Double candidat aux Festivals d’Angers et de Clermont-Ferrand cette année, A Family Portrait est un court animé britannique remarqué pour sa singularité. Osé et impertinent, il s’inscrit non sans humour dans la pure veine des films Channel 4, dont il est une coproduction avec Fifty Nine Productions, Film London et le UK Film Council.
Une séance de portrait familial – événement bien banal – dérape progressivement dans le délire total lorsque la famille presque parfaite en apparence se révèle querelleuse, dysfonctionnelle et, pire, peu photogénique. Devant le diapositif du portraitiste aussi ambitieux qu’incompétent, se joue dès lors un spectacle d’infidélité, de mensonges, de haine et de rapports œdipiens.
Dans A Family Portrait, Joseph Pierce construit son récit autour de détails au lieu d’une narration conventionnelle. Ces détails visuels, il les laisse apercevoir brièvement mais surement, qu’ils soient réels, imaginés (un cheveu blond sur la veste du mari, une cravate se transformant en culotte de femme, un sourire espiègle cachant une orange,…), répliqués ou provocateurs (« votre garçon ne ressemble pas au laitier, j’espère », « – quel est ton plat préféré ? – PAPA ! »).
Inspiré par le gag classique du môme espiègle qui sabote les photos, Pierce va carrément jusqu’à une mise à mal du paradigme domestique traditionnel, qu’il renforce par un travail hybride sur l’image. Tandis que la technique de rotoscopie anime la live action et créé une image plus souple, les dessins grotesques permettent, eux, un va-et-vient constant entre un réalisme sobre et un expressionnisme tordu. Les traits faciaux deviennent par conséquent des rides et des fêlures selon l’humeur ou la paranoïa des personnages. Plus vignette que drame, A Family Portrait livre un tableau psychologique des rapports familiaux insolents et insolites, avec perspicacité, originalité et un humour bien excentrique.
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Article associé : l’interview de Joseph Pierce