La 20è édition du festival Côté court aura lieu à Pantin du 15 au 25 juin prochain. Vous avez jusqu’au 25 février pour inscrire vos films pour les compétitions Fiction et Expérimental-Essai-Art vidéo via la plateforme www.le-court.com. Moins de 10 jours donc…
Archives annuelles : 2011
10 ans de Labo en DVD
La sélection Labo du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand a fêté ses 10 ans cette année, et s’est munie pour l’occasion d’un DVD édité par les éditions Potemkine et Agnès B., sorti officiellement dans le commerce depuis le 15 Février. Appuyé par un artwork classieux et un authoring minimaliste (musique de fond par Jens Thiele), ce DVD est un condensé de techniques innovantes, de propositions narratives et formelles parmi les plus intéressantes. Il regroupe 10 films (et un bonus caché, à voir absolument), sous la forme d’un florilège d’oeuvres diverses et variées parcourant dix années d’expériences et d’audaces.
On retrouve dans ce DVD quelques « poids lourds », comme Thorsten Fleisch avec son film « Energie! », condensé de photographies de structures électriques bizarroïdes (une courte explication très drôle de sa technique est présente sur le DVD) ; mais aussi Bif, poulain de l’écurie Autour de Minuit, avec le court délirant « Raymond », dans lequel un maître-nageur fatigué, souhaitant découvrir l’océan, fait appel à une équipe de scientifiques pour contrôler ses mouvements à distance ; et enfin, David Russo, artiste génial du stop-motion (qui a droit lui aussi à son module explicatif complémentaire), avec son court « I Am (Not) Van Gogh », dans lequel il met en parallèle images d’horloges, de bouches et de poissons peints prenant vie dans la réalité, et intentions exprimées devant les décideurs financiers d’un festival d’art décidément très sceptiques.
D’autres oeuvres complètent la galette, comme « Sea Change » de Joe King et Rosie Pedlow (plusieurs plans de mobile home et d’individus se promenant à divers moments de la journée, filmés en travelling latéral, se fondent entre eux par l’art du montage et créent une longue carte postale), « Wir Sind Dir Treu » de Michael Koch (immersion pendant un match de foot dans la tribune de supporters du FC Bâle, alors qu’une personne s’époumone à mettre de l’ambiance pour soutenir son équipe, le tout filmé en point de vue unique, sans jamais voir la partie se jouer), « Duck Children » de Sam Walker (pièce de théâtre jouée par des enfants habillés en canards qui dégénère à l’arrivée d’un chasseur adulte à la tête déformée s’en prenant aux canards-enfants avec un fusil, avant de retourner l’arme contre lui), « The Tale Of How » du Blackheart Gang (fable sud-africaine sous la forme d’une comédie musicale animée parlant de « piranhas » voulant s’échapper du joug d’Otto, une pieuvre malfaisante, et aidés en cela par une « souris » du nom d’Eddy), et « Délices » de Gérard Cairaschi (succession stroboscopique de deux images qui se fondent pour en donner une troisième en jouant sur la persistance rétinienne, à la fois dérangeante et fascinante).
Deux oeuvres retiennent tout particulièrement l’attention, il s’agit en premier lieu de « The Raftman’s Razor » de Keith Bearden, membre du jury cette année à Clermont, qui raconte l’obsession grandissante de deux adolescents vis-à-vis d’un comics dans lequel il ne se passe pas grand-chose. En effet, le comics met en scène un homme perdu au beau milieu de la mer dans un bateau pneumatique, il se rase pour passer le temps et faire bonne figure, et il lui vient une pensée philosophique différente à chaque fois qu’il entreprend ce geste. Un jour, n’apparaît dans le comics que le rasoir : le naufragé a disparu, les adolescents découvrent alors la vérité. Fable sur le passage à l’âge adulte, la perte de repères, ce court métrage de 7 minutes est d’une grande poésie, visuellement et thématiquement très abouti et très bien réalisé.
La deuxième oeuvre est « Lila », produit par Autour de Minuit et réalisé par le Broadcast Club, qui ressemble à s’y méprendre à un film de vacances avec sa succession de plans de vacanciers de tous âges et de tous horizons vaquant à leurs occupations dans un camping du Bassin d’Arcachon, près de la dune du Pyla. Et pourtant, voici un film d’une grande originalité, qui propose une vaste palette d’émotions, magnifié par la musique envoûtante du trio post-rock instrumental français, Limousine. Alors que les nouvelles à la radio ne sont pas toujours très réjouissantes, se succèdent à l’écran des portraits de gens souriants qui posent, magnifiés par la caméra. Ils ne se font pas de soucis, profitent du temps présent. Nous passons toute une journée avec eux, assistons au coucher de soleil dans un silence apaisant, puis nous nous rendons à une fête dans laquelle nous nous perdons. Pas de jugement, juste une galerie de portraits créant un bout d’humanité qui vit, malgré tout.
DVD 10 ans de Labo : co-édition Potemkine et Agnès B.
Nicolas Provost : « Quand on fait quelque chose de beau, cela ouvre le cœur du spectateur. Une fois que le cœur est ouvert, on peut y mettre de la poésie »
Très présent depuis ses débuts dans la compétition labo du festival de Clermont-Ferrand, Nicolas Provost fait l’objet d’une rétrospective dans l’édition 2011. Ses films qui explorent sans cesse les codes du cinéma transcendent les images animées en objets artistiques aussi esthétiques que méditatifs. L’artiste parle de son travail comme une recherche permanente de la beauté.
L’importante exposition de vos œuvres au festival de Clermont-Ferrand est-elle quelque chose de plaisant pour vous ? Les spectateurs viennent-ils vous interroger sur vos films ?
En fait, j’essaie d’être invisible en festival, ce sont les films qui comptent. Il faut que mes films fonctionnent du début à la fin. C’est-à-dire qu’une fois finis, il faut que je puisse les lâcher dans le monde comme s’ils ne m’appartenaient plus. Si je rencontre des gens, je vais parler avec eux mais je suis déjà un peu ailleurs, en train de réfléchir au prochain projet.
Sur l’ensemble des films montrés ici, il y en a deux qui font partie d’une trilogie, « Stardust » et « Plot Point ». Comment est née l’envie de travailler cette forme ?
L’idée de la trilogie est venue après avoir fait « Plot Point » à New York. Je voulais voir si je pouvais faire de la fiction en filmant des gens dans la rue et en jouant avec les codes du cinéma. Et puis, je trouve l’idée fascinante de pouvoir aujourd’hui, avec la révolution digitale, filmer comme on veut et de faire des petites productions qui ressemblent à des grosses productions. Tous mes films commencent très intuitivement, c’est une toute petite idée ou une image, et comme je suis seul, je peux aller les réaliser tout de suite et après je vois si ça marche ou non.
Comment s’est fait le choix des villes de la trilogie ?
J’ai choisi New York car c’est une ville qui est comme un studio de cinéma, où la lumière est bonne, où on trouve les bons personnages. Je pensais que Las Vegas pourrait en faire autant donc j’ai utilisé le même principe sauf que pour une partie du film j’ai fait un peu de mise en scène : j’ai introduit des vraies stars d’Hollywood.
En tant que spectateur, on se demande d’ailleurs si vous les avez filmées à leur insu ?
C’est une chose que je ne révèle pas. C’est important pour le film que l’on se pose cette question.
Qu’en est-il pour le film sur Tokyo (le dernier de la trilogie) qui n’a pas encore été présenté au public ?
Il sera prêt l’année prochaine pour une exposition de la trilogie chez Argos (le distributeur des films de Nicolas Provost, ndrl). J’ai déjà filmé une bonne partie. J’ai été encore plus loin. J’ai travaillé avec un vrai comédien qui joue le rôle d’un serial killer interagissant avec la réalité. Tout reste quand même en caméra cachée, la différence, c’est que je filme un vrai comédien.
