Rushes Soho Shorts lance un appel à inscriptions pour sa treizième célébration du court métrage. Renommé pour maintenir un lien entre les communautés cinématographiques indépendantes et commerciales, le festival met à l’honneur les meilleurs réalisateurs dans huit catégories en compétition officielle.
– Prix du Meilleur Court Métrage : Œuvres de fiction par des réalisateurs expérimentés du Royaume-Uni, moins de 12 minutes
– Prix du Débutant : Œuvres de fiction par des nouveaux réalisateurs du Royaume-Uni, moins de 12 minutes
– Prix International : Œuvres de fiction par des réalisateurs hors du Royaume-Uni, moins de 12 minutes
– Prix du Long Court Métrage : Œuvres de fiction par des réalisateurs du monde entier, moins de 30 minutes
– Prix du Documentaire : Œuvre documentaire par des réalisateurs du monde entier, moins de 12 minutes
– Prix d’Animation : Œuvre documentaires ou de fiction, moins de 12 minutes
– Prix du Meilleur Clip : Clips par des réalisateurs du monde entier, moins de 12 minutes
– Prix du Meilleur Design : Œuvres représentant une marque, titres de séquences, séquences commerciales, spots publicitaires, posters digitaux, et travaux destinés à la distribution multiplateforme ceci incluant Internet et les téléphones mobiles par des réalisateurs du monde entier, moins de 5 minutes.
Le coût de l’inscription est de £15.00. Le film doit avoir été terminé entre le 1er Janvier 2010 et Avril 2011. Les films peuvent être inscrits jusqu’au 21 Avril et la sélection sera annoncée début Juin.
Le Festival débute le Mercredi 20 Juillet et se terminera, comme le veut la tradition, avec la remise des prix le Jeudi 28 Juillet 2011. L’ensemble des termes et conditions sont disponibles sur la page inscriptions du site Internet http://entries.sohoshorts.com et pour plus d’informations, rendez-vous sur le site www.sohoshorts.com.
Film d’animation réalisé avec un impressionnant travail de stop motion sur des personnages en plastiline, « Hasta los huesos » offre un voyage surréaliste grâce à une proposition artistique et technique flamboyante. Puisant largement dans l’iconographie culturelle mexicaine, le réalisateur René Castillo nous adresse une invitation drôle et tendre à réfléchir sur la relation à la mort.
Le film débute dans le décor fantomatique d’un cimetière lugubre qui fait penser à l’univers de Tim Burton. On suit les funérailles d’un personnage en pâte à modeler en prise à la peur de la mort. Jouant sur une perception typiquement mexicaine où le monde des morts et celui des vivants se brouillent dans une même réalité, on croit d’abord découvrir l’angoisse d’un homme qu’on enterre vivant, mais le fond du cercueil s’ouvre, et le personnage bascule outre-tombe, accompagné de très près par un ver affamé.
On découvre alors en même temps que le défunt apeuré et dégoulinant de sueur un univers des morts plus que vivace, véritable panthéon des grandes figures de la tradition populaire mexicaine. Dans le décor d’une cantina en fête où l’alcool coule à flots, des squelettes en costumes boivent, dansent et jouent du revolver. Le personnage, lui, lutte contre le ver qui le dévore, parvenant finalement à le capturer dans une bouteille de mezcal. Soudain le spectacle commence, et face à un auditoire fasciné, La Catrina de Diego Rivera avec son serpent à plumes autour du cou, interprète la chanson de La Llorona avec l’envoûtante voix d’Eugenia Leon. Peu à peu, le personnage se résigne à son nouveau statut, succombant aux charmes du mythique squelette féminin. Abandonnant son lien avec le monde terrestre, il choisit, en souriant, de boire d’un trait la bouteille qui contient le ver.
René Castillo joue avec brio de l’univers culturel mexicain dans cette fable poétique qui met en scène un personnage face à l’acceptation de sa propre mort. Le film vient d’être projeté pendant le “Travelling México” du Festival de Cinéma de Rennes Métropole, qui se déroule du 28 février au 1er mars 2011.
Du 22 février au 1er mars 2011, la 22ème édition de Travelling, Festival du Cinéma de Rennes Métropole consacré à la Ville, a mis MEXICO à l’honneur et a diffusé le cinéma mexicain depuis son âge d’or jusqu’à ses expressions plus récentes et contemporaines. Pendant huit jours, le cœur de la ville de Rennes a battu au rythme intense d’une des villes les plus surréalistes du monde. En explorant Mexico à travers le prisme du cinéma, Travelling a fait découvrir à son public un Mexique complexe et unique en son genre, bonhomme et cruel, latin et contrasté.
Synopsis : Un homme arrive au monde des morts, où il est reçu par un ver et des squelettes souriants. Après un moment de divertissement et de séduction, l’homme découvre qu’après tout, être mort n’est pas si mal.
En compétition lors de cette 61ème Berlinale, Momoko Seto était la seule représentante à la fois de la France et du Japon (elle est de nationalité japonaise) avec sa « Planet Z » organique et fascinante, plongée en mode macro au cœur d’une guerre biologique entre végétaux et champignons envahisseurs. Utilisant la technique du timelapse* associée à des ingrédients 100% naturels, « Planet Z » détourne admirablement les échelles et émerveille par son originalité visuelle.
Avant « Planet Z », il y a eu logiquement « Planet A » (2008). Premier volet expérimental d’une réflexion écologique, le film mettait en scène l’avancée continue de cristaux de sels, parabole inventive sur la disparition de la Mer d’Aral dont la salinité excessive a fini par tuer quasiment toute forme de vie. Empreint d’une féerie inquiétante et visuellement bluffant, le film avait fait le tour des festivals du monde entier.
Avec « Planet Z », Momoko Seto s’attaque à la moisissure, aux champignons et à leurs rejets de spores, prétexte pour retranscrire ce phénomène visuel étonnant et quasi chorégraphique. La dispersion de ces spores et l’invasion des champignons viendront mettre un terme à la vie des végétaux qui garantissaient jusqu’à lors la présence de l’eau sur cette planète.
