Présenté en première mondiale à la Semaine de la Critique 2011 à Cannes (avant le long-métrage « Walk away Renee » de Jonathan Caouette), « Mourir auprès de toi » donne à voir la maîtrise de Spike Jonze dans un genre où on ne l’attendait pas vraiment : l’animation traditionnelle.
Intérieur nuit, librairie. D’une prise de vue réelle en ouverture, on bascule dans le monde animé des livres lorsque la boutique – qui n’est autre que la fameuse librairie parisienne Shakespeare and company – ferme ses portes pour la nuit. Sur les étagères, les couvertures illustrées, confectionnées en tissu pour l’occasion, s’animent. La feutrine de couleur utilisée pour donner corps aux personnages est découpée et articulée en aplat de couleurs superposées. Le découpage assez naïf des éléments qui composent ces héros marionnettes-mobiles permet une certaine décadence dans les mouvements travaillés image par image. Le monde n’est ici pas rectiligne et les semblent comme taillés au couteau (!).
C’est autour d’une idée scénaristique simple que Jonze et Cahn, co-réalisateurs, ont développé la trame de « Mourir auprès de toi » : les héros des chefs d’œuvre de la littérature anglophone s’extirpent de l’objet livre pour vivre leur histoire individuelle. Les réalisateurs ont ainsi inventé une romance anachronique entre la fiancée de Dracula, dont la voix appartient à la chanteuse Soko, et le squelette de Mac Beth interprété par Jonze himself. Cette petite histoire acidulée trouve une illustration parfaitement dans un court métrage qui bluffe plus par son rythme et son côté home made que par son intrigue.
Créateur issu de cette génération de clippeurs bricoleurs un peu fous des 90’s (avec Gondry et Cunningham notamment), Spike Jonze a toujours produit un travail passionnel. Il est de ces réalisateurs qui imaginent des films pour mettre en avant le talent des artistes avec lesquels il collabore. Dans « Mourir auprès de toi », c’est avec la créatrice de mode Olympia Le-Tan que Jonze tricote un court métrage tout en humour et simplicité à l’image de l’univers de celle-ci. Mais qui des minaudières-livres ou de la romance entre Mina et le squelette était là en premier ? Inutile de chercher une réponse, la magie du film tient à cette alchimie entre les deux.
Entre l’inventivité délirante de Jonze et la fantaisie des créations de Le-Tan, « Mourir auprès de toi » prend des airs de fable décalée qui lorgne du côté de l’esthétique pop. Ces 6 minutes d’animation traditionnelle jouent sur un humour fin et décalé, un humour incontestablement très séduisant.