Vous interrogez les différents genres cinématographiques dans cette trilogie…
Dans les trois, on est dans le thriller. Pour New York, je me rendais compte au montage que je devais faire une narration très classique « début-milieu-fin » avec quelques « plot points. A Las Vegas, c’est plutôt le « crime story » parce que c’est comme ça que l’on connaît cette ville. Dès le début du film j’ai dispersé plusieurs intrigues comme on le fait dans ce genre cinématographique (surveillance, blackmailing…). Ce sont des pistes parallèles qui se croisent de temps en temps mais qui ne sont pas fermées. Je préfère en général ne pas fermer les choses dans mes films et que le mystère reste irrésolu. J’aime que l’on aille vers une émotion d’extase. Je ne le fais pas exprès, mais après dix ans de travail, je me rends compte que dans tous mes films il y a un moment où j’essaie de rentrer à travers l’image comme si je voulais dévoiler le mystère de la réalité.
Dans votre rétrospective, il y a aussi le film « Long live the new flesh » qui propose une forme de déconstruction où les images se consument entre elles grâce à une technique digitale qui permet de travailler l’image filmée un peu comme une peinture. C’est un objet un peu à part dans votre filmographie ?
C’est un objet, c’est ça. Je vois mes films comme des sculptures, des objets. Mais je crois aussi que tous mes films sont différents, à part la trilogie. Mon travail revient par contre toujours à sculpter l’image, à faire naître de la magie. Je veux créer une courbe de tension qui dure le plus longtemps possible mais je ne sais jamais si ça va être une courbe d’une minute, d’une demi-heure…
Pour dire qu’un film est fini, il faut que cette courbe soit arrivée à sa fin ?
Peut être… J’ai pensé faire un long métrage et l’arrêter exactement, brutalement à 90 minutes. Si on a le sentiment qu’on est au milieu du film, qu’il manque une moitié, c’est mon idée, ma décision. Si je l’ai décidé, ce sera la fin.
Votre travail est toujours très esthétique…
J’ai besoin de faire des choses qui sont très esthétiques, de créer des choses qui ont une beauté parce que je me vois comme un poète. Quand on fait quelque chose de beau, cela ouvre le cœur du spectateur. Une fois que le cœur est ouvert, on peut y mettre de la poésie. J’ai toujours trouvé la beauté très inspirante. Ce n’est pas toujours le cas dans l’art contemporain.
Vous utilisez souvent dans votre filmographie l’effet miroir qui donne un rendu très esthétique avec un procédé finalement très simple…
Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, c’est du montage très classique, sauf avec «Long live the new flesh », sinon j’utilise un logiciel très simple pour l’effet miroir. J’ai toujours essayé de faire des bijoux. Je suis très conscient que lorsqu’on travaille en audiovisuel, il y a un public qu’il faut charmer. Je suis dans l’entertaining business. Je n’ai pas honte de le dire.
Comment envisagez-vous le rapport entre l’image et le son ? Comment arrive-t-on à l’absence de son comme dans « Storyteller » ?
Je ne trouve pas choquant du tout qu’il n’y ait pas de son dans un film. On a quand même eu le film muet avant. Le silence c’est du son aussi. Dans « Storyteller », ça devient de la méditation, dans « Suspension » aussi. Quand il y a du son, de la musique, c’est pour guider l’émotion. Dans « Papillon d’amour », j’ai profité de la musique pour mettre le plus d’émotion possible. C’est le film le plus émotionnel que j’ai fait. Je sculpte avec le son comme avec l’image.
Où en est votre projet de long métrage, « L’envahisseur » ?
Il va sortir à l’automne prochain. On a commencé le montage. C’est une histoire classique inspirée par mon genre préféré : le film de anti-héros. J’ai choisi cette histoire simple pour pouvoir justement y accrocher ma poésie.
Propos recueillis par Fanny Barrot
Articles associés : les critiques de « Plot Point », « Stardust » et « Storyteller »
La course des courts aux Oscars
Only 11 days Left ! Ainsi est-on accueilli sur le site des Oscars, la cérémonie annuelle des pleurs, des robes et des films. Et le court dans tout ça ? Il apparaît dans trois catégories distinctes : documentaire, fiction et animation.
Nominations 2011
Fiction
The Confession – Tanel Toom
The Crush – Michael Creagh
God of Love – Luke Matheny
Na Wewe – Ivan Goldschmidt
Wish 143 – Ian Barnes et Samantha Waite
Documentaire
Killing in the Name – Jed Rothstein
Poster Girl – Sara Nesson and Mitchell W. Block
Strangers No More – Karen Goodman et Kirk Simon
Sun Come Up – Jennifer Redfearn et Tim Metzger
The Warriors of Qiugang – Ruby Yang et Thomas Lennon
Animation
Day & Night- Teddy Newton
The Gruffalo – Jakob Schuh and Max Lang
The Lost Thing – Shaun Tan and Andrew Ruhemann
Let’s Pollute – Geefwee Boedoe
Festival de Rennes. Les courts mexicains sur le ring
Les courts métrages en ouverture de séance
– L’autre rêve américain (el otro sueño americano) – Enrique Arroyo, 2004, Mexique, 10′, Couleur, vostf
À la frontière nord-mexicaine, l’adolescente Sandra essaie de faire la traversée pour se rendre aux États-Unis en quête du rêve américain.
– Croque la mort (hasta los huesos) – René Castillo, 2001, Mexique, 10’, Couleur, vostf
Un homme enterré vivant arrive au royaume des morts. Il est entraîné dans une sarabande d’outre-tombe, et se rend compte que finalement son état présent n’est mauvaise chose. Un régal d’humour macabre.
– Carretera del norte – Rubén Rojo Aura, 2008, Mexique, 10’, Couleur, vostf
Une famille survit à la pauvreté en vendant des animaux aux automobilistes de passage, sur une route déserte au nord du Mexique.
– Ver Llover – Elisa Miller, 2006, Mexique, 14’, Couleur, vostf
Deux adolescents vivent dans un petit village mexicain. Sofia veut partir. Jonas doit décider entre partir ou rester. Palme d’or du court métrage, Cannes 2007.
– Courts métrages des frères Lumière : L’un des premiers grands voyages de Gabriel Veyre, opérateur de la société Lumière, le conduit au Mexique en 1896 où il installe son premier poste de projection. Défilé de jeunes filles, bal espagnol, le président Porfirio Díaz à Mexico, etc. Autant de scènes magiques des débuts du cinéma.
– Noche de bodas – Carlos Cuarón, 2000, Mexique, 4’, Couleur, vostf
On ne sait jamais comment va se finir une nuit de noces.
– La suerte de la fea…a la bonita no le importa – Fernando Eimbcke, 2002, Mexique, 10’, Couleur, vostf
Susie est obsédée par son poids. Elle fait appel à Marraine, la bonne fée, pour qu’elle exauce trois voeux. Susie souhaite devenir la plus belle
femme au monde.
– Entrevista con la tierra – Nicolás Pereda, 2008, Mexique, 23’, Couleur, vostf
Alors qu’ils marchaient dans les montagnes qui entourent leur village, deux enfants mexicains d’une dizaine d’années, ont assisté à la mort
brutale de leur ami, suite à une chute.
– Revolución Avant-première – Mariana Chenillo, Fernando Eimbcke, Amat Escalante, Gael Garcia Bernal, Rodrigo Garcia, Diego Luna, Gerardo Naranjo, Rodrigo Pla, Carlos Reygadas, Patricia Riggen, 2010, Mexique, 1h45, Couleur, vostf
Que reste-t-il de la Révolution mexicaine un siècle plus tard? Dix cinéastes mexicains emblématiques en livrent leur propre vision à travers dix courts métrages. Abrazo du meilleur long métrage au festival de Biarritz 2010.
Compétition de courts métrages mexicains
– Beyond the mexique bay Jean-Marc Rousseau Ruiz, 2008, Mexique / France, 16’, Couleur, vostf
Le désert mexicain comme prétexte à une rencontre improbable. Le voyage comme initiation à un rituel contemplatif
qui fait émerger la solitude et l’émotion de deux êtres malgré leur différence d’âge, de langue et de culture.
– Buen provecho Eduardo Canto, 2008, Mexique, 8’, Couleur, vostf
Un jeune homme impulsif et arrogant est contraint de partager son repas avec une jeune fille simple et humble.
– La mina de oro Jacques Bonnavent, 2010, Mexique, 11’, Couleur, vostf
À la cinquantaine, Betina vit l’amour grâce à Internet. Elle laisse derrière elle sa vie monotone en ville pour aller rejoindre son amant virtuel à l’autre bout du pays.