Tourné pendant trois mois en studio, le film a été une affaire de patience, la technique du timelapse demandant énormément de temps pour construire un seul plan. On pourrait y voir le cliché de la minutie japonaise, on y trouve surtout un goût exacerbé pour la découverte de l’inexploré, la magie et la beauté des phénomènes naturels. Ces moisissures deviennent belles et la décomposition se pare de qualités esthétiques insoupçonnées. La lente progression des fungi a aussi quelque chose d’inquiétant, leur texture gluante recouvrant progressivement la matière organique et végétale dans un élan d’envahissement continu. La vie grouille de partout (à l’image des plans hallucinants où des champignons noirs semblent prendre vie dans une quasi respiration), chacun luttant pour sa survie et sa part du gâteau. À la façon des truquistes d’antan, Momoko Seto utilise les effets les plus simples alliés aux techniques plus sophistiquées du compositing et fait passer aisément des choux-fleurs pour des forêts, des aubergines pour des montagnes, des pousses de radis pour des branches et une orange pour une planète. Ovni protéiforme, « Planet Z » se voit les yeux et la bouche grands ouverts, comme lorsque les enfants regardent pour la première fois dans un microscope.
Synopsis : Quelque part…la PLANET Z . La végétation commence à s’installer sur la planète, et tous semble vivre en harmonie. Mais un champignon gluant envahit petit à petit ce monde idyllique.
Si vous n’étiez pas éveillés pendant la nuit pour regarder la 83ème cérémonie des Oscars, vous avez raté Nathalie Portman, Colin Firth et les autres copains du glam’. Rattrapez-vous avec les trailers des courts primés.
Oscar du Meilleur court métrage de fiction attribué à God of Love de Luke Matheny
Oscar du meilleur court métrage documentaire attribué à Strangers No More de Karen Goodman et Kirk Simon
Oscar du meilleur court métrage d’animation attribué à The Lost Thing de Shaun Tan et Andrew Ruhemann
Synopsis : Une promenade réflexive mène à une étrange ascension. Après avoir montré le quotidien ordinaire d’un village, la caméra se dirige sur une construction en bois avant de suivre un chemin périlleux le long d’une paroi rocheuse abrupte.
Genre : Expérimental
Durée : 13’41 »
Pays : Suisse, Autriche
Année : 2010
Réalisation : Daniel Zimmermann
Scénario : Daniel Zimmermann
Image : Andreas Kreimeier , Raoul Schmitz , Bernhard Braunstein
Son : Daniel Fritz
Montage : Bernhard Braunstein
Production : DZ-Productions, Schweizer Radio und Fernsehen, CastYourArt
Présent depuis une décennie dans le paysage du court métrage expérimental, Daniel Zimmermann vient des Beaux-Arts et a pour signe distinctif d’être sculpteur sur bois. Tout son travail s’articule autour de ce matériau naturel redessiné par les mains de l’homme. Avec « Stick climbing », ce Suisse reste fidèle à ses sujets favoris : la montagne et les baguettes de bois, le tout mis en scène dans un ample mouvement en trois temps qui part du sommet de la montagne, pour descendre dans la vallée et enfin gravir le massif. Un programme de prime abord surprenant et au final plutôt captivant présenté en compétition à la Berlinale 2011.
La descente
Le film s’ouvre sur une descente vertigineuse vers un village alpin suisse. La caméra saisit l’attention du spectateur dans un mouvement descendant lent et fluide qui dévoile peu à peu l’environnement dans lequel Daniel Zimmermann va réaliser une certaine prouesse technique et expérimentale. En off, des voix lancinantes qui récitent quelque chose dans une langue aux accents germaniques. En in, une paroi rocheuse noire, hostile et sauvage, d’une verticalité étourdissante, puis un clocher, la paroi d’une église faite d’une pierre taillée, comme domestiquée par l’homme.
La déambulation horizontale
La descente s’achève sur la découverte, à hauteur d’homme, d’un village niché dans la montagne. Zimmermann propose une traversée pittoresque, agrémentée de tout ce que peut inspirer le folklore suisse : des chalets, des pins, des femmes en costumes (qui ressemblent à s’y méprendre aux poupées sous cloche collectionnées par nos grands-mères), des musiciens… De cette partie du film, on retient surtout le plan séquence en steadycam qui produit toujours un bel effet de fluidité assez enivrant.
L’ascension
La vraie surprise du film se dévoile dans ce dernier mouvement : l’ascension de la montagne. A ce moment, l’expérience artistique prend le pas sur la simple prouesse technique. Le spectateur entre littéralement dans la peau d’un grimpeur chevronné. La prise de vue est réalisée de telle sorte que l’œil est au plus proche de la paroi, presque contre elle. La caméra rampe, furète, s’accroche à la matière minérale.
Jamais le corps du grimpeur n’apparaît à l’écran, pourtant, la présence humaine est sensible. Le son de la respiration haletante du grimpeur, contribue au fait que le spectateur s’imprègne de la difficulté de l’ascension. Celui-ci ne peut que s’engager avec le grimpeur dans la quête du sommet de cette montagne aux allures de forteresse.
Le guide
Fils conducteurs de son œuvre, les bâtons de bois brut de Daniel Zimmermann sont omniprésents dans ses films et ses installations. Dans « Stick climbing », 2 longs rails de bois sont posés à même la roche comme des veines saillantes. Ils sont les guides du grimpeur, la trace à suivre…mais également le lien qui rapproche l’homme de la nature.
« Stick climbing » procure cette agréable et futile sensation d’accomplissement, d’achèvement, qui saura satisfaire ceux qui auront été captivés par le voyage proposé par le réalisateur. Dans une autre mesure, le film représente toute la capacité de Zimmermann à tirer profit d’un matériau unique pour renouveler sa proposition artistique à chaque création.
