicable, d’intangible.

Le film n’entre pas dès le départ dans le surnaturel. Le réalisateur nous conduit délicatement vers un décalage où Louise passe du monde réel à un monde de solitude. Dans sa précédente réalisation, Pascal Mieszala avait pris le parti de filmer des personnages pétris d’étrangeté sans pour autant avoir recours aux effets de post production chers au genre fantastique. En opposition, dans « Chair disparue », il exprime l’extra-lucidité de Louise par un rendu en transparence de Paul. Certains trouveront le procédé un peu simpliste ou presque inutile. S’il est vrai que l’on peut regretter la narration plus en suspension de L’enfant borne (où le surnaturel était seulement suggéré) « Chair disparue » révèle un talent habile du réalisateur pour filmer les corps.

Par une mise en scène extrêmement proche des personnages, on assiste à la fuite du charnel entre Paul et Louise. Le couple s’efface au propre comme au figuré. Une seule séquence, sans doute la plus émouvante, redonne à ce couple une existence charnelle. Ils sont proches et se touchent, les peaux se retrouvant une dernière fois.

Dans ce film, le travail de Mieszala est minutieux. Il aborde avec délicatesse le thème de la disparition et réussit à exprimer la peine de ceux qui restent. L’emploi d’artifices cinématographiques utilisés (comme la transparence du corps de Paul) pour rendre visible au spectateur la perte du rapport au réel de Louise cloisonnent cette œuvre dans le genre fantastique, mais il s’agit avant et surtout d’un regard poétique sur le deuil.

Fanny Barrot

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Coloscopia de Benoît Forgeard

« Coloscopia » est le récit d’une success story toute particulière. Celle de Jackie La Rose, reine des playmates, devenue Coloscopia suite à une colostomie. Idole d’une nouvelle génération, elle devient la figure d’un nouvel eldorado de l’érotisme, le trash. Benoît Forgeard, son auteur, surprend, amuse et touche avec son dernier opus présenté en compétition à Clermont-Ferrand.

Ce matin, l’hiver est tombé sur le monde du charme et de l’indécence. C’est par ces mots endeuillés que commence Coloscopia petit bijou décalé et jouissif du toujours surprenant Benoît Forgeard.

Jackie La Rose, playmate star du magazine de charme Beauty, vient de subir une colostomie suite à un cancer fulgurant du gros colon et son docteur témoigne de l’opération sur le plateau télé d’une version illuminée de Thé ou café. Évoquer la pose d’un anus artificiel lors d’une émission matinale semble tout à fait naturel tout comme la retentissement du gong qui annonce , à la manière d’un film de Powell et Pressburger, le début de notre histoire épique.

Jackie (jouée par la sculpturale Caroline Deruas) décide d’assumer pleinement sa « poche » et de continuer à faire des photos de charme, affublée de son accessoire. Désormais rebaptisée « Coloscopia », elle devient rapidement le fantasme d’une nouvelle génération de lecteurs à la recherche d’un tout autre genre d’érotisme. Colo, pour les intimes, est bientôt courtisée pour apparaître dans des films hardcore au grand désarroi de sa mère (incarnée par la trop rare Christine Boisson), elle-même à la tête du magazine Beauty et garante de la tradition maison.

La force du film de Benoît Forgeard est d’insuffler de la mélancolie et de la douceur à un sujet pour le moins atypique. Le destin de Jackie, devenue Coloscopia, récit d’une success story à l’envers, est étrangement touchant. Au fond, Jackie tente non seulement de vaincre le handicap et les préjugés mais aussi tout simplement de rester désirable. Forgeard décrit aussi la fin d’un monde, celui d’un certain érotisme traditionnel et vieillissant face au besoin de plus en plus pressant du frontal et du cru vers le trash ultime.

L’humour n’est pourtant pas absent de ce court. On rit beaucoup notamment grâce à la présence toujours aussi jubilatoire de Darius (qui joue le docteur), comédien fétiche de Forgeard qui, par sa diction unique et son rythme, apporte beaucoup au film. La mise en scène semble autant se nourrir de films érotiques des seventies que de soap opera actuels dans une décomplexion bienvenue. En treize minutes seulement, Forgeard donne corps à des personnages hors normes sans tomber dans la caricature et étonne par la maitrise de son récit fantasmagorique.

Amaury Augé

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Article associé : l’interview de Benoît Forgeard

Y comme Yuri Lennon’s Landing on Alpha 46

Fiche technique

Synopsis : Juste après son atterrissage sur Alpha 46, une lune de Jupiter, le cosmonaute Yuri Lennon se retrouvera confronté à un paradoxe extraordinaire.

Genre : Fiction

Pays : Suisse, Allemagne

Durée : 14’30

Année : 2010

Réalisation : Anthony Vouardoux

Scénario : Daniel Young , Anthony Vouardoux

Image : Pascal Walder

Musique originale : Beat Soler

Interprétation : Marc Hosemann, Milton Welsh

Son : Ramon Orza

Production : Port au Prince Film

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Yuri Lennon’s Landing on Alpha 46 d’Anthony Vouardoux

Le dernier court métrage du Suisse Anthony Vouardoux, sorti de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL) et vivant à Berlin, se base sur le genre de la science-fiction mais est plutôt un essai ironique sur l’incommunicabilité et la soi-disant suprématie de l’Homme par rapport à son environnement.

Un astronaute symboliquement nommé Yuri Lennon part en mission vers Alpha 46, satellite fictif de Jupiter. Lorsqu’une intervention de Dan, son interlocuteur d’Houston et télé-pilote échoue, Yuri prend les choses « en main » et provoque l’atterrissage de la fusée lui-même. En arrivant à destination, il remplit sa mission en récupérant une perle rare qui se met à fusionner avec la Terre et se détache du firmament nébuleux. Il ne reste plus qu’à Yuri de choisir entre deux solutions : abandonner la Terre-perle sur Alpha 46 ou la ramener à elle-même.

Hormis le travail esthétique fort réussi et digne du genre duquel il s’inspire, Yuri Lennon aborde, en coulisse de son récit de science-fiction, l’échec de la communication, tant littéral que figuratif. La voix de Dan se transmet en bribes et en craquements à travers des années lumières, et ne montre aucune sympathie envers le protagoniste, lui refusant un dernier contrôle technique et dénigrant sa solitude et ses frustrations sexuelles. Yuri, de son côté, se moque d’Houston en lui faisant un doigt d’honneur et en chantonnant « I’m a poor lonesome Cowboy and I’m far away from home » en guise de provocation. Le travail de la caméra confirme ce décalage entre le personnage et le monde extérieur : dans le vaisseau, l’unique plan est celui du visage rapproché de Yuri qui laisse percevoir l’hors champs dans le reflet de son casque d’astronaute, montrant progressivement le décollage, le voyage dans l’espace et le gigantesque Jupiter.

La deuxième thématique abordée par Vouardoux est plus audacieuse, c’est celle de l’interférence néfaste de l’Homme par rapport au monde et en l’occurrence à l’Univers. Cette fiction intelligente revisite avec ironie mordante un genre usé qui trouve ici une expression inédite. « Yuri Lennon’s Landing on Alpha 46 » ou l’Apocalypse selon St-Anthony.

Adi Chesson

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