« Coloscopia » est le récit d’une success story toute particulière. Celle de Jackie La Rose, reine des playmates, devenue Coloscopia suite à une colostomie. Idole d’une nouvelle génération, elle devient la figure d’un nouvel eldorado de l’érotisme, le trash. Benoît Forgeard, son auteur, surprend, amuse et touche avec son dernier opus présenté en compétition à Clermont-Ferrand.
Ce matin, l’hiver est tombé sur le monde du charme et de l’indécence. C’est par ces mots endeuillés que commence Coloscopia petit bijou décalé et jouissif du toujours surprenant Benoît Forgeard.
Jackie La Rose, playmate star du magazine de charme Beauty, vient de subir une colostomie suite à un cancer fulgurant du gros colon et son docteur témoigne de l’opération sur le plateau télé d’une version illuminée de Thé ou café. Évoquer la pose d’un anus artificiel lors d’une émission matinale semble tout à fait naturel tout comme la retentissement du gong qui annonce , à la manière d’un film de Powell et Pressburger, le début de notre histoire épique.
Jackie (jouée par la sculpturale Caroline Deruas) décide d’assumer pleinement sa « poche » et de continuer à faire des photos de charme, affublée de son accessoire. Désormais rebaptisée « Coloscopia », elle devient rapidement le fantasme d’une nouvelle génération de lecteurs à la recherche d’un tout autre genre d’érotisme. Colo, pour les intimes, est bientôt courtisée pour apparaître dans des films hardcore au grand désarroi de sa mère (incarnée par la trop rare Christine Boisson), elle-même à la tête du magazine Beauty et garante de la tradition maison.
La force du film de Benoît Forgeard est d’insuffler de la mélancolie et de la douceur à un sujet pour le moins atypique. Le destin de Jackie, devenue Coloscopia, récit d’une success story à l’envers, est étrangement touchant. Au fond, Jackie tente non seulement de vaincre le handicap et les préjugés mais aussi tout simplement de rester désirable. Forgeard décrit aussi la fin d’un monde, celui d’un certain érotisme traditionnel et vieillissant face au besoin de plus en plus pressant du frontal et du cru vers le trash ultime.
L’humour n’est pourtant pas absent de ce court. On rit beaucoup notamment grâce à la présence toujours aussi jubilatoire de Darius (qui joue le docteur), comédien fétiche de Forgeard qui, par sa diction unique et son rythme, apporte beaucoup au film. La mise en scène semble autant se nourrir de films érotiques des seventies que de soap opera actuels dans une décomplexion bienvenue. En treize minutes seulement, Forgeard donne corps à des personnages hors normes sans tomber dans la caricature et étonne par la maitrise de son récit fantasmagorique.
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