Thermes Banu Akseki Belgique
Paris Shanghai Thomas Cailley France
Aglaée Rudi Rosenberg France
Bonne nuit Valéry Rosier Belgique
Leçon de ténèbres Sarah Arnold France
Jacco’s Film Daan Bakker Pays-Bas
Lighthouse Anthony Chen Royaume-Uni
Branque Brol Tambours Aurélien Breton, Lionel Brouyère,
Caroline Gasnier M., Benoît Leleu France
Sunset from a Rooftop Marinus Groothof Pays-Bas
Rita Antonio Piazza, Fabio Grassadonia Italie
Consequências Luis Ismael Portugual
Der Schübling Visar Morina Allemagne
Le Grand Jeu Sylvestre Sbylle Belgique
Esto es un revolver Pablo Gonzalez France/ Colombie
Zumo de Limón Jorge Muriel, Miguel Romero Espagne
A Lost and Found Box of Human Sensation Martin Wallner, Stefan Leuchtenberg Allemagne
More Zhelaniy Shota Gamisonia Russie
Caron Pierre Zandrowicz France
Ya Basta ! Gustave Kervern, Sébastien Rost France
L’Accordeur Olivier Treiner France
Un Juego de Niños Jacques Toulemonde Vidal France/ Colombie
Cuando Corres Mikel Rueda Espagne
Teve Musu Marus Ivaskevicius Lituanie
Comme le temps passe Cathy Verney France
Man and Boy David Leon, Marcus McSweeney Royaume-Uni
Wattwanderer Max Zähle Allemagne
Storia di Nessuno Manfredi Lucibello Italie
Dürä…! Rolf Lang, Quinn Reimann Suisse
Siggil Rémi Mazet France
El Tango del Condor Juan Raigada Espagne
Quidam Gaël Naizet France
Ich Bin’s Helmut Steiner Nicolas Allemagne
Plank Billy Pols Pays-Bas
À cheval entre deux cultures, la française et la sénégalaise, Dyana Gaye a choisi le cinéma comme moyen d’expression. Depuis une décennie, elle fait des courts (Une femme pour Souleymane, J’ai deux amours, Deweneti et Un transport en commun) en adaptant à chaque fois la forme à son sujet et en gardant le Sénégal, champ des possibles, dans un coin de sa tête. Rendez-vous de dernière minute, loin des César, à proximité des origines multiples et de l’imprévu du réel.
Cela fait dix ans que tu es dans le court. Il y a quelque chose de commun dans tes films, l’idée de travailler autour des racines, des identités, du métissage qu’il soit français ou sénégalais. Est-ce qu’à travers dix ans de réflexions, de films, tu as le sentiment d’arriver à mieux repérer ces identités ?
Je ne sais pas si j’arrive mieux à les repérer. Ce que je sais, c’est que sur les trois films sur quatre que j’ai faits au Sénégal, j’ai avancé d’une certaine manière sur cette question identitaire, sur cette part panafricaine que je ne connaissais pas bien malgré mes origines et quelques séjours identitaires là-bas. En même temps, mes racines, je les questionne mais de manière inconsciente. Le Sénégal m’apparaît comme un champ de possibles très vaste. En faisant des films là-bas, mon imaginaire continue à travailler. Les quatre courts métrages m’ont emmenée avec des formes très différentes à interroger mon intime, mes origines sénégalaises mais aussi mon histoire de cinéma. On me dit souvent que j’ai un regard assez différent sur le Sénégal. C’est parce que je suis née ici, que j’ai une double appartenance culturelle et que du coup, j’ai un peu de recul par rapport aux choses.
Certains réalisateurs ont besoin d’aller tourner dans le pays de leurs racines pour être dans une certaine vérité.
Non, moi, ce n’est pas ça. Au Sénégal, peu de films se font, je pense que ça me désinhibe. Pour moi, il y a un infini de possibles d’histoires à raconter là-bas. Ça pourrait être le cas aussi à Paris mais ici, il y a trop de repères. Paris, c’est là où j’ai grandi, où j’ai appris le cinéma. Je m’y sens moins téméraire alors que le Sénégal m’apparaît comme un terrain de jeu à la fois immense et inconnu. Mais je n’ai pas de retenue, je ressens une forme de liberté, d’excitation. Je pourrais aussi ne pas me sentir pas légitime là-bas en me disant que je n’y ai pas grandi, que c’est aux Sénégalais de faire des films, mais je n’ai pas du tout ce sentiment et je revendique le fait de tourner n’importe où. Je n’aime pas beaucoup les appartenances, j’espère que je serai amenée à tourner dans d’autres pays que la France et le Sénégal. Pour moi, ce n’est pas que là que ça se passe, au contraire. Je trouve qu’un regard extérieur sur des contrées qui ne nous sont pas forcément familières amène quelque chose en plus.
C’est quelque chose qui t’a déjà intéressée, ça, poser ton regard sur une contrée que tu ne connaissais pas ?
Pas encore, mais ça me travaille. Mon projet de long, Des étoiles, se passe entre Dakar, Turin et New York. Je connais bien Turin, j’ai des origines italiennes. C’est de l’intime mais là, je travaille sur un sujet, la diaspora sénégalaise. Il se trouve qu’en Italie, il y a une forte communauté sénégalaise, notamment à Turin. Et New York correspond à mon imaginaire de cinéma. Mais pour l’instant, je reste liée au Sénégal car le pays m’inspire.
Est-ce que pour la jeune génération, la désinhibition, le champ de possibles existe aussi ?
Ça se démocratise. Pendant longtemps, il y a eu le poids de la pellicule, de la caméra. Aujourd’hui, il n’y a même plus de caméra 35 mm au Sénégal, mais de nombreuses personnes tournent des films grâce à l’outil numérique. Après, le problème, c’est la diffusion. Projeter les films, les faire diffuser dans un pays où il n’y a plus de salle de cinéma en activité, c’est compliqué, et faire des DVD, les envoyer en festival, coûte de l’argent. Tout est un peu sauvage.
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Ton troisième film, Deweneti est un conte. Est-ce que c’était une forme de liberté pour toi d’explorer cette forme ?
Oui, c’était une liberté. D’abord, Rémy Mazet, le scénariste et le chef op du film m’a laissée m’emparer de son histoire, il m’a accompagné pendant toute la réalisation du film et a été le collaborateur le plus proche à la mise en scène.
Ensuite, j’aime bien expérimenter différentes formes, différents styles, je n’aime pas beaucoup les choses frontales, les discours, les films à message. Et une forme comme le conte pour Deweneti ou la comédie musicale comme pour Un transport en communsont des formes assez naturelles, assez libératrices pour la construction, la mise en scène et elles permettent de faire intervenir un réel qui me tient à cœur dans les films que je tourne au Sénégal. C’est important pour moi que la vraie vie soit là, qu’elle puisse surgir à n’importe quel moment, malgré le procédé fictionnel.
En documentaire, le réel est la base et des hasards assez chouettes peuvent être gardés au montage. À partir du moment où tu tournes dans la rue pour Deweneti ou dans une gare routière pour Un transport en commun, forcément des choses se passent.
