Les dates de sa découverte sont légèrement dépassées, mais son souvenir reste encore en mémoire. Trouvé à Dubaï, « Taba » du Brésilien Marcos Pimentel enregistre les battements de villes contemporaines au cœur des rues et des ruines de celles-ci, sur un mode documentaire et contemplatif.
Plusieurs fois par an, Marcos Pimentel se rend à Cuba, à l’EICTV, l’école de cinéma et de télévision, où il encadre les films de fin d’études du département documentaire. Le reste du temps, il s’occupe en faisant des films. Commencée en 2009, sa trilogie urbaine et tribale comprend « Polis » et « Urbe », deux aperçus de la ville, de l’urbanisme, de la construction et de la déconstruction, de la vie et de la mort, de visages et de corps. « Taba », son dernier-né s’installe lui aussi dans la rue, plateau naturel et imprévu par excellence, en collectant des images de murs graffités et de rencontres improbables avec les humains qui les frôlent.
Avec ce film, le réalisateur donne à voir la ville autrement. Par le biais d’une caméra de surveillance, par des chiens qui aboient, par des plans de bâtisses fissurées, par des regards fixes, par une clé de sol tatouée sur une épaule, par l’errance d’un sac plastique, il filme ce qu’on ne voit pas, cette succession de détails devant lesquels on passe quotidiennement sans s’arrêter ou sur lesquels on ne porte qu’un regard vide, distrait, inexpressif. Ce qui est bien regrettable quand on réalise que les murs véhiculent aussi notre histoire et offrent un moyen d’expression libre, à portée de bon nombre d’anonymes.
« Taba » a demandé du temps, comme l’explique le réalisateur. « J’ai beaucoup attendu, j’étais en quête d’interactions. Chaque jour, j’étais dans la rue. Parfois, on attend toute la journée et rien ne se passe, et puis, parfois, quelque chose survient tout d’un coup sans qu’on l’ait anticipé. » Que des bras géants tentent d’agripper les passants sur un mur ou qu’un matelas discount fasse signe de la main dans la rue, quand cela survient, le documentaire prend évidemment tout son sens. Les images de Pimentel, dénuées du moindre commentaire, offrent leur lot d’impressions, fruits des contrastes et des contradictions des grands centres urbains. Avec « Taba », l’expérience urbaine n’est plus la même. On se (re)met à scruter les affiches dans le métro et on (re)part en rue en quête de détails insolites ou tout simplement émouvants.