– Roma – Elisa Miller, 2008, Mexique, 28’, Couleur, vostf
Une jeune femme, en route vers le nord du Mexique, descend d’un train. Elle se réfugie dans une usine de savons afin d’échapper aux autorités et
se laver. Là, un vieil ouvrier lui offre son aide. Une rencontre discrète mais touchante.
– Jacinta – Karla Castaneda, 2008, Mexique, 9’, Couleur, vostf
Quand il ne reste plus que des souvenirs, dans un asile siégé par la solitude, une vieille dame décide de continuer à tisser son destin.
– Café paraíso Alonso Ruiz Palacios, 2008, Mexique, 10’, N & B, vostf
Deux immigrés mexicains travaillent en tant que cuisiniers au Café Paraíso. Tout en préparant une infinité de plats, le plus jeune imagine sa démission héroïque. Prix Ariel du meilleur court métrage en 2009.
– Martyris Luis Felipe Hernández, 2010, Mexique, 8’, Couleur, vostf
Dans un monde lugubre et décadent, un petit Saint prend soin des êtres qui souffrent d’instincts suicidaires.
– Las ovejas pueden pastar seguras Nestor Sampieri, 2009, Mexique, 11’, Couleur, vostf
Un jour dans la vie de Soledad, anciennement employée par le gouvernement mexicain et licenciée lors de la crise économique de 1995.
Courts de Mexico
– Corazon de perro Ismael Nava Alejos, 2010, Mexique, 10’, Couleur, vostf
– Si maneja de noche procure ir accompañado Isabel Munoz, 2010, Mexique, 11’, Couleur, vostf
– La Cancion de los niños muertos David Pablos, 2008, Mexique, 38’, Couleur, vostf
– Bajo tierra Eduardo Covarrubias, 2009, Mexique, 10’, Couleur, vostf
– La Curiosa Conquista del ampere Ramon Orozco, 2008, Mexique, 11’, Couleur, vostf
– Los ultimos pasajeros Ricardo Soto, 2010, Mexique, 20’, Couleur, vostf
Le site du festival : www.clairobscur.info
Marc Faye : « O’Galop est passé à la postérité grâce au Bibendum. Tout le monde connaît la créature mais personne ne sait qui se cache derrière »
Dans le cadre du programme « Collections », le 33ème Festival de Clermont-Ferrand a réservé une séance spéciale à Marius Rossillon dit O’Galop, pionnier du cinéma d’animation français et inventeur du Bibendum Michelin. La sortie d’un DVD, accompagnant cette projection, rend hommage à l’oeuvre de l’artiste. Il comporte un documentaire animé de 52 minutes réalisé par Marc Faye, arrière-petit-fils d’O’Galop, et 8 courts métrages d’animation réalisés entre 1910 et 1927, mettant en scène des fables de Lafontaine, des contes de Perrault, et des productions originales d’O’Galop, dont une dédiée au fameux Bibendum.
Vous êtes l’arrière-petit-fils d’O’Galop, ce DVD n’est-il pas d’abord un hommage familial ?
Mon arrière grand père était un touche-à-tout, un bricoleur de génie. Il est né en 1867 et est mort en 1946. Il a eu toute sa vie une activité protéiforme. Il se définissait lui-même comme un artistronome dessinémateur : un mélange d’artiste, d’astronome, de dessinateur et d’animateur. Caricaturiste, affichiste, créateur de jouets en bois, de plaques de verre pour la lanterne magique, il fait surtout partie des quatre premiers inventeur du cinéma d’animation. Il est évidemment aussi le créateur graphique du Bibendum Michelin. Le film « Sauvé par Bibendum » (1927) étant présenté à Clermont-Ferrand, c’est une formidable occasion pour moi de boucler la boucle avec mon arrière-grand-père qui aurait été très heureux de voir l’accueil du public ici.
D’après vous, pourquoi O’Galop est-il si peu connu du grand public ?
Les pionniers du cinéma d’animation sont tous mal connus. En France, c’est un classique d’avoir des inventeurs de génie qui se font piquer leurs idées aux Etats-Unis ou dans d’autres pays. O’Galop a participé à la phase artisanale du cinéma d’animation avec Emile Cohl, Lortac et l’inventeur de “La vache qui rit”, Benjamin Rabier. Leur technique a ensuite été reprise de façon industrielle aux Etats-Unis avec notamment les studios d’animation de Walt Disney. O’Galop, lui, est passé à la postérité grâce au Bibendum, sauf que tout le monde connaît la créature mais personne ne sait qui se cache derrière. En 1969, le Bibendum a reçu un hommage important qui a contribué à sa postérité. Le journaliste de l’ORTF qui commentait les images des premiers pas de l’homme sur la lune s’est écrié en regardant Armstrong : “On dirait un Bibendum”, ce qui témoigne du génie visuel et de l’aspect visionnaire d’O’Galop.
Comment s’est passé le travail de documentation pour la réalisation du DVD ?
Nous avons réuni toute l’iconographie d’O’Galop avec des images d’Epinal, des livres illustrés pour la jeunesse, des films d’animation sur plaques de verre qui avaient été créés pour des lanternes magiques. Ces petits projecteurs, sortes de home-cinéma d’hier, permettaient de projeter des petites boucles de 10 à 20 secondes représentant des personnages sur des animations assez simples : des entrées et des sorties de champ, le lapin du magicien qui sort et qui rentre dans le chapeau à l’infini, des joueurs de badminton, des petites saynètes de la vie quotidienne ou de la vie de campagne. Et puis bien sûr, il y a une quarantaine de films d’animation. A l’époque, O’Galop travaillait seul, avec un banc-titre et une caméra verticale en utilisant la technique image par image, en 16 images par seconde ou bien il utilisait la technique du papier découpé en animant les personnages selon sa fantaisie. La plupart des films étaient sur support 9,5 mm, d’autres sur support 35 mm. Beaucoup de pellicules étaient gondolées et difficilement projetables, ce qui nous a souvent empêché de faire du télécinéma. Pour d’autres, on a scanné photogramme par photogramme dans un travail assez laborieux.
Votre film resitue une certaine époque, en parallèle à la vie d’O’Galop…
On a montré les choses telles qu’elles paraissaient dans l’atmosphère de l’époque. O’Galop a côtoyé des artistes issus des salons parisiens comme Les Incohérents et la bohème artistique parisienne. Il a été sollicité par la fondation Rockfeller pour réaliser des films hygiénistes, des films d’éducation populaires sur les méfaits de la syphilis, de la tuberculose ou de l’alcool. Ces films étaient projetés par Louis-Ferdinand Céline, alors étudiant en faculté de médecine, et dans des cinémas itinérants un peu partout en France. Ces films parlent de sujets pas forcément faciles mais ils sont finalement assez drôles.
Vous êtes vous-même réalisateur de films d’animation. Quel a été votre parti pris pour ce documentaire ?
Il s’agit d’un documentaire animé avec une partie fictionnelle assez minoritaire, réalisé dans le cadre d’une coproduction avec France 3 Régions. J’ai souhaité faire une proposition visuelle originale et poétique autour de l’univers d’O’Galop qui m’a permis de faire revivre toute l’iconographie de mon arrière-grand-père sans se limiter uniquement au Bibendum. J’ai voulu capter à ma façon l’atmosphère de la Belle Epoque du Paris des cabarets chansonniers, ou de celle d’un Lyon un peu imaginaire en recréant différents quartiers comme la Croix-Rousse. On s’est aussi amusé à reconstruire une longue séquence sur la naissance du Bibendum Michelin. Le film a reçu le Prix des étoiles de la Scam qui récompense les 30 meilleurs films télédiffusés en 2009, le Prix du jury à Shanghai et à La Rochelle. Il suit sa vie en festival, ce qui encourage ma démarche de documentaire animé.
Et maintenant, quels sont vos projets ?
Je travaille à un nouveau documentaire animé sur la vie de Benjamin Rabier et je prépare en parallèle, une collection de films documentaires sur l’histoire de la bande-dessinée.