Le choix des décors implique l’imprévu et un tournage au Sénégal, c’est forcément de l’imprévu. Avant de partir sur Un transport en commun, j’avais dit à mon ingénieur son Dimitri Haulet qu’il n’aurait pas de “Silence plateau”. Ça n’existe pas, ce n’est pas possible ! Il y a toujours un truc qui se passe quelque part et un figurant que tu n’as pas prévu qui déboule. Il faut faire avec, c’est comme ça. Lors de mon premier film, ça me paraissait contraignant, je cherchais à canaliser l’imprévu. Là, au contraire, je cherche à composer avec : par exemple, je ne fais pas de casting de figurants, et le jour J du tournage, on embauche les gens sur place. Après coup, en visionnant les rushes, je trouve assez magique et surprenant de voir des choses qu’on a raté sur le plateau. Au Sénégal, j’ai toujours l’impression qu’il y a des milliers d’arrières-plans. Avec ma monteuse Gwen Mallauran, on s’amuse à décrypter les images, à repérer les petits détails. La seule chose qui arrive parfois, c’est un regard caméra qui vient désacraliser la fiction mais on s’en accommode car ce n’est pas grave dans le flot d’images. Sur Deweneti, comme Rémy était à l’image, il a initié plein de plans et a laissé tourner la caméra. On a cette volonté de ne pas se laisser enfermer par la fiction.
À travers la comédie musicale, on peut dire des choses très réalistes. Tes personnages parlent de la volonté d’ancrer leurs racines au Sénégal ou du rêve européen. À quel moment as-tu privilégié cette forme-là ?
C’est un concours de circonstances. En commençant l’écriture, je ne pensais pas du tout aborder la comédie musicale. J’étais partie sur un récit de voyage, sur l’idée de la route. Et puis, je me suis très vite rendue compte qu’on allait passer beaucoup de temps dans la voiture, que les comédiens ne pourraient pas spécialement se regarder, qu’il fallait faire quelque chose avec le son, imaginer des rencontres sonores, et de fil en aiguille, j’en suis arrivée à la musique.
En même temps, mes plus vieux souvenirs de cinéma, mes premières accroches réelles sont liés à des films musicaux, au cinéma hollywoodien, à Jacques Demy, etc. J’ai étudié la musique et la danse. Pendant très longtemps, j’ai hésité entre les deux avant d’opter pour le cinéma. La comédie musicale rassemble tout ce qui m’anime au-delà du cinéma, donc ce n’est pas anodin que cela sorte, même si je ne me le suis pas dit consciemment. J’avais le désir un jour ou l’autre de m’y confronter, je suis heureuse que ça se soit fait. On est marqué à certains endroits, par des films, par des metteurs en scène. L’idée, pour moi, a été d’arriver à ma propre écriture, à mon propre langage, malgré tous ces codes.
Tu n’as pas le sentiment d’être arrivée à ta propre écriture avant Un transport en commun ?
Non. Mes trois films précédents étaient diamétralement opposés dans leur forme et dans leur sujet. Là, j’ai l’impression d’être arrivée à quelque chose de plus entier. C’est dû à l’âge, à l’expérience, à la maturité, mais j’ai quand même le sentiment d’être allée au bout de quelque chose parce qu’il y avait beaucoup de contraintes. Le projet était plus ambitieux, plus lourd, et plus long que les autres.
Tu es arrivée sur le tournage d’Un transport en commun avec des comédies musicales, des références que tes comédiens ne connaissaient pas spécialement. Quelles ont été leurs réactions ?
Ce n’étaient pas spécialement les références du film à proprement parler mais mes références, du coup, je pense qu’ils ne se projetaient pas dedans. C’était très éloigné de ce qu’on était en train de faire, mais en même temps, le but n’était pas de faire Hollywood à Dakar ! J’avais instauré un ciné-club à la pause déjeuner pour ceux qui avaient envie de voir les films, et ça leur a beaucoup plu. Il y avait une vraie demande, un vrai désir de voir ces images. On répétait dans un lieu ouvert, il y avait beaucoup de passage,les gens s’arrêtaient. Au moment du tournage, les gens se montraient également curieux. Quand tu allumes les enceintes et que tu balances une chanson, 300 personnes s’assoient pour regarder comme si elles étaient au théâtre !
Au-delà de son tournage et de son circuit en festival, ce projet a une drôle de vie parce qu’il a bénéficié d’une sortie en salle et qu’il connaîtra prochainement une sortie en DVD, ce qui est plutôt rare pour un court.
L’idée est venue du distributeur, Thomas Ordonneau (Shellac) qui avait très envie d’éditer Un transport en commun en DVD avec mes précédents films, ce qu’il est en train de faire (sortie prévue pour juin). Il est revenu vers Arnaud Dommerc, mon producteur, en disant qu’il faudrait sortir le film en salle pour donner écho à la sortie DVD. Ensuite, à Paris, l’Action Christine, Jean-Marie Rodon, et son équipe se sont montrés très enthousiastes à l’idée de porter Un transport en commun. C’était tout petit mais ils l’ont fait exister, et c’était effectivement rare et précieux parce que le film a eu une longue vie en diffusion, de la télé aux festivals en passant par la salle. Et au théâtre aussi puisque je suis en train de travailler sur une adaptation scénique pour le théâtre du Châtelet pour la saison 2012-2013. En général, on part de la scène pour faire un film, là, c’est le chemin inverse !
Ton film, tes films ont pu être montrés au Sénégal ?
Oui, j’ai fait une projection en plein air d‘Un transport en commun qui était vraiment chouette. 300 personnes dînaient, buvaient des coups, dansaient, chantaient. Pour Deweneti, j’avais aussi organisé une projection. Il n’y a plus de salle dans le pays donc c’est toujours un peu sauvage, mais il y a encore un peu de résistance avec les festivals, les ciné-clubs, et le centre culturel français à Dakar. Il reste des endroits où on peut encore se réunir autour d’une projection. C’est lié à la volonté de quelques personnes qui ont encore la volonté de faire exister le cinéma en-dehors de la télévision.
