Déjà doté d’une belle carrière en festival (sélection entre autre aux Festivals de Vendôme et de Clermont-Ferrand), « Tussilago » a remporté le prix Format Court au Festival Anima 2011. Retour sur un film qui place sur le devant de la scène un genre assez peu connu du grand public : le documentaire animé.
Jonas Odell traite dans « Tussilago » du terrorisme conduit par le groupe anarchiste RAF de Norbert Körcher dans l’Allemagne des années 70. Le sujet a laissé dans la mémoire collective une trace dramatique mais également teintée de fascination comme le sont souvent les épopées clandestines.
Le point de vue proposé par le réalisateur met en exergue cette dualité. Là où le récit s’ouvre sur une romance à la Bonnie & Clyde, il se terminera sur une folie inextricable pour la narratrice, A, ex-petite amie de Körcher.
Ce documentaire raconte son histoire. Une histoire qui commence le jour où elle rencontre Körcher. Ce jour où débute la descente aux enfers d’une jeune femme sans doute trop amoureuse pour se rendre compte à temps du danger vers lequel elle s’avance en fréquentant le meneur du groupe anarchiste.
Le film s’appuie sur le témoignage de A, en voix off. Les images que l’on voit sont celles de l’esprit de A, avec toute leur partialité, leur ressenti épidermique. Elles sont comme le récit, sans demi-teintes. Les émotions fortes et les mouvements clés de l’histoire de A sont tout ce qui reste des souvenirs du passé. A ne s’encombre pas d’anecdotes et reste concentrée sur le mouvement de descente aux enfers qu’elle comprend, maîtrise et analyse avec le recul permis par le temps passé. Elle explique chronologiquement les choses. Son objectif est de nous faire comprendre comment et pourquoi sa vie s’est construite autour de sa rencontre avec le terroriste.
À l’identique, les images s’entrechoquent, se superposent, se répondent entre elles comme le récit de A qui va droit au but. La technique d’animation employée par Odell, la rotoscopie, est littéralement mise au service de la narration. Odell colle de près au récit, et le témoignage gagne en intensité grâce aux images à l’esthétique 70’s centrées sur l’action des personnages et dépourvues de toile de fond. Toujours au service du témoignage, ces images focalisent l’attention sur le récit.
La richesse du sujet choisi par Odell, mais également son admirable travail d’animation au service de son sujet, font de « Tussilago » une petite pépite à mettre entre les mains de tous ceux qui croient encore que l’animation est un cinéma pour « enfant ». Avec « Tussilago », Odell confirme sont talent pour l’animation documentaire, et la qualité de ses choix esthétiques et narratifs sont toujours au service des sujets qu’il traite.
Consulter la fiche technique du film
Articles associés : l’interview de Jonas Odell, le reportage : Jonas Odell ou la profitable élasticité de l’être