L’expression visuelle et l’originalité narrative de Entrevista con la tierra, à mi-chemin entre le documentaire et la fiction, laisse entrevoir une réalité qui, à tout instant se dérobe au spectateur. Présent dans la capitale bretonne pour le Festival Travelling, le film de Nicolás Pereda évoque la rencontre magique d’un Mexique primitif attaché à ses traditions.
C’est par touches impressionnistes que le réalisateur mexicain nous dévoile un coin de réalité qu’il connaît bien, celle qui touche un village de son enfance. Là, les hommes et les femmes sont de petite taille et ont la peau foncée prouvant leur appartenance au peuple amérindien. Les superstitions demeurent indissociables des croyances et la mort omniprésente. Entrevista con la tierra parle des sentiments paradoxaux où sont plongés les proches de David, un jeune garçon mort après une chute accidentelle alors qu’il se promenait à la montagne avec ses amis Nico et Amalio et dont la mère rend ces derniers coupables de la disparition de son fils.
Lors d’entretiens filmés dans la nature, on découvre l’amitié qui liait David à Nico et à Amalio, son frère. Mais quand on pense saisir la vérité, elle nous échappe, car par pudeur ou par honte, Nico refuse de reconnaître la disparition de son meilleur ami. Plongé dans le déni, il parle de lui au présent tout en déviant petit à petit vers un passé fragile. Parce que l’âme mexicaine mêle spontanément vie et mort, jouissance et tragédie, on s’étonne à peine de voir la mort prendre place dans un imaginaire reconstruit par la voix de l’enfance. Grâce à une mise en forme des plus audacieuses, le réalisateur offre une œuvre poétique sur le deuil, la culpabilité et les possibilités de les surmonter malgré l’incommunicabilité flagrante existant parmi les différents personnages.
Entre mise en scène travaillée et fragments de réalité, le film prend par moments une dimension plus mystique, ce que nous montre la scène finale où, symboliquement, Nico le protagoniste, tient une perche et tente de capturer le moindre bruit dans le cimetière où repose le corps de son ami, l’absence totale de son lui faisant alors étrangement écho. Par ailleurs, la musique de Marcela Rodriguez reprenant des sons et des instruments traditionnels achève d’apporter une touche métaphysique au documentaire qui s’engouffre dans les mystères de la forêt en même temps qu’il cherche à capter l’essence d’une culture en voie d’extinction.