Propos recueillis par Xavier Gourdet
Contenu du DVD O’Galop
– O’Galop – Documentaire animé de Marc Faye, 2009, 52’
– Le petit poucet – Animation de O’Galop, 1922, 14’ : Conte de Perrault
– La colombe et la fourmie – Animation de O’Galop, 1924, 2’ : Fable de Lafontaine
– La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf – Animation de O’Galop, 1921, 2’ : Fable de Lafontaine
– La belette entrée dans un grenier – Animation de O’Galop, 1910, 2’ : Fable de Lafontaine
– Touchatout – Animation de O’Galop, 1919, 4’ : Le docteur Touchatout soigne les animaux
– Bécassotte à la mer – Animation de O’Galop, 1920, 7’ : Aventure de Bécassotte
– Le chinois et le bourriquot articulé – Animation de O’Galop, 1912, 1’ : Aventure d’un bourriquot facétieux
– Sauvé par Bibendum – Animation de O’Galop, 1927, 4’ : Publicité pour le pneu Michelin
DVD O’ Galop édité par Novanima : www.novanima.com
Pour en savoir plus sur Bibendum Michelin, consulter le Blog BiBimage : http://bibimage.blogspot.com/
Blandine Lenoir : « Je suis cinéaste et ma façon de réagir, c’est de faire des films »
Assise à la terrasse d’un café, Blandine Lenoir, nommée aux Césars pour Monsieur l’Abbé qu’elle est venue présenter à Clermont-Ferrand, se prête au jeu de questions/réponses avec un humour et une spontanéité caractéristiques de ses films.
Format Court : Tu as commencé très jeune comme comédienne sous la direction de Gaspard Noé. Que retires-tu de cette expérience particulière?
Blandine Lenoir : J’avais 15 ans et je n’avais pas encore de fantasmes de tournage. Je n’imaginais pas du tout ce que c’était d’être dans un film et très vite, j’ai senti que c’était très concret. Ca a été une expérience enrichissante et un peu paralysante aussi parce que tout le monde me ramenait toujours à cela. Aujourd’hui, 20 ans après, je continue de penser que Carne et Seul contre tous sont de vrais chefs-d’œuvre et je suis très fière d’avoir participé à ces films.
Comment s’est passé ton passage à la réalisation ?
B.N. : J’ai rencontré Gaspard parce que je voulais réaliser, j’étais très curieuse. A l’époque, je fumais beaucoup, je me la jouais un peu et je voulais être réalisatrice. L’expérience avec Gaspard m’a appris beaucoup de choses.
Tes films traitent de façon récurrente de l’utilisation de la frontière entre la réalité et le rêve, entre la vie et ses contraintes et la volonté d’y échapper. Comment expliques-tu cette particularité ?
B.N. : Je pense que c’est une obsession de n’importe quel artiste, ça lui est intrinsèque parce que la réalité n’est juste pas supportable. Tu es obligé de poser ton regard sur le monde et de le raconter à ta façon pour pouvoir l’accepter.
Mais tu restes quand même proche de la réalité.
B.N. : Ca dépend de mes films. Il est vrai que les derniers étaient des comédies sur des sujets de société importants. Pour « Rosa », si j’avais fait un film sérieux sur les galères pour reprendre son travail une fois devenue maman, ça aurait été un peu ennuyant. En plus, il me semble que je fais mieux passer les messages dans le rire que dans le pathos et même si c’est très difficile à écrire, c’est génial à réaliser.
Ton cinéma semble justement très écrit. Comment abordes-tu cette étape-là ? Comment te viennent les idées ?
B.N. : Mes idées viennent de ce que je vis ou de ce que l’on me raconte. Par exemple Ma culotte est inspiré d’une copine qui a 50 ans. Quand tu as 50 ans, tu te sens vieillissante et en même temps si tu as envie de tendresse, d’affection, de sexe comment fais-tu ? J’ai trouvé que c’était un super sujet et en commençant à écrire, au moment d’arriver à la fin de la situation de la femme avec son amant pourri, je me suis dit qu’il était intéressant également de montrer le début de la sexualité, par contraste. C’est la raison pour laquelle j’ai fait intervenir le personnage de l’adolescente.
Le choix du court métrage, est-ce un format qui te permet de dire des choses assez fortes en un moment condensé ?
B.N. : Le court, pour moi, ce n’est pas une étape, c’est vraiment un format intéressant. Si tu prends Monsieur l’Abbé, en 1h30, ce serait indigeste, ce ne serait pas recevable. Mais si tu prends « Rosa », par contre, j’aurais très bien pu en faire un long-métrage. « Ma culotte » je n’aurais pas pu en faire un long non plus. Ce sont les sujets qui déterminent le format.
On ne peut pas parler de toi et de tes films sans parler de Nanou Garcia. Comment se passe cette collaboration ?
B.N. : Nanou, c’est un peu ma Catherine Deneuve à moi. C’est une immense comédienne. Je ne connais pas de femmes aussi belles, aussi créatives et aussi fantaisistes. En gros, j’écris, puis je lui fais lire. Elle apporte ensuite des petites idées. D’autres gens ne la mettraient pas au générique parce que ce n’est pas tout à fait de la co-écriture, on n’écrit pas vraiment à quatre mains. Parfois, elle m’apporte trois idées qui font juste décoller le film.
On constate ta fidélité à Nanou mais aussi à d’autres acteurs, on peut parler de « la troupe Blandine Lenoir », non ?
B.N. : Oui, c’est vrai car je ne peux pas filmer quelqu’un que je n’aime pas. Il faut que j’aie un certain intérêt, de la tendresse pour les acteurs. Il me faut instaurer un rapport de confiance d’où ma fidélité. Je reste dans un rapport très sain, loin de tout fantasme.
On sent un véritable engouement de la critique et du public pour ton dernier film, Monsieur l’Abbé pourtant il est fort différent de tes autres films. Le message est plus politique et il y a moins d’humour.
B.N. : Non mais je pense qu’aux vues de la situation politique actuelle en France, je suis vraiment en colère sur beaucoup de sujets. Je suis cinéaste et ma façon de réagir, c’est de faire des films.
La mise en scène du film est travaillée. Cette idée de présenter les témoignages de manière frontale est très originale. Dès le départ, quand tu as lu ces lettres, tu t’es représentée le film de cette façon ou c’est arrivé petit à petit ?
B.N. : Non, ca été comme un cheminement, si tu veux. Entre le moment où j’ai voulu faire ce film et sa réalisation, il s’est écoulé un an, j’étais habitée par les lettres, j’avais des images. Nous avions un budget de 100.000 euros, ce qui n’est rien. Donc il y a eu aussi une contrainte financière qui m’a rendu très créative. Ces contraintes font l’écriture aussi. Je voulais vraiment que ce soit comme une confession et je ne voulais pas voir les comédiens écrire, je voulais les voir face à nous. Ce qui est très difficile pour les comédiens parce que jamais, ils ne regardent la caméra.
As-tu d’autres projets ?
B.N. : Je suis occupée à écrire un petit film d’animation militant sur les droits des femmes. J’ai un petit projet documentaire que je vais réaliser au printemps. Si non, j’ai un projet de long-métrage qui est vraiment très avancé et trois autres qui sont en développement. C’est un peu un parti-pris avec mon producteur Nicolas Brevière (Local Films). On présente plusieurs projets pour être sûr qu’il y en ait au moins un qui se développe.
Monsieur l’Abbé est dans les cinq finalistes pour les Césars. Comment as-tu pris la nouvelle ?
B.N. : J’étais très contente, évidemment car c’est déjà une première reconnaissance de la profession que d’être sélectionné et finaliste. On verra…
Propos recueillis par Marie Bergeret
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Appel à films/ Festival des Nouveaux Cinémas
Depuis sept ans le Festival des Nouveaux Cinémas soutient et diffuse les cinémas numériques sous toutes leurs formes. Pour sa 7e édition, le Festival relance son appel à film. Nous recherchons des films sans contrainte de genre ni de thème (DV, HDV, HD, Téléphone portable, Webcam, Appareil photo numérique…) proposant une utilisation pertinente et innovante du support numérique.
Vous pouvez envoyer vos films dans les catégories suivantes:
– Catégorie COURT-METRAGE durée de moins de 20 minutes uniquement.
– Catégorie LONG-METRAGE durée à partir de 60 minutes et plus uniquement.