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Synopsis : Dakar, Sénégal. Ousmane, qui n’a pas sept ans mais gagne déjà sa vie en mendiant dans le centre ville de la capitale, se met en tête d’écrire au Père Noël…
Genre : Fiction
Pays : Sénégal, France
Année : 2006
Durée : 15′
Réalisation : Dyana Gaye
Scénario : Rémi Mazet
Image : Rémi Mazet
Son : Alioune M’Bow
Musique : Baptiste Bouquin
Montage ; Gwen Mallauran
Interprétation : El Hadj Dieng , Nianga Diop , Abasse Ba , Coly M’baye , Oumar Seck
« Les films nommés pour le César du film du court métrage sont… ». Déçu de ne pas avoir remporté la manne pour le César du meilleur second rôle (pour « L’Arnacoeur »), François Damiens a trouvé hier que « Des hommes et des Dieux » ressemblait à un documentaire (« Tibérine »), a rappelé à De Caunes qu’il était payé, lui, et a remis le César du Meilleur court métrage au « film avec les logos ». Vive le glamour.
Synopsis : Sénégal, fin de l’été. Le temps d’un voyage de Dakar à Saint-Louis, les passagers d’un taxi-brousse croisent leurs destins et se racontent en chansons.
Genre : Fiction
Pays : France, Sénégal
Année : 2009
Durée : 48′
Réalisation : Dyana Gaye
Scénario : Dyana Gaye
Image : Irina Lubtchansky
Son : Dimitri Haulet
Musique : Baptiste Bouquin
Montage : Gwen Mallauran
Interprétation : Antoine Diandy , Bigué N’Doye , Umban Gomez de Kset , Marième Diop , Adja Fall , Anne Jeanine Barboza
Déjà en compétition pour le César du Meilleur Court Métrage en 2008 avec « Deweneti », Dyana Gaye retente cette année de décrocher le prestigieux prix avec sa dernière réalisation : « Un Transport en Commun ». Le film avait déjà rencontré le succès en 2010 lors de sa sortie en salle, de même que dans les nombreux festivals qui l’ont accueilli à travers le monde.
« Un Transport en Commun », tourné au Sénégal, suit le parcours d’une dizaine de personnages se rendant de Dakar à Saint-Louis. Là où l’on attend un road movie, c’est en fait une comédie musicale que l’on trouve.
Le film s’ouvre sur la préparation au départ d’un taxi auquel il ne manque qu’un passager pour rendre le voyage des plus rentables. C’est l’occasion d’introduire une première séquence musicale au cours de laquelle, en plein cœur de Dakar, en chantant et en dansant, les six voyageurs présents parviennent à se décider à partir.
De ce point de départ, se développe un scénario usant de séquences alternées au cours desquelles nous pouvons voir le passager manquant tenter de rejoindre le taxi, qui, lui, est bloqué dans les bouchons. Par le même procédé, la nièce de l’une des passagères du taxi vient s’ajouter aux personnages du film, tandis qu’un peu par hasard, un lien se crée entre cette dernière et le passager retardataire, faisant l’objet d’une nouvelle séquence alternée.
L’écriture est savamment menée et au fur et à mesure que le taxi se rapproche de Saint-Louis, de nombreuses autres relations nous sont dévoilées. Le scénario est donc suffisamment incisif pour capter l’attention du spectateur, au point que l’on s’oublie dans le film. On se laisse alors guider par sa structure qui nous transporte avec les personnages d’une séquence musicale à une autre. Or, ce sont dans les musiques, les chorégraphies, les chants et leur texte que réside l’intérêt central du film. C’est par le chant et la danse que les personnages tissent des liens, s’unissent les uns aux autres et expriment le discours que le film cherche à faire passer.
Tandis que l’un chante les maux du pays, un autre nous fait part de son rêve d’aller en Italie et d’en revenir riche pour pouvoir épouser sa fiancée. Un autre personnage, en déclarant se rendre à l’enterrement de son père, révèle quant à lui que ses racines sont et resteront au Sénégal, et qu’il ne prendra pas le risque de quitter le pays et de disparaître dans le mensonge si le succès escompté à l’étranger n’est pas atteint. Deux autres personnages manifestent également leur amour réciproque, entre homme blanc et femme noire. Cette même femme souffre par ailleurs du manque de confiance que la génération qui la précède a l’égard des plus jeunes.
Le film aborde donc aussi bien des éléments positifs que des éléments négatifs, que ceux-ci soient propres au Sénégal ou non. C’est d’ailleurs grâce à cela qu’il parvient à dépeindre le Sénégal avec autant de fidélité, tout en restant accessible au public français. Les chants, les musiques, les danses et les dialogues se répartissent d’ailleurs entre langue et culture sénégalaise et langue et culture française, encore une fois grâce aux prouesses du scénario qui intègre au film un personnage français. De plus, les fans de comédies musicales ne sont pas si rares en France, les adeptes du genre apprécieront donc « Un Transport en Commun », au moins pour ses plans-séquences enchantés, qui intègrent des mouvements chorégraphiés, de l’arrière plan au premier plan.
Synopsis : Les tribulations d’un homme de son temps qui vit intensément et avec anxiété la grossesse de sa petite amie, jusqu’au jour de l’accouchement qui le projette dans un monde inconnu et plein de surprises : la paternité.
Genre : Fiction
Pays : France
Année : 2008
Durée: 17’30
Réalisation : Clément Michel
Scénario : Clément Michel
Image : Steeven Petiteville
Son : David Rit
Musique: Kideko
Montage : Julie Dupré
Interprétation : Clément Miche, Marie Denarnaud, Pascale Roberts, Olivier Clastre
Après un premier court Bébémoquant malicieusement les affres de la paternité, Clément Michel a réalisé un deuxième film en pensant à Julie Budet alias Yelle. Ce film, Une Pute et un Poussin, issu de la collection Canal + « Ecrire pour un chanteur », remportera peut-être tout à l’heure le César du meilleur court métrage. Rencontre croisée autour du rire triste, de l’insolite, et du touchant.
On te retrouve bien plus sur les sites de théâtre que de cinéma. L’hybridité entre l’humour et l’émotion, c’est quelque chose que tu revendiques beaucoup dans ton travail.
Que ce soit dans les pièces ou les courts métrages, je suis très attiré par la comédie parce que je trouve ça très, très large. J’aime bien naturellement que ce soit touchant et drôle, un peu absurde, un peu décalé. Parfois, c’est plus comique que touchant. Par exemple, la première pièce que j’ai écrite, Carton, est une franche comédie de boulevard, alors que la deuxième, Début de fin de soirée, était plus touchante et cynique que drôle.
Il y a des moments où l’on écrit sans trop savoir vers quoi on va, vers le théâtre, vers le cinéma, … . À l’époque du Carton, à quel moment t’es-tu dit que tu étais en train d’écrire une pièce ?
