« Walking on the wild side », un beau titre pour une histoire de malentendus. Ce 3ème court métrage du trio fonctionne autour d’une idée simple : le quiproquo, un des ressorts de la comédie populaire. L’homme, Dom, croit que Fiona est prostituée alors qu’elle travaille comme femme de ménage dans une maison close. Il fait donc appel à ses services sans comprendre le malentendu en cours.
Les réalisateurs débutent leur court métrage sur les chapeaux de roues sans faire l’impasse sur des gags topiques, tels que la rencontre violente et involontaire des deux personnages qui se rentrent littéralement dedans, et le premier dialogue construit autour des balbutiements et des tentatives avortées du personnage masculin. Ils montrent que la parole n’est jamais performative pour leurs personnages mais qu’elle n’est qu’accessoire. Dans « Walking on the wild side », elle ne dénoue en rien les situations de quiproquo, au contraire, elle les provoque. Le scénario d’une grande simplicité est appuyé par une mise en scène construite sur l’imprécision. Tout d’abord, le choix délibéré d’une image granuleuse nous fait pencher du côté des années 80. Les costumes et les décors vont d’ailleurs dans ce sens.
A tous points de vue le traitement de l’image rappelle le format super 8. Le film s’ouvre donc sur une imprécision temporelle. Par ailleurs, les points de vue s’avèrent multiples : plusieurs épisodes sont perçus à travers les yeux de Dom, en caméra subjective : la première rencontre avec Fiona, les plans sur les prostituées dans la rue…. Son regard se fait timide lorsqu’il se tourne vers ce « monde illégal ». Ces jeux de regards et de champ contre-champ préparent le malentendu en jouant sur le sens métaphorique de l’aveuglement. Dom est aveuglé par Fiona la première fois qu’ils se rencontrent et ne cherche aucunement à comprendre le sens de ce qu’il voit. Pourtant leur deuxième rencontre a lieu sur le palier d’une maison close alors que Fiona est en train de faire le ménage. Le spectateur comprend donc immédiatement la mésentente qui s’installe entre les protagonistes. S’en suivent par la suite des situations équivoques et des discussions à double sens. Une scène délicieuse en donne l’exemple : Fiona entre chez Dom après qu’il lui ait demandé ses services (il croit donc qu’elle est prostituée, alors qu’elle, elle vient faire le ménage) et en voyant le désordre de l’appartement, elle s’exclame naturellement « Vous avez besoin de moi ! » auquel le personnage masculin rétorque un « oui » mi-gêné mi-excité.
Formellement, le court-métrage met l’accent sur l’aspect pictural des scènes : les vitrines des prostituées constituent des sortes de tableaux vivants aux couleurs saturées et aux tons désuets, et les femmes deviennent elles-mêmes des figurines. Presque « choisifiées », elles trônent en maîtresses de la luxure dans leurs pièces de verre et demeurent mutiques. Les seconds rôles sont ainsi relégués dans l’arrière boutique et ne servent qu’à rappeler le malentendu fâcheux entre les deux personnages principaux.
Le film pourrait se terminer en tragédie, il se clôt en beauté grâce à une chute (dans les deux sens du terme) tragi-comique voire surréaliste : Dom tombe littéralement sur Fiona après un voyage vertical de plusieurs mètres. Cette chute finale est comme un condensé de l’esthétique promue par les cinéastes depuis leurs débuts, à savoir que « l’humour est [souvent] la politesse du désespoir ».
Dounia Georgeon
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Article associé : l’interview de Fiona Gordon, Dominique Abel et Bruno Romy