Inscription en ligne et envoi des films avant le 18 février 2011 sur : http://www.facebook.com/l/8cec1l7KNEyZIREvzxKpiG_Kt-Q;WWW.NOUVEAUCINE.COM
Les films sélectionnés seront projetés lors du festival qui se déroulera à Paris et en Ile-de-France au mois de juin 2011.
ATTENTION : votre réponse à l’événement facebook ne constitue en aucun cas une inscription.
CALL FOR ENTRIES OF THE MOVIE FESTIVAL OF NOUVEAUX CINEMAS
For the past seven years Festival of Nouveaux Cinémas has supported and broadcasted digital cinemas under all their forms. For its 7th Edition, the festival sends a reminder for its appeal to film. We are looking for films without constraint of genre or theme (DV, HDV, HD, mobile phone, Webcam, digital camera…) offering relevant and innovative use of the digital support.
You can send your films into the following categories:
– Short film –max length 20 minutes only.
– Long film-min length 60 minutes only.
Online registration and movies sending before February 18th 2011 on : http://www.facebook.com/l/8cec1l7KNEyZIREvzxKpiG_Kt-Q;WWW.NOUVEAUCINE.COM
Selected films will be projected during the Festival of Nouveaux Cinémas in Paris, in June 2011.
Kawalek Lata (Un bout d’été) de Marta Minorowicz
« Kawalek Lata » (Un bout d’été) a remporté samedi soir le Grand Prix international à Clermont-Ferrand. Le film de la jeune réalisatrice polonaise Marta Minorowicz est un documentaire s’intéressant aux liens qui unissent un grand-père et son petit-fils dans une nature terriblement belle et sauvage.
Le film accompagne les dernières journées d’été que Patryk passe chez son grand-père dans les montagnes de Bieszczadzkie. Dans la ferme familiale, le temps semble s’être arrêté. Le coin est isolé, la nature sauvage, la civilisation lointaine. On vise le travail manuel, on réapprend à regarder ce qui nous entoure, on privilégie une parole rare mais instructive. C’est peut-être la fin des vacances scolaires, mais l’apprentissage débute avant la rentrée officielle : l’aîné instruit, le plus jeune se forme. Que voit-on du haut des arbres ? La même chose qu’en bas, le coucher du soleil en plus. Pourquoi ne faut-il pas tuer les serpents ? Parce que les animaux, comme les hommes, n’ont pas demandé à mourir.
Ce film parle de transmission, de solitude, d’éloignement, du passage à l’âge adulte, du temps passé ensemble, du fossé entre les générations, de différence de valeurs entre un adolescent citadin et un vieil homme des bois. Fragments de vies, paysages à perte de vue, caméra ultra discrète, photo soignée, ambiance sonore, … : Marta Minorowicz a l’oeil pour capturer, le temps d’un film, la simplicité et le naturel des choses.
Il est bien rare de voir un documentaire glaner un Grand Prix, récompense suprême, à Clermont-Ferrand. « Kawalek Lata » (Un bout d’été) fait désormais partie de ces exceptions qui offrent de bonnes nouvelles au cinéma du réel.
K comme Kawalek Lata (Un bout d’été)
Fiche technique
Synopsis : Les derniers jours des vacances d’été. Un homme qui travaille dans les Bieszczady passe du temps avec son petit-fils. Entourés par une nature sauvage, ils tentent de se comprendre mutuellement.
Genre : Documentaire
Pays : Pologne
Année : 2010
Durée : 24′
Réalisation : Marta Minorowicz
Scénario : Marta Minorowicz
Images : Pawel Chorzepa
Son : Tomasz Kochan
Montage : Przemyslaw Chruscielewski
Production : Association of Polish Filmmakers
Article associé : la critique du film
S comme Splitting the Atom
Fiche technique
Synopsis : La toute dernière des particules. Divisible, indivisible…
Genre : Animation expérimentale
Durée : 5′10”
Pays : France
Année : 2010
Réalisation : Edouard Salier
Scénario : Edouard Salier
Musique pré-existante : Massive Attack
Animation : Christophe Richard , Xavier Réyé , Jean Lamoureux , Kevin Monthureux , Julien Michel , Rémi Gamiette , Jimmy Cavé
Production : Scream Park
Article associé : la critique du film
Splitting the Atom d’Edouard Salier
Edouard Salier est un habitué de la sélection Labo du Festival de Clermont-Ferrand, on se souvient de l’émerveillement provoqué par des oeuvres comme « Flesh » ou « Four », les années précédentes. Il est de retour cette année avec le premier clip du diptyque qu’il a réalisé pour l’album Heligoland de Massive Attack : le très envoûtant « Splitting the Atom » . Encore une fois, l’enthousiasme est au rendez-vous et cette nouvelle oeuvre nous conforte dans l’idée qu’Edouard Salier est l’un des réalisateurs les plus doués du Motion Design.
Au cours d’un long plan séquence en 3D, plusieurs scènes figées de destruction se succèdent à l’écran en utilisant la dilatation temporelle. En effet, l’idée est d’exposer une situation catastrophique dans un temps figé, en débutant par les conséquences de l’attaque sous forme de scènes éparses de démolition, pour aboutir progressivement à une vision plus globale du drame et découvrir la cause de tout cela. Cette utilisation de la temporalité fixe permet à la fois d’accrocher le spectateur et de créer une attente auprès de lui, mais aussi d’exposer le propos du réalisateur de manière plus efficace.
Le film commence par l’exploration de formes géométriques sombres, taillées dans des blocs de granit noirs et réfléchissants, qui se transforment petit à petit en montagnes de glace, à l’aspect malfaisant. L’action prend ensuite pied dans une ville froide, de type occidental, aux formes tranchantes : un symbole de l’impérialisme décadent. Des scènes catastrophiques dépeignent des explosions, des accidents de voiture, d’hélicoptères, des mouvements de panique, toute sorte d’événements rappelant une attaque terroriste. Jusqu’à la découverte de l’attaquant, nous soupçonnons une origine humaine, mais cela relève plutôt de la responsabilité d’un monstre géant aux dents acérées et aux yeux rouges, la version monstrueuse et athlétique de ce qui ressemble le plus à un lapin blanc. Ce « lapin géant » est une force de la nature, faite de chair et de sang (il possède une blessure ouverte sur son flanc), en proie à une profonde fureur. Il dénote de par sa couleur et sa « texture » organique, avec l’humanité lisse, froide, carrée, robotique et sans vie (pas de blessure apparente chez les humains malgré toutes ces scènes de destruction). Le dernier plan est une vision mi-humaine, mi-robotique, aux yeux rouges, une sorte de « Terminator » squelettique tournant la tête vers le spectateur, qui évoque la mort en marche, un futur apocalyptique et incertain, et nous renvoie à notre propre responsabilité vis à vis de cette situation : que faisons-nous pour éviter un tel désastre ?
Art du compositing, fluidité et maîtrise des CGI, « Splitting the Atom » réussit à la fois à se fondre dans l’univers musical de Massive Attack, et à exposer des thématiques et des symboles chers au réalisateur : la chute de l’impérialisme, la déshumanisation, la soudaineté de l’attaque, la passivité, les symboles d’une paix contrariée (une statue avec des « colombes » s’envolant à la suite d’un mouvement de panique), d’une religion impuissante (un « christ » crucifié chutant inexorablement), du sexe comme palliatif désespéré (un couple en plein acte au détour d’un plan d’immeuble). Le film fonctionne comme une sonnette d’alarme, un miroir déformant de notre réalité, il représente un monde en déliquescence qui subit une attaque de l’intérieur par un monstre qu’il aurait pu créer (qu’il a créé ?).
Il est cependant dommage que le deuxième clip du diptyque, « Atlas Air », n’ait pas trouvé sa place dans la sélection de Clermont cette année, tellement il fait écho et se pose en complément à l’univers visuel et thématique déjà fort riche de « Splitting the Atom ».
Jonathan Caouette/Retour de l’enfant prodige
New York, janvier 2011. Les rues d’Astoria dans le Queens sont encore largement enneigées, le vent est glacial mais la maison de Jonathan Caouette, n’est plus très loin. Véritable décor de cinéma (« Tarnation » et « All Flowers in Time » y ont été tournés), le lieu déborde de vinyls, de dvds et d’affiches de cinéma. Un écran de projection est installé dans le salon, non loin d’un bureau où se monte le prochain long métrage de l’auteur prévu pour le printemps. Rencontre exclusive in situ autour du très beau « All Flowers in Time », Mention spéciale du Jury Presse Télérama à Clermont.