Assez vite. Ayant fini l’ESRA (Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle) et ayant commencé à faire du théâtre en tant que comédien, je m’épanouissais beaucoup dans une troupe tout en n’oubliant pas qu’écrire et peut-être réaliser des choses décalées me plairait bien. Je me suis mis à écrire Le Carton en ne sachant pas trop ce que c’était : un sketch, un court, … À la fin, c’est devenu une pièce. Et puis, c’est grâce au Carton que je me suis retrouvé dans le cinéma, lorsque la pièce a été adaptée en long métrage par Charles Nemes.
Quand on s’est arrêté sur un mot (théâtre) et que l’objet se transforme en film, comment est-ce qu’on ressent les choses ?
Ca s’est passé très sainement. J’ai signé en connaissance de cause. Je suis resté scénariste du film, mais je n’avais pas de velléité de le réaliser. J’ai vécu le tournage du premier au dernier jour. J’avais participé à beaucoup de tournages en régie ou en assistanat quand j’étais à l’ESRA. Techniquement, j’ai évidemment appris de nouvelles choses mais c’était la gestion humaine qui m’intéressait surtout. C’était marrant de voir comment Charles gérait des mecs comme Omar et Fred ou Bruno Salomone. En fait, ce sont des comédiens faciles à gérer, à la fois des bosseurs et des clowns.
Bébé
Tu joues dans tes films comme dans tes pièces. Quelle est la différence entre jouer sur une scène et sur un plateau ?
Ah, c’est très différent. Mais là, en l’occurrence, en jouant dans les courts, j’ai pris un gros risque. Mon moteur d’écriture, c’est de jouer dans mes projets, ça répond à mon désir d’acteur. Sur Bébé, les producteurs (Sombrero) m’ont demandé si j’allais jouer dans le film. Je leur ai expliqué que c’était une motivation de jeu de l’avoir écrit pour moi et que je serais meilleur directeur d’acteurs en jouant avec les gens. Je l’ai fait, ils étaient contents. Après, pour le Poussin, c’était pareil : je l’ai écrit pour le faire, mon Poussin.
Au théâtre, quand je joue, il y a un metteur en scène. Je ne mets pas en scène mes pièces. Je me lâche, je me fais plaisir en tant que comédien devant les spectateurs. De même, j’ai pris beaucoup de plaisir à jouer sur les courts, avec de supers comédiens. Le plus gros boulot a été d’être réalisateur. La réalisation, c’est à la fois excitant et oppressant alors que le jeu me détend. Je n’ai pas le trac quand je joue.
Il n’y a pas spécialement de liens entre tes films mais il y a un ton quand même qui s’en dégage.
Non. Un bébé, un poussin, une pute. Allez, la prochaine fois, un mammouth ! Moi, je sens pourtant un lien en jouant. J’aime bien le côté pince-sans-rire, comique, touchant, un peu absurde. Sur les courts et le long que je développe, j’aime bien prendre le risque de me dire que je frôle le cul-cul en permanence, que je n’ai pas peur d’être premier degré.
Qu’est-ce que l’expérience de Bébé a pu t’apporter pour Une Pute et un Poussin ?
On a appris à se connaître avec Sombrero, on travaille encore ensemble sur le long. J’ai appris plein de choses sur la technique pure, j’ai appris à déléguer, à dire par moments que je m’en fous ou que je ne sais pas. Le jeu, la direction d’acteurs, c’est ce qui m’intéresse le plus. Sur Bébé, j’avais trois partenaires de jeu sur cinq jours. Sur Une Pute et un Poussin, j’étais plus préparé mais il y avait un paramètre de plus : Yelle n’avait jamais joué.
Les chanteurs ne sont pas des gens à qui on pense directement pour un film. Est-ce que c’est quelque chose qu’on prend en considération, le fait qu’ils aient moins d’expérience que nous ?
Oui. Je n’étais pas du tout intimidé, elle non plus. C’était sain, je n’étais pas du tout chevronné en tant que réalisateur, elle n’avait pas d’expérience en tant qu’actrice. Je pouvais la rassurer par rapport à mon expérience de théâtre, de jeu. Elle avait une très grosse envie de jouer. Je lui ai dit : “Je ne te connaissais pas avant, maintenant, tu es comédienne, tu joues.” Yelle est très douée, le rôle lui plaisait, elle l’avait bien intégré. J’ai horreur qu’on me dise : “Elle joue bien pour une chanteuse.” Ma mère ne la connaissait pas, je voulais qu’elle me dise : “Elle est super, cette actrice. Elle a fait combien de films ?” C’est ce qui s’est passé.
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire pour quelqu’un comme elle ?
En regardant la liste des chanteurs, j’ai senti que Yelle dégageait quelque chose. Très vite, j’ai eu un gros coup de coeur pour elle. Je me suis dit que je pouvais participer à ce concours, j’ai appelé Sombrero, j’ai demandé à Thomas Verhaeghe s’il me suivrait sur le principe parce qu’il fallait une production. Il a accepté.
Ce qui est venu en cours de tournage, c’est la valeur ajoutée de Julie, je ne pouvais être que bon parce que j’étais hyper ému quand on jouait ensemble. On était dans notre petite bulle tous les deux en n’oubliant pas le film. J’ai pris un plaisir énorme en tant que comédien sur ce film mais je crois que c’était surtout lié à mon déguisement de poussin. On ne voyait que mes yeux, j’étais peinard, je n’avais pas grand chose à faire. Le costume prenait une telle place que je pouvais jouer le clown blanc tranquillement sans en rajouter des tonnes.
Le costume était tellement énorme que tu devais limiter ta palette d’émotions ?
Oui. Moi, ça me fait rire, un mec en poussin qui dit à une fille qu’elle est habillée comme une pute alors qu’il roule sur un vélo pourri et qu’il déclare revenir d’une fête déguisée ! Tu parles, le mec revient d’une animation saucisson au supermarché, oui. C’est plus gros que lui, c’est la loose ! En fait, le costume m’a beaucoup aidé. Après, quand je l’ai enlevé les deux derniers jours, ça a été plus dur. J’avais une pudeur de comédien, là, je devais y aller, je n’avais plus de costume, mais ça me servait aussi pour le rôle.
La scène où on se dénude tous les deux, je voulais que ce soit une belle scène, comme si on était vraiment en train de faire l’amour sous la baraque à frites. Le poussin a la douceur de ne pas la regarder, il s’en fout, il n’est pas là pour se taper une nana. Du coup, j’ai dit à Julie : “Tu vas être très belle quand tu vas te déshabiller, je ne filme pas te seins, je te filme, toi.” Moi, j’ai horreur de voir des films dans lesquels les hommes sortent de leur lit en se mettant un drap autour de la taille.
C’est marrant parce que dans Bébé, tu portes encore ton caleçon après avoir fait l’amour.
Dans Bébé, j’ai fait cette connerie-là, je ne suis pas sorti à poil. Après le montage, je me suis rendu compte que ça ne marchait pas, que je m’étais trompé. Voilà, j’ai appris ça, filmer les gens nus. Donc je suis dans le porno maintenant !
Ah oui, c’est bien, ça.
Je développe une trilogie pornographique. Non, ça avance sur du très, très long métrage ! D’ailleurs, si tu montes un magazine au nom de Format long, ça m’intéresse ! Ce sera La Ferme des Animaux remaniée : Orwell rencontre HPG ! Mais je l’ai mon sujet, je viens de le trouver. Chicken Run versus Clara Morgane, oh putain. Je vais appeler Sombrero, ils vont être contents. Ils attendaient vraiment un porno après les courts, je pense !
Quel est l’état d’avancement de ton long, Thomas Platz a un bébé ?
J’attends des réponses d’acteurs, pour le moment, il est en financement. Je cherchais un titre un peu énigmatique. Longtemps, le film s’est appelé Presque papa mais je trouvais que ça faisait un peu Joséphine, ange gardien comme titre donc je l’ai modifié. Ce long métrage est un cousin germain du Poussin et du Bébé.
Synopsis : Yelle joue Louise, une jeune femme perdue au beau milieu de nulle part. A un arrêt de bus totalement improbable, elle rencontre un jeune homme costumé en gros poussin qui pédale péniblement sur une bicyclette rouillée. Une rencontre improbable, tendre et loufoque entre deux petits oiseaux paumés qui vont faire un vrai bout de chemin ensemble.
« Une Pute et un Poussin » de Clément Michel, est cette année en lice pour le César du meilleur court métrage. Dans ce film, Julie Budet et le réalisateur lui-même nous livrent une interprétation positivement loufoque d’une probable prostituée et d’un improbable poussin. Le personnage du poussin sort d’une soirée déguisée années 80, qu’il a passée avec ses soi-disant amis. Son costume s’expliquant par le fait qu’« il y avait des poussins dans les années 80 ». La probable prostituée, quant à elle, s’est faite descendre de voiture, au milieu de nulle part, par celui qui avait aimablement proposé de la raccompagner. Le ton est donné : « Une Pute et un Poussin » relate la rencontre de ces deux personnages dans une situation qui frise l’absurde.
On connaissait déjà Clément Michel pour son premier court-métrage, « Bébé », qui traitait aussi avec beaucoup d’humour de la question de la paternité. Julie Budet, plus connue sous le nom de Yelle, notamment pour sa chanson « Je veux te voir », invective musicale par laquelle elle répond sans retenue au lâchage verbal, offensif pour la gente féminine, dont le trio de TTC avait fait preuve pour leur morceau « Girlfriend ». Bien que Yelle tienne ici le rôle de la pute, il ne serait pas à propos de parler d’un film sur la condition féminine. A travers une approche délirante et un poil simplificatrice, « Une Pute et un Poussin » pose une problématique sérieuse, celle des jugements que l’homme, par un simple regard, porte sur la femme.
Prostituée ou pas, la femme du film ne veut pas être traitée comme une pute. Quand le poussin lui dit : « C’est pas commun d’être là à 8h du matin, toute seule, en petite jupe, sur une route », elle lui répond à juste titre : « En même temps toi tu fais du vélo habillé en poulet, c’est pas hyper commun non plus ». Suite à cet échange, une forme de tendresse s’installe peu à peu entre les deux personnages. Pourtant, sûrement par habitude, la jeune femme ne peut s’empêcher de se sentir prise pour une pute. Campant sur la défensive, elle tend elle-même à se considérer comme telle et appelle de fait à ce type d’attention.
Le film nous mène à nous interroger sur la tromperie potentielle des apparences. Il explore la notion de représentation par le paradoxe suivant : le regard inhabituel que porte le poussin sur la femme qu’il rencontre ne laisse pas cette dernière insensible. Au yeux de cet homme, elle n’est pas une pute, tandis qu’à ses yeux à elle, lui, restera son poussin, un poussin qui continuera à la faire sourire, lorsque vêtue de sa mini-jupe, elle remonte un trottoir sur lequel se trouvent d’autres femmes, elles aussi vêtues de mini-jupes. Le spectateur se demande alors, si la femme qu’il voit à l’écran est ou n’est pas une pute.
Une pute et un poussin » est une réussite à tout point de vue. Le scénario, simple parce que linéaire, est surtout efficace, du début à la fin. La mise en scène, extrêmement soignée, donne au film un aspect fort naturel, de même que la photographie, l’interprétation des personnages et… les costumes, même si celui du poussin peut surprendre un peu plus que le reste, mais l’idée même du poussin est une trouvaille qui apporte énormément au film. Le film de Clément Michel a donc bien sa place dans la compétition des Césars, autant pour son humour que pour son sérieux, qui, parfaitement mêlés, en font une œuvre aussi plaisante que touchante.
Honoré d’un Oscar il y a un an, le film « Logorama » est sélectionné dans deux catégories aux César 2011 (meilleur court-métrage, meilleur court-métrage d’animation). Réalisé par trois curieux experts de l’animation numérique, regroupé sous le sigle H5, il a connu un succès dans les festivals du monde entier. Ludovic Houplain, l’un des trois réalisateurs, revient sur le processus de production et de création du film, la place des logos dans l’imaginaire social et la reconnaissance faite aux pratiques de cinéma d’animation en France. À quelques heures du verdict, il nous donne l’occasion de comprendre les origines du film et nous fait part de sa confiance pour l’avenir de l’animation.
« Logorama » est le fruit d’un travail collectif. D’où l’idée d’un tel projet est-elle née ?