D’où t’est venue l’inspiration pour « All Flowers in Time » ?
L’idée était de rassembler plusieurs rêves ou cauchemars que j’ai pu faire dans un film expérimental à la narration un peu décousue. La colonne vertébrale de l’histoire était en fait très précise mais ça ne se ressent pas forcément quand le spectateur voit le film. Ce qui est intéressant est que le film puisse résonner chez les gens à un niveau inconscient.
Pourquoi Chloë Sevigny ? Comment l’as-tu rencontrée ?
Je l’adore, je suis un grand fan d’elle. J’aime les rôles qu’elle choisit, les risques qu’elle prend dans la plupart de ses films. Je l’ai rencontrée dans un festival au Canada et on a un peu discuté puis je l’ai revue à New York dans un club et là, on s’est rendu compte qu’on admirait chacun le travail de l’autre et qu’on avait beaucoup de références en commun. Un an plus tard, on s’est échangé des textos et je lui ai parlé de « All Flowers in Time », un petit film qui nécessiterait une journée de tournage. Elle est arrivée un beau jour chez moi pour le tournage, en descendant de l’avion qui la ramenait d’Italie. Elle m’a dit plus tard qu’elle était épuisée ce jour-là, mais je ne l’aurais jamais deviné. Elle fait tout avec tant de facilité, c’est une vraie pro. Je pourrais retravailler avec elle quand elle veut.
Comme « Tarnation », « All Flowers in Time » a un côté « film fait à la maison ». Est-ce que tu disposais d’une équipe importante ?
Le jour où Chloë était là, l’équipe était en fait assez importante. Le court est en fait constitué de deux tournages différents qui correspondaient à deux idées différentes. La première mettait en scène mon grand-père et mon fils et on a tourné avec une petite caméra. Les scènes avec Chloë ont été tournées avec une équipe plus professionnelle.
« All flowers in time » invoque autant « Videodrome » dans l’idée de la contamination par l’écran que des films d’horreur plus obscurs. Tu es toi-même un véritable mangeur de films. Quels sont les films fantastiques que tu préfères ?
« The stepford wives » (Bryan Forbes, 1975) est en haut de ma liste et « Three women » de Robert Altman (1977), même si c’est un drame psychologique, je le considère plus comme un film d’horreur. J’adore « L’échelle » de Jacob (Adrian Lyne, 1990), Lynch , les films d’horreur des années 70 notamment « When Michael calls » (Philipp Leacock, 1972) qui avait été fait pour la télé et qui est vraiment étrange. N’importe quel Cronenberg… beaucoup de films en fait !
Tu as commencé par un long métrage documentaire et ce film est un court de fiction. Était–il plus simple pour toi de passer du long au court ?
Je me suis dit qu’en abordant la fiction dans un court, ce serait un bon exercice pour écrire un long métrage de fiction, ce qui correspond à ce que j’ai envie de faire désormais.
Propos recueillis par Amaury Augé
Article associé : la critique du film
L comme Love & Theft
Fiche technique
Synopsis : « Et je porte encore le cadeau que tu m’as fait / Il fait partie de moi désormais, je l’ai chéri et précieusement gardé / Et je le garderai jusqu’à la tombe / Et puis pour l’éternité. » (Bob Dylan)
Genre : Animation
Pays : Allemagne
Année : 2009
Durée : 06’49 »
Réalisation : Andreas Hykade
Scénario : Andreas Hykade
Animation : Andreas Hykade
Compositing : Christof Hoffmann
Musique : Heiko Maile
Son : Heiko Maile
Production : Studio Film Bilder
Articles associés : la critique du film, l’interview d’Andreas Hykade
Love & Theft d’Andreas Hykade
« Love & Theft » d’Andreas Hykade, film allemand en compétition Labo à Clermont, témoigne de l’actuelle inventivité de la patrie de Goethe dans le domaine de l’animation. Constituée d’un morphing animé de célèbres figures de cartoons, de formes extravagantes et de symboles issus autant de l’inconscient collectif que de l’histoire de l’art, cette œuvre est visuellement scotchante. Ses dessins, animés ensemble, créent un univers inédit, totalement psychédélique et monstrueux.
Le film fonctionne sur la transformation organique, la répétition de mouvements rythmée sur une bande son exclusivement musicale et la progression temporelle et stylistique (du noir et blanc à la couleur, de la simplicité des formes inaugurales à une très grande complexité formelle). Avec un trait bien défini, des aplats de couleur d’une grande beauté, une animation tout en souplesse et une inventivité renouvelée à chaque image, « Love & Theft » demande une compréhension toujours plus complexe, bien qu’intuitive, des nouvelles formes créées.
Subjugué d’effets parfois subliminaux, le spectateur se doit de jouer le jeu et d’accepter de se perdre dans cet univers intense et surréaliste, qui évoque tour à tour Dali ou Jim Woodring, sans non plus se priver de références directes à Albert Munch ou même au talentueux Jan Švankmajer.
On retrouve en effet le motif de la métamorphose des formes, cher à l’animateur tchèque, et surtout une réplique du fameux couple des « Possibilités du dialogue » (Možnosti dialogu, 1982). Quant au rythme, sa conjugaison musicale dépasse grâce à son aspect chorégraphique les expérimentations faites par le Canadien Norman McLaren pour « Dots » (1940) ou «Pen Point Percussion »(1951).
Consulter la fiche technique du film
Article associé : l’interview d’Andreas Hykade
B comme Big Bang Big Boom
Fiche technique
Synopsis : Une courte histoire non scientifique sur l’évolution et ses effets possibles.
Genre : Animation
Pays : Italie
Année : 2010
Durée : 09’55 »
Réalisation : Blu
Scénario : Blu
Musique : Andrea Martignoni
Montage : Blu
Animation : Blu
Décors : Blu
Production : Artsh.it, Silvia Siberini
Articles associés : la critique du film, l’interview d’Andrea Martignoni
M comme Muto
Fiche technique
Synopsis : Une animation ambiguë et surréaliste peinte sur des murs publics à Baden et à Buenos Aires.
Genre : Animation
Durée : 06’40 »
Pays : Italie
Année : 2008
Réalisation : Blu
Scénariste : Blu
Image : Blu
Montage : Blu
Animation : Blu
Musique : Andrea Martignoni
Production : Mercurio Film Cinematografica, Blu
Article associé : l’interview d’Andrea Martignoni
Andrea Martignoni : « Blu sait jouer avec le mouvement. C’est la chose la plus importante en animation, plus que la qualité des dessins »
Depuis « Muto », le graffeur Blu s’est fait une place de choix dans le paysage du court métrage d’animation international. Cette année, son film « Big Bang Big Boom » était en compétition labo à Clermont-Ferrand où il vient de remporter le Prix du Public. Vivant toujours plus dans l’esprit du graff que du cinéma, Blu souhaite conserver un certain anonymat. C’est donc avec son compositeur attitré, Andrea Martignoni, que cette interview a été réalisée.
Pour « Big Bang Big Boom », Blu a, comme à son habitude, fait beaucoup de choses seul (repérages des sites, prises de vue, réalisation des dessins…). Un des seuls postes qu’il délègue est le son. Comment est née cette collaboration entre vous ?
En fait, on s’est connus car on présentait tous les deux des travaux d’animation chez des amis qui ont une librairie et qui organisent des évènements culturels. On a fait connaissance là-bas et il m’a proposé de faire une trame sonore sans avoir vraiment de film à proposer. J’ai un peu arrangé des choses que j’avais déjà dans mon ordinateur, des musiques, des percussions, des sons d’ambiances… J’ai tout monté dans la nuit et je lui ai donné deux minutes trente de trame sonore le lendemain. Il m’a juste dit : “Mais c’est quoi ça ? Vous travaillez très vite”. Et puis, après quelques semaines, il a fait un film qui s’appelle « Fino » pour lequel, à l’époque, il ne travaillait pas encore l’animation de graff sur les murs.
Quelle était la technique utilisée ?
C’était du dessin sur papier et sur ordinateur. C’est un film très intéressant, très court et très joli selon moi. Il montre déjà sa capacité à jouer avec les dessins et son potentiel pour animer. Il sait jouer avec le mouvement. C’est la chose la plus importante en animation, plus que la qualité des dessins.
Depuis cette première collaboration, vous avez travaillé sur chacun de ses films ?
Après « Fino », il est allé de nouveau en Argentine pour tourner un documentaire qui s’appelle Megunica. A ce moment là, il avait commencé à faire une petite boucle d’images animées de quelques secondes sur un mur de Buenos Aires. Il me l’a montrée. J’étais complètement hébété, ravi, bouleversé… Je lui ai dit : « Tu vas devoir continuer à faire ça maintenant! ». Je fais de l’animation depuis longtemps et je n’avais jamais vu une chose semblable.
Il a poursuivi avec des petits travaux en boucle, notamment pendant le festival Fantoche et aussi à Berlin et à New York. Après ça, il lui restait un peu d’argent du documentaire. Il a alors décidé d’acheter un billet d’avion pour Buenos Aires pour aller faire « Muto ».
Là, il m’a demandé de faire la trame sonore. Quand il a terminé le film, j’ai commencé à travailler, après ça, il a fait Combo avec David Ellis et son compositeur. «Big Bang Big Boom », c’est le dernier travail en date. Pour ce film, on a travaillé un peu comme pour « Muto ». J’ai vu les choses au fur et à mesure qu’il les faisait. On s’est souvent croisés pour discuter du film.
Dans le film, on est au-delà de la simple illustration sonore. Le son donne ici du sens à l’image. Avez-vous travaillé ensemble tout au long du projet ?
Il m’avait dit avant « Muto » qu’il voulait une trame sonore qui aide le déroulement du film. Comme « Muto » n’était pas vraiment narratif, il voulait avoir quelque chose qui accompagnait beaucoup l’image. J’ai travaillé de la même façon pour « Big Bang Big Boom » car je pense que quand on travaille sur la durée avec un réalisateur, la trame sonore doit se construire également dans une certaine continuité. Et finalement le premier son qu’on entend dans « Big Bang Big Boom », c’est le dernier son de « Muto ». A l’identique, il y a plusieurs rappels sonores et visuels dans le film.
Comment naît un projet dans la tête de Blu ? Part-il plutôt du graff, de la trame narrative ou d’un lieu?
C’est un peu les trois choses à la fois, mais il y a une différence entre « Muto » et « Big Bang Big Boom ». Avec ce film, il est parti de la question de l’évolution pour arriver à la fin du monde et à l’homme guerrier.
En parallèle, il fait des dessins et cherche des murs. Pour « Big Bang Big Boom », il a travaillé dans plusieurs villes, il profitait d’invitations sur des festivals pour trouver de nouveaux lieux. Cela s’est par exemple produit pour la scène du pont : l’endroit l’a beaucoup inspiré. C’est aussi l’un des rares moments où ce n’est pas lui qui prend la photo car techniquement il était nécessaire que l’image soit prise d’un bateau pendant qu’il faisait le dessin.
Dans les films de Blu, on est souvent dans l’espace public. Comment fait-il pour peindre ? Demande-t-il des autorisations ?
La plupart du temps, il ne demande pas la permission. Quand il s’agit d’une commande, d’un festival par exemple, c’est bien entendu différent. De toutes façons, Blu travaille très vite, généralement les gens n’ont pas vraiment le temps de voir ce qui se passe. Et puis, il choisit des endroits où il ne va pas avoir trop de problème, sinon il s’en va.
Dans « Big Bang Big Boom », c’est la première fois qu’il joue avec les personnages réels. On voit par exemple furtivement une passante « soufflée » par un dinosaure dans son film. Va-t-il développer l’animation de personnages réels ?
C’était à Buenos Aires. Il a demandé à une amie danseuse de faire cette séquence. C’est assez drôle, l’interaction entre le monde réel et les graffs animés. Il est vrai que ces incursions du réel sont plus développées dans « Big Bang Big Boom » que dans « Muto » mais je ne sais pas s’il va continuer.
On sent qu’il joue aussi un peu plus avec les codes du cinéma…
Il travaille très bien sur l’animation mais il a une façon de travailler différente d’un point de vue artistique. Il fait du cinéma mais il n’est pas cinéaste.
Du point de vue de la diffusion, on n’est pas non plus dans un cheminement classique. Contrairement aux cinéastes classiques qui, en général, apprécient et souhaitent une large diffusion en salle, Blu exige une diffusion prioritaire sur le web. Pourquoi une telle volonté ?
Cela me semble assez normal car il fait du street art. Dans ce milieu, le principe est que tous ceux qui passent à côté de l’oeuvre la voit. Internet, c’est comme une grande métropole où tu peux rendre publique ton œuvre. Blu est vraiment préoccupé par la diffusion. Quand le film est terminé, la première chose à faire est que le film soit visible sur Internet.
Par exemple, pour « Big Bang Big Boom », le film était terminé à la fin du mois de juin. Je voulais l’envoyer à Postdam en juillet.. Le festival a accepté le film sans le voir car Blu ne voulait pas que j’envoie le dvd avant que le film ait pu être mis en ligne. Il n’a pas besoin d’une vitrine en festival car il a une visibilité très large sur Internet. Ses films ont un effet viral. « Muto » a été vu par huit millions d’internautes.
Des projets ?
On a parlé de quelque chose à mon retour à Bologne. Mais il est un peu fatigué après un an de travail sur « Big Bang Big Boom ». Ca lui a pris beaucoup de temps et d’énergie pour tourner dans les lieux qui l’intéressaient.
Qui est Blu ?
Un grand artiste.
Propos recueillis par Fanny Barrot
Consulter les fiches techniques de « Muto » et de « Big Bang Big Boom »
Article associé : la critique de « Big Bang Big Boom »
Festival de Clermont, le 33ème Palmarès
Compétition Internationale
Grand Prix : Kawalek Lata (Un bout d’été) de Marta Minorowicz (Pologne)
Prix Spécial du Jury : Los minutos, las horas (Les minutes, les heures) de Janaina Marques (Cuba, Brésil)
Mentions spéciales du Jury International : Diane Wellington de Arnaud des Pallières (France) et The wind is blowing on my street (Le vent souffle sur ma rue) de Saba Riazi (Iran, Etats-Unis)
Prix du Public : Suiker (Sucre) de Jeroen Annokkeé (Pays-Bas)
Prix du Meilleur Film d’Animation : Les journaux de Lipsett de Theodore Ushev (Canada)
Prix de la Jeunesse : La mina de oro (La mine d’or) – Jacques Bonnavent – Mexique
Prix Canal+ (ex æquo) : Bad Night for the blues (Sale nuit pour broyer du noir) de Chris Shepherd (Royaume-Uni) et Peaceforce de Peter Gornstein (Danemark)
Prix des Médiathèques : Yuri Lennon’s landing on Alpha 46 (On a marché sur Alpha 46) d’Anthony Vouardoux (Allemagne, Suisse)
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Compétition Labo
Grand Prix : Night Mayor (Maire de la nuit) de Guy Maddin (Canada)
Prix Spécial du Jury : On the way to the sea (En allant vers la mer) de Tao Gu (Canada, Québec, Chine)
Mention spéciale du Jury Labo : The Eagleman Stag de Michael Please de Royaume-Uni
Prix du Public : Big Bang Big Boom de Blu (Italie)
Prix Canal+ : The External World (Le monde extérieur) de David O’Reilly (Allemagne)
Prix de la Presse Télérama : The Eagleman Stag de Michael Please (Royaume-Uni)
Mention spéciale du Jury Presse : All flowers in time de Jonathan Caouette (Canada, Québec, Etats-Unis)
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Compétition nationale
Grand Prix : Tremblay-en-France de Vincent Vizioz
Prix Spécial du Jury : La dame au chien de Damien Manivel
Mentions spéciales du Jury National
– Aglaée de Rudi Rosenberg
– Pandore de Virgil Vernier
– Shadows of silence (Les ombres du silence) de Pradeepan Raveendran (France, Sri Lanka)
– Le piano de Lévon Minasian (France, Arménie)
Prix du Public : L’accordeur d’Olivier Treiner
Prix de l’ACSE (Agence Nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances) : Un juego de ninos (Un jeu d’enfants) de Jacques Toulemonde Vidal (France, Colombie)
Prix de la meilleure musique originale (SACEM) : M’échapper de son regard de Chen Chen. Musique : Yan Volsy
Prix de la Meilleure Première Œuvre de Fiction (S.A.C.D.) : J’aurais pu être une pute de Baya Kasmi
Prix ADAMI d’interprétation : Meilleure comédienne : Géraldine Martineau dans Aglaée de Rudi Rosenberg
Prix ADAMI d’interprétation : Meilleur comédien : Florent Cheippe dans Hurlement d’un poisson de Sébastien Carfora
Prix du Meilleur Film d’Animation francophone (S.A.C.D.) ex aequo : Chroniques du pont de Hefang Wei (France) et Nuisible(s) de Hans Baldzuhn, Erick Hupin, Pierre Nahoum, Baptiste Ode, Philippe Puech (France)
Prix de la Jeunesse : L’accordeur d’Olivier Treiner
Mention spéciale du Jury Jeunes National : Diane Wellington d’Arnaud des Pallières
Prix Canal+ : Dr Nazi de Joan Chemla
Prix du Rire « Fernand Raynaud » : Suiker (Sucre) de Jeroen Annokkeé (Pays-Bas)
Prix Procirep du producteur de court métrage : Kazak Productions de Jean-Christophe Reymond
Félix Dufour-Laperrière. Le langage du non narratif, le cinéma de l’abstrait
Les films « abstraits » du Québécois Félix Dufour-Laperrière s’inscrivent parfaitement dans ce genre fugace, insaisissable et intriguant pour lequel est conçu la compétition Labo du festival de Clermont-Ferrand. Le réalisateur s’exprime sur son style hybride et multi-facette.