La première fois que nous est venue à l’esprit cette idée, c’était après avoir réalisé le clip de « The Child », entièrement en typographie réalisée avec Antoine Bardou Jacquet en 1999. Notre société de production de l’époque “Midi Minuit”, nous a alors proposé de faire un clip pour un groupe français qui s’appelait « Telepopmusic ». A l’époque, nous avons proposé l’idée de faire un clip entièrement en logotypes américains et russes. L’idée était de faire un duel Est-Ouest au travers de leurs logotypes, un choc des cultures entre deux superpuissances, une opposition de logotypes, d’identités, de politiques, de couleurs. Mais le projet est tombé à l’eau.
Puis j’ai travaillé avec mon frère Cyril Houplain sur des images mélangeant des logotypes de différentes époques, allant des années 1920 à maintenant. Mais la confrontation entre ces différentes écritures ne marchait pas, nous ne pouvions mélanger les périodes de logotypes. Pendant un an, le film est resté en stand-by, jusqu’à notre clip pour le groupe norvégien « Royksopp », réalisé avec Hervé de Crécy. Après le MTV Awards, on nous a proposé via Black Dog Films de faire un clip pour Georges Harrisson. Il voulait un clip critique sur la société de consommation, alors nous avons réadapté l’idée originale avec Hervé de Crécy, pour l’installer à la Nouvelle Orléans. La ville entièrement constituée de logotypes était ravagée par un cyclone, les rues étaient inondées, les logotypes arrachés du sol et emporté par les courants. A la fin, dans ce monde inondé, la végétation reprenait le dessus. Le retour de la maison de disque fut excellent, mais elle eut une observation : « Comment allez-vous faire pour fabriquer tous cela avec de faux logotypes ? ». Alors nous leur avons répondu que ce film n’aurait aucun sens s’il était constitué de faux logotypes, et qu’il fallait des vrais. L’idée n’est pas allée plus loin.
C’est à ce moment que je me suis dit que nous n’arriverions jamais à vendre cette idée, et qu’il fallait que H5 produise ce film. J’ai alors cherché avec Nicolas Rozier des producteurs capables de produire un tel film, sans aucune sorte de censure. Nous avons rencontré des producteurs de courts-métrages, dont Nicolas Schmerkin (Autour de Minuit Production). Avec lui, nous avons réussi à réunir différents partenaires financiers comme Stéphane Kooshmanian (Addict Films) ayant travaillé avec Wong Kar-Wai sur « 2046 », et Maurice Prost (Mikros Images), pour pouvoir faire ce film. Nous sommes rentrés en production en 2005, rejoints alors par François Alaux & Quentin Brachet. Nous avons réussi à monter une production qui était d’accord sur le sens du film, à savoir ne pas dénaturer le propos, ne pas se censurer par rapport aux marques, aller au bout de notre idée.
Étiez-vous tous les trois impliqués depuis le début dans le projet ?
Pendant le processus de création, comment les tâches ont-elles été réparties ? La répartition du travail n’a pas été identique suivant les périodes. Sur six ans de production, et parallèlement aux autres travaux que nous faisions, nous nous relayons suivant nos disponibilités. Par exemple, je n’ai pas été présent sur l’enregistrement des voix aux États-Unis pour des raisons personnelles. Ce sont donc François et Quentin qui s’en sont chargés en août 2008.
« Logorama » est fondé sur le principe de récupération de logos, utilisés par de grandes firmes multinationales. Est-ce que le film est une manière de rendre hommage à la culture de consommation moderne, de montrer l’emprise symbolique des logos dans notre imagination ou bien pour émettre une critique ironique de la puissance des symboles économiques ?
C’est avant tout un hymne à la liberté d’expression. C’est la raison pour laquelle nous espérons qu’il devienne un objet critique de notre société contemporaine. En fait, nous ne sommes pas d’accord sur le fait qu’il y ait une censure sur un objet artistique, qui plus est sans but lucratif. N’importe qui devrait avoir le droit de faire un tel film, sans avoir à demander la moindre autorisation. Il ne s’agit pas de dénigrer tel ou tel marque, mais de faire le film que l’on a envie de faire, un film actuel avec des codes artistiques actuels.
Certains y trouveront peut-être un discours anti-marques. Mais ce n’est pas notre cas, nous ne sommes pas alter mondialistes. Nous essayons de parler aux gens de leur monde avec un langage visuel qui les entourent depuis vingt ans. Ces marques font parties de leur quotidien, il faut savoir que les gens voient quotidiennement 2 500 logotypes par jours.
« Logorama » est aussi un hommage au cinéma hollywoodien qui est lui-même un produit de consommation moderne. Il nous fallait limiter l’esthétique proprement dite, trouver un cliché de mise en scène, pour que ce film devienne non pas un film d’artiste contemporain, mais au contraire, un film populaire, universel. De plus, l’idée de catastrophe, réadaptée à Los Angeles, nous a forcement amené au cinéma américain. Le film se réfère au film catastrophe, au film d’action (Lethal Weapon) et même à Robert Altman. Je pense que la mondialisation s’applique autant à des logotypes qu’à une forme de cinéma, au cinéma hollywoodien. Rien de tel qu’un produit de consommation pour parler d’un monde de consommation.
Le fait d’être nommé aux César (un an après avoir reçu l’Oscar du meilleur court-métrage) est une manière d’être reconnu par la profession, par la “grande famille” du cinéma français. Comment ressentez-vous cette reconnaissance ?
On ne peut-être que content. C’est une reconnaissance pour toutes les personnes travaillant dans les domaines du numérique et de l’animation. Par ailleurs, il est important de reconnaître l’expertise française dans ce domaine.
Les outils numériques mis à notre disposition en animation vont nous permettre d’aller très loin. Selon moi, nous sommes en l’An 1 de l’animation, comme l’était la bande dessinée dans les années 70. Les films en animation vont exploser pour prendre une part relativement importante dans le paysage audiovisuel.
Avez-vous d’autres projets ? Avez-vous choisi de vous “attaquer” à d’autres symboles ou bien de poursuivre un travail autour des logos ?
Pour l’heure, nous en sommes à la naissance de nouveaux projets, avec un film sur la puissance boursière ainsi qu’un projet d’exposition mélangeant toute nos compétences — graphiques, typographiques ou vidéos — prévu pour septembre 2012 dans un musée parisien. Quand aux logotypes, on va les mettre en sommeil pour les vingt prochaines années, le temps qu’ils soient reliftés !