Quels facteurs et influences t’ont attiré vers le cinéma ?
Depuis mon plus jeune âge, le cinéma m’intéressait, mais de là, à en faire un métier, ça me semblait quelque chose de très distant et d’inaccessible. Lorsque j’ai déménagé à Montréal, j’ai découvert l’animation tchèque en tombant tout à fait par hasard sur un DVD de Svankmajer. Chris Marker a été une autre grande influence pour moi. « Sans Soleil » a changé ma vie. Ce film ouvre un spectre très large de sens et en même temps reste avant tout très touchant. Par ailleurs, la Cinémathèque de Montréal programmait chaque semaine des courts métrages donc j’ai vite été familier avec ce format et de fil en aiguille, j’ai réalisé mon premier court métrage.
Je suis rentré dans le cinéma expérimental par le biais de l’animation, que j’ai étudiée aux Beaux-Arts. Mais j’ai fait mes études secondaire en sciences, plus précisément en physique. Cet aspect de ma formation se voit également dans mes films. Faire de belles choses sur la base des mathématiques, c’est stimulant pour ceux qui ont le plaisir de l’abstraction.
Tu as présenté « M » à Clermont-Ferrand l’an dernier. Et « Rosa Rosa » l’année d’avant. Qu’est-ce que tu avais fait comme films avant ?
Lorsque j’étais encore étudiant, j’ai réalisé deux films que je n’ai jamais présentés dans la catégorie films d’écoles mais toujours comme des films professionnels. Puis, j’ai fait un film indépendant qui a bien marché, et deux films en France avec Arte : « Variations sur Marilou » et « Rosa Rosa ». C’était dans le cadre de deux résidences en région Centre à Centre Images et une chez Folimage, dans la Drôme à Valence. Au bout d’un an en France, je suis retourné au Québec . C’est alors que j’ai décidé de réaliser « M », grâce à une bourse que j’ai reçue du Conseil des Arts de Québec. « M » est un projet personnel, j’ai presque tout fait moi-même. Mon frère, qui est élécro-acousticien, a fait le son (comme dans « Strips » d’ailleurs). Ça me détend de faire de tels films, même s’ils représentent beaucoup de travail. On produit des formes en suivant quelques dispositions. J’ai commencé avec des structures les plus simples et puis j’ai eu l’idée de travailler avec des additions et des soustractions. La technique est plutôt hybride : j’ai numérisé et scanné des dessins au crayon et je les ai réimprimés et retravaillés dans After Effects. C’est ce qui donne à l’image son grain un peu flou. Je trouve que cette technique permet d’atteindre des complexités impossibles avec seul le crayon sur papier. Et à l’arrivée, ça reste très léger.
Sur le plan de la technique, tu explores plein de choses différentes. Est-ce que tu viserais un style particulier qui te définirait ?
Non, je préfère le plaisir de fabriquer des objets qui sont chaque fois un peu différents et l’idée d’aborder des défis techniques renouvelés. Un autre élément qui explique mon envie de changer de technique, c’est que j’ai commencé a dessiner seulement à 18-19 ans, donc techniquement j’ai eu du retard par rapport à mes collègues des Beaux-Arts. J’ai toujours privilégié les techniques alternatives qui camouflent un peu mes carences. Et puis travailler d’une seule manière devient vite laborieux, du coup, je me suis essayé à des techniques aussi diverses que le dessin sur papier, la gravure sur bois, les images d’archives et le found footage, les photographies animées, etc.
« Strips », en compétition cette année à Clermont-Ferrand, est-il un film de commande ?
« Strips » a été fait dans le cadre d’une exposition dédiée aux Painters 11. Il s’agit d’un groupe de peintres canadiens qui travaillaient dans l’art abstrait au début des années 50 en Ontario. La Toronto Animated Image Society a organisé cette expo et a demandé à 11 cinéastes de faire 11 films animés en lien avec un peintre. Moi j’ai été jumelé avec un peintre qui s’appelle Jack Bush. Il a fait des toiles très simples avec des couleurs presque primaires, ce qui donne à son oeuvre un côté très ludique. Un de ses tableaux m’a beaucoup plu : Stripes to the Right. C’est un fond beige avec une bande rouge et une bande bleue qui a été la base de « Strips ». Ensuite, j’ai trouvé dans le domaine public de vieilles images d’archive d’un striptease des années 30. Je les ai découpées numériquement en bandelettes et j’ai commencé à faire des petits assemblages numériques, en faisant des allers-retours numériques, un peu comme avec « M ».`
Pour la fiction et l’expérimental, la démarche doit être fort différente. Est-ce aussi facile pour toi d’écrire un scénario que de concevoir un film plus abstrait ?
Je viens de terminer un film de fiction, que j’ai co-réalisé et coécrit avec ma compagne, Marie-Eve Juste. C’est un court en live action, avec des acteurs non professionnels : une femme de 85 ans et une autre de 35 ans. Il y a des segments de fiction pure entremêlés avec des images documentaires d’incendies lors de la canicule de Montréal, d’ailleurs, le film s’appelle « Canicule ». « Rosa Rosa » était déjà une fiction, avec un récit narratif et une voix-off. Mais dans « Canicule », le récit est assez fragmenté et la narration est plus légère.
À certains égards, il y a des grandes différences entre les deux démarches. A priori, la forme est soumise aux exigences du récit. Mais pour moi tous les films partent d’un point de vue formel, et d’une envie de regarder, de faire voir ou de faire entendre quelque chose d’une certaine manière. Et il en va de même pour mes films narratifs. Pour « Canicules », on avait envie de plans assez longs. On a essayé de faire exister des personnages, de leur faire faire ce qu’on a écrit, devant une caméra fixe et une mise en scène très simple. Donc quelque part, c’est aussi né d’un point de vue formel.
Qu’est-ce qui t’attire dans le non narratif ?
Je pourrais te donner une belle réponse très intellectuelle mais je vais être honnête. C’est le plaisir de fabriquer et de travailler ce genre d’images. Ça me vient le plus naturellement, de faire des films dans lesquels l’image est autonome. Il n’y a pas de sens à l’extérieur du film. Comme dans « M » par exemple, le film se déploie et se referme, c’est agréable. Cela dit, j’ai quand même adoré tourner avec des acteurs. Donc je suis aussi très sensible à la fiction, surtout à la fiction alternative. J’ai toujours été attiré par un cinéma de recherche, dans lequel le montage, la juxtaposition de certaines choses, permet de produire des idées et un sens qui n’est pas tout à fait exact comme un discours écrit pourrait l’être.
Propos recueillis par Adi Chesson
Article associé : la critique de « M »